cela!...
Voyons, vous etes la, vous voyez avec quelle rapidite le genie francais
se montre dans toute sa beaute et dans tout son developpement.
Dans un an, la France a trouve le moyen d'etre plus prete que
l'Allemagne dans quarante ans.
Chaque jour, notre puissance s'affirme davantage. Nos ennemis le
sentent, et il faut que nous, depuis le simple pioupiou jusqu'au plus
haut grade, depuis le combattant jusqu'au peuple qui nous regarde et
nous observe, il faut que nous sachions que nous sommes les plus forts.
On installe de nouvelles machines et aussitot vous pensez: "tout cela
prouve que la guerre ne tire pas a sa fin".
Que diriez-vous, si je vous disais, moi, que cela prouve le contraire?
Si l'on installe tout un machinisme nouveau, c'est surement pour
fabriquer plus vite. Si l'on fabrique plus vite, c'est que les besoins
se font plus pressants. Pensez-vous donc, si nous faisions une nouvelle
campagne d'hiver, que nous n'aurions pas, en restant sur la defensive,
le temps, pendant cinq ou six mois encore, de preparer des munitions en
vue de l'offensive prochaine, et cela sans faire des modifications dans
nos ateliers?
Il faut une fin prochaine a tout cela. Une seconde campagne d'hiver,
c'est la ruine de l'Allemagne, la misere chez nous, la mort lente,
triste, effrayante, des habitants de la tranchee, c'est une chose que
l'on envisage, mais qui, pour moi, ne se fera pas.
Pour moi, d'un cote ou de l'autre, doit se tenter un grand coup, qui
sera decisif. Si les deux partis resistent a ce choc formidable, qui
sera le dernier, il ne nous restera plus qu'a attendre, a patienter,
jusqu'a ce que l'Allemagne dise: "Eh bien!... j'en ai assez".
Mais cela n'arrivera pas, car que les Boches nous attaquent ou que nous
le fassions, quand toutes les nations civilisees seront debout contre
ce chef bandit du militarisme prussien, ils seront battus, c'est
indiscutable. Ah! ce cri que le Juif Errant de la legende entendait
retentir au-dessus de sa tete, chaque fois que, ruisselant de sueur,
brise de lassitude, il tentait de s'arreter: "Marche". C'est a
l'humanite tout entiere que sa conscience crie aujourd'hui: "Marche a
travers les obstacles, parmi les perils, malgre la mort, marche ... sans
repos, sans treve, jusqu'au bout, jusqu'au bout, jusqu'a la victoire,
jusqu'au sommet baigne de lumiere d'ou--le passe n'etant plus sous tes
pieds qu'une ombre en train de s'effacer--tu verras se lever, dans un
eblouissement, l'aube de l'avenir".
Comment vous l'expliquer, ce serait un livre a faire, mais tous ceux qui
sont la au front le comprennent et le sentent bien. Vous verrez que pour
Carnaval nous aurons presque fini. Vous serez chez vous, et j'espere
bien manger un poulet avec vous. C'est entendu.
Allons, secouez-moi un peu tous ces gens-la qui se font un mauvais sang
et qui voient tout sous un mauvais jour. Mais nous, qui sommes ici, nous
sommes toujours contents. On s'encourage soi-meme, on se dit ce que je
vous raconte, on a le pouvoir de se persuader doucement, et c'est ce qui
fait notre patience et notre calme.