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textuelles Frantextalisée par l'Institut National de la
Langue Française (InaLF)
Rose et Colas [Document électronique] / Sedaine
ACTE 1 SCENE 1
p162
La scène est dans une chambre de la maison de
Mathurin, gros fermier de campagne.
Rose.
(le tâtre repsente l' intérieur de la maison d' un
fermier, un escalier sur une des ailes.)
ariette.
Pauvre Colas ! Pauvre Colas !
Mon père ne sortira pas ;
il l' a juré. Pauvre Colas !
Pauvre Colas !
Il court, il va :
eh ! Pourquoi ça ?
Je n' en sais rien.
Il court, il vient.
Dans sa chambre il se renferme ;
et puis il court à la ferme,
du jardin au colombier,
et de la cave au grenier,
et du grenier au cellier.
Pauvre Colas ! Pauvre Colas !
Mon père ne sortira pas ;
il l' a juré. Pauvre Colas !
Pauvre Colas !
à psent tu te tourmentes :
mais peux-tu t' en prendre à moi ?
Colas, si tu te lamentes ;
je me lamente plus que toi.
Pauvre Colas ! Etc.
p163
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ACTE 1 SCENE 2
La mère Bobi, Rose.
Rose. -bon, ne voilà-t-il pas la vieille mère
Bobi ! Qu' est-ce qu' elle me demande ? Qu' est-ce que
vous regardez, lare ?
La re Bobi. -rien, rien. Où est ton père ?
Rose. -je ne sais pas. Il est partout, et il n' est
nulle part.
La re Bobi. -il feroit mieux de se tenir chez
lui.
Rose. -vous êtes venue par la petite ruelle, la
re ; vous n' avez pas fermé la porte.
La re Bobi. -non, non, non.
Rose. -mais qu' est-ce que vous regardez donc ?
La re Bobi. -n' est-ce pas là ta chambre ?
Rose. -oui.
La re Bobi. -où tu couches ?
Rose. Oui. pendant la ritournelle suivante, elles
tournent toutes deux dans la chambre.
la mère Bobi.
Ariette.
La sagesse est un trésor ;
un trésor, c' est la sagesse.
L' argent ne vaut pas de l' or,
un peu d' or n' est pas richesse :
l' argent, l' or et la richesse
ne valent pas la sagesse.
La sagesse est un trésor ;
un peu d' or n' est pas richesse ;
l' argent ne vaut pas de l' or :
l' argent, l' or et la richesse....
eh ! Non, non, c' est la sagesse :
la sagesse est un trésor.
Parce que j' eus ce printemps
quatre-vingt et quatorze ans,
on pense que je radote.
Bon dieu, les mauvais enfants !
L' un me tire par ma cotte :
que les enfants sont méchants !
L' un me tire par ma cotte,
l' autre saute devant moi :
un petit me montre au doigt.
Viens-y voir ; il y viendra,
mais le premier qui viendra,
le premier qui sautera,
le premier qui dansera,
je vous lui donne à l' instant,
pan.
La sagesse est un trésor ;
un trésor c' est la sagesse.
p164
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L' argent ne vaut pas de l' or :
un peu d' or n' est pas richesse, etc.
ACTE 1 SCENE 3
Rose.
Voyez quel radotage ! Qu' est-ce qu' elle veut dire ?
Si je lui avoispondu un mot, elle ne finissoit
plus.... je ne sais à quoi m' occuper.... je n' ai de
courage à rien. elle reste à rêver appue sur sa
chaise.
ACTE 1 SCENE 4
Mathurin, Rose.
Mathurin. -tu n' as donc rien à faire aujourd' hui ?
Rose. -ah ! Vous voilà, mon père ?
Mathurin. -que fais-tu ?
Rose. -je....
Mathurin. -oui ! Je....
Rose. -vous me pardonnerez.
Mathurin. -hé bien ! Travaille donc.
Rose. -mais, c' est que vous allez et que vous venez.
Mathurin. -qu' est-ce que cela te regarde ?
Rose. -vous dormez toutes les aps-dînées, et
aujourd' hui vous n' avez pas dormi.
Mathurin. -je ne veux pas dormir.
Rose. -vous pouvez avoir besoin de quelque chose.
Mathurin. -je t' appellerai. Hon, hon, hon. il la
regarde faire pendant la ritournelle, et il porte
le doigt à son front.
ACTE 1 SCENE 5
Mathurin.
Ariette.
Sans chien et sans houlette,
j' aimerois mieux garder cent moutons près d' un blé
qu' une fillette
dont le coeur.... dont le coeur a parlé.
Elle est si leste,
elle est si preste.
L' oreille est en l' air,
l' oeil est un éclair.
Toujours folle
de plaisir,
elle vole
vers son désir.
Mais l' âge et le temps
qui tout mène,
venge ses parents
de leur peine.
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re de famille, la fille un jour
chante à son tour :
sans chien, etc.
ACTE 1 SCENE 6
Mathurin, Rose.
Rose, accourant . -ah, mon re ! Ah, que je suis
fâce !
Mathurin. -quoi ?
Rose. -je n' ai pas son à vous dire.... vite,
vite, hé vite : il faut que vous alliez au
château.
Mathurin. -j' en sors.
Rose. -vous en sortez... ? Et chez le collecteur ?
Mathurin. -je viens de lui parler.
Rose. -lui parler... ! Ah ! La vieille mère Bobi
est venue.... n' aviez-vous pas dit que vous iriez à la
ville ?
Mathurin. -le fils de Pierre y est allé.
Rose. -Colas ?
Mathurin. -oui.
Rose. -à la ville ?
