dans leur remblaîment continu, les pieds des dernières bières enfouies. Il
m'aurait suffi alors de briser une planche pour m'échapper ; tandis que, si je
me trouvais dans un trou comblé entièrement, j'avais sur moi toute une
couche épaisse de terre, qui allait être un terrible obstacle.
N'avais−je pas entendu dire qu'à Paris on enterrait à six pieds de
profondeur ? Comment percer cette masse énorme ? Si même je parvenais
à fendre le couvercle, la terre n'allait−elle pas entrer, glisser comme un
sable fin, m'emplir les yeux et la bouche ? Et ce serait encore la mort, une
mort abominable, une noyade dans de la boue.
Cependant, je tâtai soigneusement autour de moi. La bière était grande, je
remuais les bras avec facilité. Dans le couvercle, je ne sentis aucune fente.
À droite et à gauche, les planches étaient mal rabotées, mais résistantes et
solides. Je repliai mon bras le long de ma poitrine, pour remonter vers la
tête. Là, je découvris, dans la planche du bout, un noeud qui cédait
légèrement sous la pression ; je travaillai avec la plus grande peine, je finis
par chasser le noeud, et de l'autre côté, en enfonçant le doigt, je reconnus la
terre, une terre grasse, argileuse et mouillée. Mais cela ne m'avançait à
rien. Je regrettai même d'avoir ôté ce noeud, comme si la terre avait pu
entrer. Une autre expérience m'occupa un instant : je tapai autour du
cercueil, afin de savoir si, par hasard il n'y aurait pas quelque vide, à droite
ou à gauche. Partout, le son fut le même. Comme je donnais aussi de légers
coups de pied, il me sembla pourtant que le son était plus clair au bout.
Peut−être n'était−ce qu'un effet de la sonorité du bois.
Alors, je commençai par des poussées légères, les bras en avant, avec les
poings. Le bois résista. J'employai ensuite les genoux, m'arc−boutant sur
les pieds et sur les reins. Il n'y eut pas un craquement. Je finis par donner
toute ma force, je poussai du corps entier, si violemment, que mes os
meurtris criaient. Et ce fut à ce moment que je devins fou.
Jusque−là, j'avais résisté au vertige, aux souffles de rage qui montaient par
instants en moi, comme une fumée d'ivresse. Surtout, je réprimais les cris,
car je comprenais que, si je criais, j'étais perdu. Tout d'un coup, je me mis
à crier, à hurler. Cela était plus fort que moi, les hurlements sortaient de
ma gorge qui se dégonflait. J'appelai au secours d'une voix que je ne me
connaissais pas, m'affolant davantage à chaque nouvel appel, criant que je
ne voulais pas mourir. Et j'égratignais le bois avec mes ongles, je me
La Mort d'Olivier Bécaille
IV 23