comptes rendus, de rapports aux ministres, de rapports au souverain. Je
n'oublierais pas que je vis dans une époque où l'on croit pouvoir
résoudre, par l'industrie, tous les problèmes de la société, où l'on
s'occupe sans cesse de l'amélioration du sort des classes ouvrières. Je
m'attacherais d'autant plus à ces questions, qu'elles sont un dérivatif
très-heureux pour les préoccupations de la politique intérieure. Chez
les peuples méridionaux, il faut que les gouvernements paraissent sans
cesse occupés; les masses consentent à être inactives, mais à une
condition, c'est que ceux qui les gouvernent leur donnent le spectacle
d'une activité incessante, d'une sorte de fièvre; qu'ils attirent
constamment leurs yeux par des nouveautés, par des surprises, par des
coups de théâtre; cela est bizarre peut-être, mais, encore une fois,
cela est.
Je me conformerais de point en point à ces indications; en conséquence,
je ferais, en matière de commerce, d'industrie, d'arts et même
d'administration, étudier toutes sortes de projets, de plans, de
combinaisons, de changements, de remaniements, d'améliorations dont le
retentissement dans la presse couvrirait la voix des publicistes les
plus nombreux et les plus féconds. L'économie politique a, dit-on, fait
fortune chez vous, eh bien, je ne laisserais rien à inventer, rien à
publier, rien à dire même à vos théoriciens, à vos utopistes, aux
déclamateurs les plus passionnés de vos écoles. Le bien-être du peuple
serait l'objet unique, invariable, de mes confidences publiques. Soit
que je parle moi-même, soit que je fasse parler par mes ministres ou mes
écrivains, on ne tarirait jamais sur la grandeur du pays, sur la
prospérité, sur la majesté de sa mission et de ses destinées; on ne
cesserait de l'entretenir des grands principes du droit moderne, des
grands problèmes qui agitent l'humanité. Le libéralisme le plus
enthousiaste, le plus universel, respirerait dans mes écrits. Les
peuples de l'Occident aiment le style oriental, aussi le style de tous
les discours officiels, de tous les manifestes officiels devrait-il être
toujours imagé, constamment pompeux, plein d'élévation et de reflets.
Les peuples n'aiment pas les gouvernements athées, dans mes
communications avec le public, je ne manquerais jamais de mettre mes
actes sous l'invocation de la Divinité, en associant, avec adresse, ma
propre étoile à celle du pays.
Je voudrais que l'on comparât à chaque instant les actes de mon règne à
ceux des gouvernements passés. Ce serait la meilleure manière de faire
ressortir mes bienfaits et d'exciter la reconnaissance qu'ils méritent.
Il serait très-important de mettre en relief les fautes de ceux qui
m'ont précédé, de montrer que j'ai su les éviter toujours. On
entretiendrait ainsi, contre les régimes auxquels mon pouvoir a succédé,
une sorte d'antipathie, d'aversion même, qui finirait par devenir
irréparable comme une expiation.
Non-seulement je donnerais à un certain nombre de journaux la mission
d'exalter sans cesse la gloire de mon règne, de rejeter sur d'autres
gouvernements que le mien la responsabilité des fautes de la politique
européenne, mais je voudrais qu'une grande partie de ces éloges parût
n'être qu'un écho des feuilles étrangères, dont on reproduirait des
articles, vrais ou faux, qui rendraient un hommage éclatant à ma propre
politique. Au surplus j'aurais, à l'étranger, des journaux soldés, dont
l'appui serait d'autant plus efficace que je leur ferais donner une
couleur d'opposition sur quelques points de détail.
Mes principes, mes idées, mes actes seraient représentés avec l'auréole