Mathurin. -oui.
Rose. -y a-t-il longtemps qu' il... ? Vous aviez
dit hier que vous iriez acheter de la graine.
Mathurin. -tu as bonne envie que je sorte.
Rose. -moi ? Point du tout, mon père : mais c' est
que, quand vous êtes ici, vous vous ennuyez.
Mathurin. -dis que je t' ennuie.
Rose. -si vous voulez, j' irai pour vous.
Mathurin. -hé non, non, hé non ! Je n' ai pas
besoin de tes services. J' attends Pierre ici ; il
m' en fera avoir, de la graine, lui, il m' en fera
avoir... à part. la malice, voyez-vous ! Je parie
qu' elle l' attend.
Rose, à part . -il ne sortira pas.
ACTE 1 SCENE 7
Mathurin, Rose, Pierre Leroux.
Rose. -ah ! Bonjour, Monsieur Pierre.
Pierre. -bonjour, Rose, bonjour.
Mathurin. -je t' attendois.
Rose. -comment vous portez-vous, Monsieur Pierre ?
Pierre. -fort bien.
Mathurin. -laisse-nous.
Rose. -mon père disoit que vous étiez à la ville ?
Pierre. -non, c' est mon fils.
Rose. -oui, pour acheter de la graine.
Pierre. -non, c' est pour de l' argent qu' on me doit.
Mathurin. -tu nous laisseras parler, peut-être.
Pierre. -on m' a dit que tu me demandois.
Mathurin. -chut.... qu' est-ce que tu fais là, toi ?
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Rose. -moi, monre ?
Mathurin. -oui. Va t' occuper ; va nous cueillir une
salade, épluche-la, lave-la, laisse-nous... comme
Rose cherche un panier et toupille, Mathurin bat
la campagne, et regarde si elle s' en va. bien,
Pierre Leroux, comment vont les vignes ?
Pierre. -ah, ah ! Assez bien, si ce n' étoient les
vers qui nous mangent.
Mathurin. -oh ! Cela a été de tout temps : qu' y
faire ?
Pierre. -rien : il n' y a que Dieu et le temps.
Mathurin. -la chanceté des hommes va de pis en pis.
Pierre. -quand cela sera au comble, il faudra bien
une fin.
Mathurin. -oui, pourvu que....
ACTE 1 SCENE 8
Mathurin, Pierre.
Mathurin. -.... ah ! La voilà partie. Or çà,
Pierre Leroux, ce n' est pas cela dont il s' agit.
Pierre. -dites.
Mathurin, après avoir é chercher un arc .
-connoissez-vous cela ?
Pierre. -cela ? Pargoi, si je connois ça ; c' est un
arc.
Mathurin. -oui, c' est un arc ; mais encore.
Pierre. -eh ! C' est le mien, que j' ai donà mon
fils.
Mathurin. -cela suffit.
Pierre. -c' est celui avec lequel j' ai gagné le prix.
Mathurin. -c' est bon : mais....
Pierre. -il y a bien trente ans.
Mathurin. -c' est à merveille. J' ai...
Pierre. -j' ai encore la tasse d' argent.
Mathurin. -oui, oui, je l' ai vue. Vous saurez
que....
Pierre. -je ne l' ai pas sur moi.
Mathurin. -je vous en dispense. Je voulois....
Pierre. -je voulois vous la montrer.
Mathurin. -je n' en doute pas.
Pierre. -c' est que....
Mathurin. -c' est que.... oui, vous avez raison, elle
est belle, je l' ai vue ; c' est une tasse qui a une
anse, nous la reverrons. Mais j' ai autre chose à vous
dire.
Pierre. -ah ! Dites, dites.
Mathurin. -vous êtes veuf, et moi aussi : nos femmes
nous ont lais, à vous un garçon, et à moi une fille.
Pierre. -oui, qui est bien gentille.
Mathurin. -votre garçon me paroît aussi gentil
garçon. J' ai un conseil à vous demander.
Pierre. -j' écoute.
Mathurin. -si au lieu d' un garçon vous aviez une
fille, et qu' il vînt à l' entour de chez vous rôder
quelque jeune gaillard qui vînt vous voir en votre
absence ; vous m' entendez : qu' est-ce que vous
feriez ?
Pierre. -ce que je ferois ? Si le garçon ne me
convenoit point, je
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lui dirois : " tiens, un tel (son nom), je vois toute
ta manigance, et je te prie de ne plus faire comme
cela, parce que cela meplaît. D' abord, ma fille
n' est pas pour toi, parce que tu es un libertin, parce
que tu es (enfin ce qu' il seroit). " s' il y revenoit,
je me mettrois en colère, je battrois la fille, je
battrois le gaon, je....
Mathurin. -oui, vous battriez tout le monde. Mais si
le gaon vous convenoit ?
Pierre. -s' il me convenoit... il rêve. ah,
ah.... pour lors.... j' enverrois chercher le père, ou
j' irois le trouver moi-même, Mathurin ; car c' est à
ceux qui ont affaire à aller trouver. Mais ne parlons
pas de ça. Je dirois au re tout ce qui se passe,
et : " que votre fils se tienne chez vous, ou je
l' assomme. -mais mon fils aime votre fille, mais ils
se conviennent, mais ils sont d' âge, mais voulez-vous
la lui donner ? -ah ! Parlons, parlons ; " et nous
parlerions.
Mathurin. -hé bien ! Pierre Leroux, ce que vous
dites qu' il faut que lere fasse, je le fais. Hier,
nous nous sommes quittés tard, je suis rentici.
On ne voyoit pas bien clair ; j' ai vu quelque chose là
du long, là, entre la table et la muraille. Cela
marchoit à quatre pattes ; j' ai cru que c' étoit un
chien, j' y ai donné un coup de pied. Haut, pataud,
à la cour ! Ma fille s' est jetée à mon cou. " ah, mon
père ! Vous revenez bien tard ! Ah, monre ! J' étois
inquiète ! Ah, mon père.... -donne-nous de la
lumière, " lui ai-je dit.
Pierre. -hé bien ?
Mathurin. -hé bien ! Pendant qu' elle alloit en
chercher, j' ai trouvé cet arc-là sous mes pieds.
Pierre. -ici ?
Mathurin. -là.
Pierre. -ah, ah !
Mathurin. -ainsi je suis r que ce qui marchoit à
quatre pattes n' est autre que votre fils. Il est
inutile, je crois, de vous dire que cela ne me plaît
pas : ainsi, recommandez-lui bien de ne plus venir
ici : ou si je l' y trouve, il s' en repentira. Il m' a
joué un tour de chien ; et moi, je pourrois lui en
jouer un qui ne lui feroit pas plaisir.
Pierre. -mais si nos jeunes gens s' aiment, et que
nous puissions....
Mathurin. -ah ! Parlons, parlons ; je ne demande pas
mieux.
Pierre, après avoir rê. -que donnez-vous à
votre fille en mariage ?
Mathurin. -tout, et rien : et vous, à votre fils ?
Pierre. -tout, et rien. Je n' ai que lui.
Mathurin. -je n' ai qu' elle.
Pierre. -je lui donne d' abord mes premiers
attelages, mes premières charrues.
Mathurin. -c' est-à-dire vos anciennes.
Pierre. -oui ; ils les renouvelleront.
Mathurin. -et moi, je lui donne le trousseau qu' elle
a filé, tous les joyaux de sa mère, ses hardes, son
linge, ses garnitures, ses coiffes, sa croix d' or,
ses boucles d' or (elle les a ), les gants de
sois, le collier, le ruban. Je veux qu' elle paroisse.
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Pierre. -j' entends : nous leur donnerons peu de
chose, que nous voudrons faire valoir beaucoup.
Mathurin. -comme ça se pratique.
Pierre. -vous ressouvenez-vous de notre vieux
bailli ? " mes enfants, mes enfants, disoit-il, avec
sa petite canne, le hasard commence les mariages, et la
vanité les finit.
Mathurin. -vanité, si vous voulez ; mais je les
associerai à ma ferme.
Pierre. -et moi, à la mienne.
Mathurin. -à la fin de mon bail.
Pierre. -et moi aussi. Et combien avez-vous encore
à aller ?
Mathurin. -trois ans. Et vous ?
Pierre. -et moi, cinq.
Mathurin. -il faut cependant qu' ils vivent.
Pierre. -n' avez-vous pas peur qu' ils manquent de
quelque chose ? Mais il faut d' abord faire connoître
aux jeunes gens ce que c' est que la dépense d' un
nage.
Mathurin. -j' entends : oui, leur rendre la vie un
peu difficile.
Pierre. -moi, ce qui m' inquiète, c' est que je ne
sais comment ils se tireront de cet embarras-là : ils
sont encore trop jeunes.
Mathurin. -trop jeunes ! Pierre Leroux, nature,
jeunesse et santé... vous vous souvenez de la chanson.
Pierre. -c' est sur moi qu' elle a été faite, et sur
feu ma femme.
Mathurin. -je le sais bien.
Pierre. -je ne sais si je m' en souviendrois. Il y
a, ma foi, longtemps.
Mathurin. -oui, il y a longtemps : je n' étois pas
plus haut que ça.
Pierre.
Chanson.
Avez-vous connu Jeannette ?
Avez-vous connu Jeannot ?
L' un et l' autre étoit plus sot
qu' un mouton qui paît l' herbette.
Un beau jour que dans les champs
ils alloient tous deux cherchant
leurs moutons qui vont paissants,
ils s' accostent en dandinant,
ils se parlent en ricanant ;
rien n' étoit si dle.
bien ! Dans le même été,
ce fut le couple le plus futé :
l' esprit, le bon sens, la parole,
nature, jeunesse et santé
sont trois bons maîtres d' école.
Mathurin. -comme on a chanté cela dans le
village ! Hé bien ! Cet embarras-là vous a-t-il fait
mourir ? Vous étiez cependant bien jeunes, tous les
deux.
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Pierre. -ma pauvre Jeannette n' étoit pas sotte :
mon fils est tout son portrait.
Mathurin. -ma fille la vaudra bien. Savez-vous
qu' elle me gêne ? Oui, elle me gêne, elle me gêne....
plus que feu ma femme. Si je bois, si je jure, si je
dis quelque drôlerie, elle me reprend : c' est comme sa
re, et pis encore ; car il faut respecter la
jeunesse.
Pierre. -vous avez raison.
Mathurin, en prenant la main de Pierre . -enfin,
c' est conclu, et le plus tôt sera le mieux.
Pierre. -le plust, non ; j' ai mes vendanges à
faire.
Mathurin. -eh ! N' ai-je pas ma moisson ?
Pierre. -c' est à cause de cela ; ils en auront plus
de coeur à nous aider. Remettons à l' hiver, aux rois.
Mathurin. -à l' hiver, c' est un mauvais temps.
Pierre. -c' est le meilleur pour les mariages :
c' est encore ce que nous chantoit le bailli.
Mathurin. -votre bailli, votre bailli, avec ses
grandes chansons, les trois quarts du temps il ne
savoit ce qu' il disoit.
Pierre. -écoutez, écoutez.
Mathurin. -je sais ce que vous voulez dire.
Pierre. -non, non.
Mathurin. -eh ! Tenez.
Chanson.
Au printemps naissent les fleurs
dont les fruits parent l' automne ;
mais, assis sur une tonne,
c' est l' hiver qui se couronne
du tribut de leurs faveurs.
Ainsi l' hiver dans ses fêtes
doit s' embellir des instants,
et se parer des conquêtes
que l' amour ppare au printemps.
Pierre. -eh bien ! Vous voyez qu' il faut remettre
à cet hiver.
Mathurin. -une chanson n' est pas une raison.
Pierre. -c' est la réponse à la vôtre, c' est la
ponse à la tre : c' est.... vous rêvez.
Mathurin. -oui, jeve.... voulez-vous que je vous
dise franchement la vérité ?
Pierre. -sans doute.
Mathurin. -je suis un homme, moi, je ne suis pas une
femme ; je ne peux pas avoir ma fille pendue à mes
tés comme un trousseau de clefs. Elle est sage, elle
est sage, ah ! Ts-sage ; mais peut-être
aime-t-elle votre fils ; et la sagesse d' une fille qui
aime est plus re qu' il ne faut.
Pierre. -et moi, et moi, n' ai-je pas les mêmes
appréhensions ? Les mêmes, non, mais d' autres. Mon
fils est vif, bon coeur, mais
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prompt ; et je crains qu' il ne lui prenne une
fantaisie de courir et de quitter le pays.
Mathurin. -eh bien ! Finissez donc.
Pierre. -oh ! Nous serons toujours à même.
Mathurin. -eh ! Ne voyez-vous pas qu' ils vont nous
tourmenter ?
Pierre. -bon, tourmenter ! Il y a moyen à tout. La
premre fois que mon fils viendra ici, mettez-le
à la porte ; il sera triste. Je lui dirai :
" qu' est-ce que tu as ? " il est franc, il me contera
son chagrin. " va, je parlerai au père. -ah ! Je vous
remercie. " je le traîne huit jours.
Mathurin. -eh bien ! Huit jours.
Pierre. -après cela, ce sera vous qui n' aurez pas
le temps de me parler. Encore huit jours de gags.
Mathurin. -encore huit jours de gagnés.
Pierre. -ensuite nous parlons, mais nous ne
convenons pas de nos faits. Encore huit jours.
Mathurin. -encore huit jours.
Pierre. -ensuite nous voilà arrangés.
Mathurin. -eh bien ! Huit et huit font seize, et
huit font vingt-quatre, et huit c' est....
Pierre. -c' est trente-deux.
Mathurin. -nous voilà juste en pleine moisson.
Pierre. -ah, ah ! Alors c' est à nous à les occuper
si bien pendant la moisson et pendant les vendanges,
que le soir ils n' aient envie que de dormir.
Mathurin. -enfin voilà les vendanges finies.
Pierre. -ah ! Qu' ils ne sont pas encore mariés ! Il
arrivera que vous aurez dit quelque chose de moi dans
le village, ou j' aurai dit quelque chose de vous.
L' éclaircissement entre nous commencera par des
injures ; alors la rupture, alors les caquets, les
femmes s' en mêleront : de là des rapports, des
disances, des calomnies. " ne me parlez jamais de
cet homme-là. -ne me parlez jamais de cet
homme-ci ; qu' il s' aille promener, lui et son fils.
-qu' ils aillent au diable, lui et sa fille. " nos
jeunes gens pleureront ; ils s' en aimeront davantage.
Et puis quelque honte homme viendra s' entremettre,
il nous raccommodera, et croira avoir bien de l' esprit ;
et puis l' hiver, et puis les rois, et puis le mariage.
Mathurin. -cela nous donnera de la peine.
Pierre. -de la peine, de la peine ! Je n' en aurai
pas plus qu' à tendre la corde de cet arc.
Mathurin. -vous n' en auriez pas mal.
Pierre. -pas mal... ? Ah ! Que j' ai encore le
poignet roide ! Pierre se met en devoir de tendre
la corde de l' arc, et le donne ensuite à Mathurin,
qui fait le même jeu.
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ACTE 1 SCENE 9
Rose, Pierre, Mathurin.
Duo.
Mathurin.
Ah, ah, ah ! Comme il y viendra !
Comme il y viendra !
La vieillesse a mis un terme
à cette vigueur-là.
Vous n' avez plus le poignet ferme ;
soyez certain de cela.
Bon, bon ! Ahi, fort !
Bon, bon ! Encor plus fort !
Donnez, donnez, père Leroux.
Oui, c' est à nous, oui, c' est à nous
qu' il appartient encor
un plus heureux effort.
J' ai plus que vous le poignet ferme ;
soyez certain de cela.
M' y voilà.
Non.
Bon, bon, bon !
M' y voilà.... non.
Ce n' est plus nous,
ce n' est plus nous.
Ami, ami, laissons cela ;
la vieillesse nous dit : " holà ! "
laissons à nos enfants
faire ce qu' on fait à vingt ans.
Pierre.
J' ai bien encor le poignet ferme ;
soyez certain de cela.
M' y voilà... ! Non.
Bon.... non.
Tenez, prenez ;
voyons, à vous.
Voyons, à vous.
Ah, ah ! Comme il y viendra !
La vieillesse a mis un terme
à cette vigueur-là.
Vous n' avez plus le poignet ferme ;
soyez certain de cela.
Bon, bon ! Ahi, fort !
Ahi, fort !
Eh bien, eh bien ! étoit-ce à vous
que convenoit encor
un plus heureux effort ?
Laissons cela :
la vieillesse nous dit : " holà ! "
laissons à nos enfants
faire ce qu' on fait à vingt ans.
(en se retournant pendant la ritournelle, ils
aperçoivent Rose, qui peut les avoir écoutés. Ils se
retirent, l' un d' un côté du théâtre, et l' autre de
l' autre ; ils frappent du pied, ruminent, et feignent
la plus grande colère.)
Pierre. -morbleu ! Elle nous a entendus.
Mathurin. -quelle imprudence !
Pierre. -ô, ciel !
Mathurin. -Pierre Leroux ?
Pierre. -Mathurin.
Mathurin. -vous êtes un coquin.
Pierre. -tu me le payeras. ils se promènent comme
des furieux ; Rose se lève, range sa chaise, les
regarde, et commence le trio.
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trio.
Rose.
Mais, mais ils sont en courroux :
oui, je les crois en colère.
Mon père,
mon père,
Pierre Leroux !
ô, ciel ! ô ciel !
Pourquoi, pourquoi ?
Dites-moi,
dites-moi.
Ah, ah, ah, ah, ciel !
Pourquoi vous mettre en courroux ?
Pourquoi vous mettre en colère ?
Mon père,
mon père,
Pierre Leroux !
Mon père, mon père !
Mais dites-moi donc pourquoi.
C' est de moi,
c' est de moi :
mais pourquoi ?
Pourquoi sortir ?
Pourquoi....
ah, quel effroi !
Je vais mourir.
Eh ! Pourquoi tout ce courroux ?
Pourquoi vous mettre en colère ?
Mon père,
Pierre Leroux !
Pourquoi menacer de coups ?
Quelle fureur vous transporte ?
Quelle fureur vous transporte ?
Colas, Colas !
Quoi, c' est pour lui !
Colas ne vient pas chez nous,
ou du moins il n' y vient guère.
Mon père, mon père,
Pierre Leroux.
Ah, Pierre !
Ah, Pierre !
Ah, mon re ! Apaisez-vous !
Excusez, excusez :
hélas ! Pardon.
Non, non,
restez, restez :
non, non....
quel déplaisir.
Pierre.
Oui, je me moque de vous,
je me ris de ta famille ;
ta fille, ta fille
n' est rien pour nous.
Je ris, je ris
de ton courroux.
Oui, je me moque de vous.
(à part.)
bien, bien, bien !
Oui, je me moque de vous
je me ris de ta famille ;
ta fille, ta fille
n' est rien pour nous.
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Suis-je fou ?
Suis-je fou ?
Pour vous, non, jamais.
Veux-tu, veux-tu sortir ?
Prends garde à toi.
bis.
veux-tu sortir ?
Bien, bien, très-bien !
Sors, sors, sors, sors.
Je veux que de mille coups,
et que le diable m' emporte,
et que le diable m' emporte.
Je veux que de mille coups,
je veux que le diable emporte
ta porte et tes verrous,
si vous ne le payez tous.
(à part.)
bien, bien, bien, bien !
Je veux que de mille coups,
je veux que le diable emporte
ta porte et tes verrous.
Eh bien, eh bien !
Sors, sors donc, sors, sors.
Sors ; il faut finir,
il faut finir,
il faut finir.
Mathurin.
Si j' en croyois mon courroux...
oui, la main, la main me grille :
ma fille
n' est pas pour vous.
(à part.)
bien, bien !
Si ce n' étoit ma fille....
c' est bien moi qui serois fou,
et ma fille
est trop gentille :
ma fille n' est pas pour vous.
Bien, bien !
Prends garde à toi.
bis.
bien, bien, bien !
Sors, sors, sors.
S' il passe devant ma porte....
je veux que de mille coups,
s' il approche de ma porte.
Si Colas, si Colas
vient.... vient.... vient ici....
oui, oui, oui, oui.
Oui, s' il passe devant ma porte....
si je vais prendre un bâton,
tu sauras comme
j' assomme :
j' ai le bras bon.
Sors, sors ; il faut sortir,
il faut sortir.
ACTE 1 SCENE 10
Mathurin, saisissant unteau, Rose.
Mathurin. -et toi, si je sais que tu parles à son
fils.... pourquoi la porte de cette ruelle est-elle
toujours ouverte ? J' y vais mettre un cadenas. Si je
sais que tu lui parles, vois-tu ce teau ? Le
manche est
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de coeur de bois de cormier à pleine main, c' est pour
te servir. Qu' il y vienne, morbleu, qu' il y vienne.
Si je le trouve ici.... pour aujourd' hui tu ne lui
parleras pas ; je vais fermer la porte à double tour.
ACTE 1 SCENE 11
Rose.
(pendant la ritournelle elle prend le râteau, et le
cache.)
ariette.
Demandez-moi
pourquoi,
pourquoi cette colère ?
Ils étoient d' un si bon accord !
Ah, mon re !
Mon père a tort ;
il a grand tort, il a grand tort.
Voici l' instant que Colin va venir ;
hélas, hélas ! Que devenir ?
Il verra dans mes yeux que je me désespère.
Hélas ! Que devenir ?
Ne se plus voir ! Il faut mourir.
Demandez-moi, etc.
Hélas ! J' étois si contente
dans l' attente
de le voir
ce soir !
Que faire,
s' il va venir ?
Que faire....
ah ! C' est à monre
que je dois obéir.
Demandez-moi, etc.
On frappe. pan, pan. ah ! C' est Colas.... ah !
C' est lui.
Colas, à travers la porte . -Rose, Rose, c' est
moi.
Rose. -ah, c' est lui ! La porte est fere à double
tour.
Colas. -Rose ?
Rose. -je ne veux pas répondre, cela lui feroit trop
de peine : il faudroit que je lui disse pourquoi la
porte est fermée à double tour. Eh bien ! Tant mieux
qu' elle soit fermée ; j' en suis charmée, il auroit
vu que je suis chagrine. Le coeur me bat, il n' appelle
plus.... il n' appelle plus ! Il est parti ! Il est
parti ! Ah ! Ah ! Il s' est bien vite en allé ! Je ne
l' aurois pas cru. Ah, ciel ! Il pousse le
contrevent : ah, le chant ! Je vais me cacher.
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ACTE 1 SCENE 12
Colas, Rose.
Colas, par la lucarne . -Rose, Rose ? Elle n' y
est pas.
Rose, cachée sous la rampe de l' escalier . -ah !
Cela me fait peine.
Colas. -Rose, voilà un bouquet. Elle n' y est pas !
Je vais le jeter à sa place, elle le trouvera. il
jette le bouquet, qui tombe par terre. ah, ciel !
Le voilà par terre, elle peut marcher dessus. Si je
pouvois descendre : ah ! Je descendrai bien. il
accroche son chapeau au linteau de la lucarne, son
chapeau tombe en dehors. bon ! Voilà mon chapeau
tombé : qu' importe ? il descend, ramasse le
bouquet, le met sur la table, sur la chaise, à la
quenouille, à son côté. Pendant la ritournelle,
Rose a l' air très-embarrassée, et se montre de
temps en temps.
ariette.
C' est ici que Rose respire,
ici se rassemblent mes voeux :
si j' étois mtre d' un empire,
je le donnerois pour ces lieux.
Ah, Rose ! Que l' on est heureux,
lorsqu' on soupire,
et lorsqu' on est deux !
Ce lin
fut presde sa main !
Sa bouche
touche
si joliment,
tant joliment !
Cette quenouille
elle la mouille
en la filant.
Que je la baise !
Et cette chaise !
Ici tout est charmant.
C' est ici, etc.
Bouquet joli,
que j' ai cueilli
pour elle,
si de ma belle
vous êtes accueilli ;
si ma main
sur son sein
vous pose,
dites-lui : " Rose,
charmante Rose,
votre amant n' ose,
il n' ose, il n' ose,
p176
il ne peut exprimer
comme il sait vous aimer. "
ah, Rose ! Que l' on est heureux,
lorsqu' on soupire, et lorsqu' on est deux !
à la fin de la ritournelle, Colas cherche à sortir
par la lucarne. Rose montre du dépit de ce qu' il s' en
va ; lorsqu' il est près de sortir, elle prend une
pelote de laine, elle la lui jette. Il la voit, et
descend.)
Colas. -te voilà ! Te voilà ! Ah, Rose ! Quoi ?
Te voilà !
Rose. -va-t' en, va-t' en.
Colas. -dis-moi donc....
Rose. -non, sors vite.
Colas. -pourquoi te cacher ?
Rose. -va-t' en, je t' en prie : mon re....
Colas. -ne crains rien. Laisse-moi....
Rose. -non, je t' en prie ; je ne t' écoute pas.
Colas. -j' étois à la ville.
Rose. -ah ! Que je suis malheureuse de m' être
monte !
Colas. -qu' un seul mot.
Rose. -eh bien ! Quoi ?
Colas. -pour quelle raison, dis-moi ?
Rose. -ah ! Je t' en prie, je te le demande à
genoux, sors vite. à ce soir, à ce soir.
Colas. -je t' obéis. Ah, quelle cruauté !
Rose. -oui, oui, va-t' en. Colas remonte sur la
table, sur la cheville ; et prêt à passer par la
lucarne, il la regarde pendant la ritournelle, et il
redescend.
duo.
Rose.
M' aimes-tu ? Ah, comme je t' aime !
Je n' ai qu' unsir....
de l' être de même.
Le jour, la nuit
ton image me suit :
je te vois, là ; ah, comme je t' aime !
Es-tu comme moi ?
Quand je pense à toi,
adieu mon ouvrage :
je n' ai nul souci,
je suis sans courage,
et je reste ainsi.
M' aimes-tu, etc.
Colas.
M' aimes-tu ? Ah, comme je t' aime !
Je n' ai qu' un plaisir ;
je dis : " elle m' aime. "
le jour, la nuit,
ton image me suit :
je te vois, là ; ah, comme je t' aime !
Es-tu comme moi ?
Quand je pense à toi,
adieu mon ouvrage :
je n' ai nul souci
de mon labourage,
et je reste ainsi.
M' aimes-tu, etc.
Rose. -ô, ciel ! Voilà mon re, je l' entends. Vite,
sauve-toi.
Colas. -ah ! Que j' aurai bientôt... à ce soir.
Rose. -vite.... mon père.... ah, ciel ! Colas a
beau se hâter, il est forde rester sur la
cheville, parce que la lucarne s' est refermée.
p177
ACTE 1 SCENE 13
Mathurin, Rose, Colas.
Mathurin.
Ariette.
Ah, ah ! Quelle douleur
pour le coeur
d' une fille,
qui sèche, qui grille
de voir son amant !
Ah, c' est un grand tourment !
Quel âge a donc la pauvre enfant ?
Seize ans, seize ans bientôt.
Eh tôt, tôt, tôt,
qu' on la marie.
Ah, papa ! Je vous prie,
ou c' est fait de ma vie.
La pauvre petite en mourra.
Ah, ah ! Quelle douleur ! Etc.
(pendant la ritournelle, Mathurin ramasse la pelote
de laine que Rose avoit jetée à son amant.)
Rose, à part . -que je suis en peine ! Comment
va-t-il sortir de là ?
Mathurin. -elle a bien du soin ! Comment auroit-elle
soin d' un ménage ? Elle n' a pas seulement soin d' une
pelote de laine.... elle la prend d' un geste
rude. je te.... ah, tu boudes ? Tu as de
l' humeur.... tu ne dis mot : ah, tu es curieuse !
Ah ! Tu écoutes... qu' est-ce que tu as entendu ?
Rien, oui, rien.... " je te donnerai ma fille, je te
donnerai mon fils : " nous t' avions bien vue, nous
nous moquions de toi. Et sais-tu ce dont tu es
cause ? C' est qu' à l' instant il a ordonil bâille
par degrés , ha, ha ! Il a ordonné à son fils de
partir pour trois ans pour la province ; et c' est
vrai, car je l' ai vu monter à cheval : il ne s' y
tient pas mal. Ah ! Tu es curieuse ! Ah, tu boudes,
tu ne dis mot ! Oui, hein ? Ah, tu boudes ! Ah, c' est
cruel ! Ah, quelle douleur ! Ha, ha, ha ! Tout cela
m' ennuie, tout cela me donne envie de dormir. Oui,
on va la marier, une paresseuse, qui n' est capable
de rien.
Rose. -mon père....
Mathurin. -une vaniteuse, qui ne songe qu' à se
mirer.
Rose. -mais, monre....
Mathurin. -sans soin, sans amitié, sans vigilance.
Rose. -pouvez-vous dire que je....
Mathurin. -qui laisse traîner jusqu' à sa laine.
elle sourit d' un rire amer. boire, manger,
dormir, et faire ses quatre repas, voilà ce qu' il lui
faut.
Rose. -pouvez-vous me faire quelque reproche ?
Mathurin. -qui n' a que l' amour en tête, qui n' aime
que son Colas. Seulement le nom de Colas m' en
dégoûteroit. Colas ! Colas ! Un libertin, un
vagabond, qui est amoureux de toutes les filles, qui
en conte
p178
à toutes celles qu' il voit.... mais il est parti.
S' amouracher d' un garçon ! Et de qui encore ? Si je
le trouve ici... mais il est parti. Hi, hi, ha, ha,
que je l' y trouve ! Allons, chante : veux-tu
chanter ?
Rose, faisant une poupée à sa quenouille . -je
vais chanter.
Mathurin. -si, si, si, si je m' endors, tu me
veilleras, entends-tu ? Tu meveilleras dans une
heure. Tiens, son diable d' arc, s' il vient le
rechercher, tu le lui donneras.
Rose. -mon père, que n' allez-vous sur votre lit ?
Mathurin. -je, je, je ne veux pas dormir : chante,
chante.
Rose. -mais si vous dormez ?
Mathurin. -j' entendrai bien si tu ne chantes pas.
Rose. -s' il pouvoit s' endormir !
Chanson.
Il étoit un oiseau gris
comme un' souris,
qui pour loger ses petits
fit un p' tit
nid.
Sitôt qu' ils sont tous éclos,
bien à propos,
ils vont chantant nuit et jour
au bois d' amour :
" aimez, aimez-moi,
mon petit roi ;
donne-moi ta foi,
je suis à toi. "
ah, ah ! R' montez vos jambes, car on les voi.
Quand ces oiseaux vont chantants,
dès le printemps,
la violette a plus d' odeur,
plus de fraîcheur ;
le papillon vole mieux
dedans les cieux,
et Jeann' ton dit nuit et jour
au bois d' amour :
" aimez, aimez-moi,
mon petit roi. "
ah, ah ! R' montez vos jambes, car on les voi.
Ces oiseaux ont tant chan
pendant l' été,
que leur gosier et leur bec
est tout à sec ;
mais nous savons leurs chansons,
et nos gaons
s' en vont chantant nuit et jour
p179
au bois d' amour :
" aimez, aimez-moi,
mon petit roi. "
ah, ah ! R' montez vos jambes, car on les voi.
(Colas soutenu par cette cheville, en remontant ses
jambes, perd l' équilibre ; il tombe sur la table,
de la table par terre, et il entraîne avec lui la selle
et la bride qui sont sur une cheville à côté.)
Rose. -ah, ciel ! Ah, Colas !
Mathurin. -qui est là ? Qui est là ? Qu' est-ce que
cela ? Qu' est-ce que cela ? Quel bruit ! Quel
vacarme !
Rose. -mon père.... Colas....
Colas. -c' est moi, c' est moi.
Mathurin. -hé bien ! Qu' est-ce que tu veux, toi ?
Qu' est-ce que tu veux ? Qu' est-ce que cela veut dire ?
Est-ce qu' on entre comme ça dans une maison ? J' ai cru
que le toit.... que l' enfer.... que le diable....
qu' est-ce que tu demandes, voyons ?
Colas. -Monsieur Mathurin....
Mathurin. -Monsieur Mathurin ! Hé bien ?
Rose. -ah ! Certainement, il s' est blessé. Ah ! Je
me meurs.... ah ! Je n' en peux plus.
Colas. -Rose, Rose, vous vous trouvez mal ?
elle se trouve mal.
Mathurin. -Rose, Rose, laisse là, laisse là ce
sot, qui entre comme une bombe. Il lui a fait peur ;
j' ai eu peur moi-même. Ne crains rien, ma fille ; c' est
moi, c' est moi, c' est Colas.
Colas. -c' est que je suis glis, et je suis tombé.
Rose. -vous ne vous êtes pas bles ?
Colas. -non, bien au contraire.
Mathurin. -je veux mourir si je savois ce que
c' étoit.... mais pourquoi viens-tu ici ?
Colas. -je venois....
Mathurin. -tu venois ! Parbleu, j' ai bien entendu
que tu venois : mais pourquoi viens-tu ?
Colas. -pour vous rapporter ce que....
Mathurin. -quoi ?
Colas. -cela.
Mathurin. -quoi, cela ?
Colas. -le voici : cette selle et cette bride que
mon père vous a empruntées.
Mathurin. -je te jure que je n' en savois rien.
Mais quand ?
Colas. -vous vous portez bien, Monsieur
Mathurin ? Et Mademoiselle Rose ?
Mathurin. -oui, oui, nous nous portons bien tous.
Allons, tourne-moi les talons, et ne remets plus les
pieds ici.
Colas. -mais je n' ai pas fait un grand mal, parce
que....
Mathurin. -non, non. Mais adieu.
Colas. -est-ce que je vous ai offensé ?
p180
Mathurin. -non, non ; mais je suis le maître de
chez moi, et je ne veux pas que tu y viennes.
Colas. -hé ! La raison ?
Mathurin. -demande-la à ton re. Tiens, le voilà.
ACTE 1 SCENE 14
Mathurin, Rose, Pierre, Colas.
Colas. -ah, ciel !
Rose. -ah, grand dieu !
Pierre. -j' avois oublié.... qu' est-ce que tu fais
ici, toi ?
Colas. -mon père, je venois de la ville où j' ai
reçu votre argent.
Pierre. -ce n' est pas le chemin de passer par ici.
Colas. -sitôt que monsieur a vu votre papier....
Pierre. -ce n' est pas cela que....
Colas. -il m' a compté tout de suite l' argent.
Pierre. -ce n' est pas cela que je demande.
Colas. -tout l' argent, toute la somme en entier.
J' ai vingt-deux écus de six livres, trois louis d' or,
et en monnoie. Je vais, mon père....
Pierre. -mais, dis-moi un peu....
Colas. -mon père, il dit qu' il seroit charmé de vous
connoître.
Rose. -vous m' avez fait cueillir une salade....
Mathurin, à sa fille . -tais-toi. les deux
pères se donnent un regard d' intelligence.
Pierre, à son fils . -tais-toi. Pourquoi es-tu
ici ? T' y ai-je envo?
Mathurin. -si vous ne l' avez pas envoyé, il a donc
plus de soin que vous ; car il m' a rapporté la selle
et la bride que je vous avois ptées.
Pierre. -qu' est-ce que c' est que cette selle et
cette bride ? Qu' est-ce que cela veut dire ?
Mathurin. -les voilà.
Pierre. -une selle ?
Mathurin. -oui.
Pierre. -une selle que j' ai empruntée ! Moi ? J' en
ai quatre chez moi.
Mathurin. -il me la rapporte cependant.
Pierre. -me diras-tu ce que cela veut dire ?
Colas. -je l' avois empruntée pour un de mes amis
dans le village.
Pierre. -belles cachoteries ! Belles précautions !
Plut que de lui en prêter une des nôtres. Enfin....
ACTE 1 SCENE 15
Mathurin, Rose, la mère Bobi,
Pierre, Colas.
La re Bobi regarde la lucarne . -ah, ah !
Oui, c' est là.
Colas, d' un air satisfait . -bon ! Voilà la re
Bobi.
La re Bobi. -ah ! Les voilà tous.
Mathurin. -hé bien, maman, qu' est-ce que tu veux ?
p181
La re Bobi. -ce que je veux ?
Colas. -oui, la re. Donnez-moi le bras.
La re Bobi. -ne me touche pas. Ah ! Qu' on a bien
raison de dire que c' est la négligence des pères qui
dérange les enfants. à père négligent, enfant
libertin ; regardant la fille et qui perd mère,
perd sagesse. J' ai vu, j' ai vu que les pères
conduisoient les enfants ; à psent ce sont les
enfants qui conduisent les res : aussi le ciel est
offen.
Mathurin. -de quoi ?
La re Bobi. -de tout.
Pierre. -peut-être de vous entendre.
La re Bobi. -je ne parle pas de toi, Pierre
Leroux, tu es trop sage.
Rose. -est-ce à moi, la mère ?
La re Bobi. -oui, petite effrontée. Si ta mère
vivoit, comme je te ferois battre !
Rose. -mais vous êtes venue pour quelque chose ?
La re Bobi. -oui, pour dire à tonre, pour
dire à ton re qu' il y a plus d' aveugles que de
clairvoyants. ils rient tous. ha, ha, ha !
Mathurin. -grande nouvelle ! Ha, ha, ha !
La re Bobi. -ha, ha ! Ris, montre tes dents
comme si tu voulois me mordre ; il y a bien à rire
pour toi. Tiens, si j' avois su ce que je sais ; quand
je t' ai nourrie, je t' aurois plutôt laissé mourir de
faim.
Colas. -et moi, la mère, quand vous m' avez sevré ?
La re Bobi. -tais-toi, petit dle, petit
misérable, qui seras maudit, j' en demande à Dieu
pardon : ce n' est pas cela que je voulois dire.
Rose. -ah, la mère, vous maudissez !
Colas. -ah, vous donnez des maudissons !
La re Bobi. -c' est toi qui en es la cause.
Tiens, avec monton, je te.... je te....
Colas, à Rose . -à ce soir : je m' en vas, car
elle est folle.
Pierre. -tais-toi.
La re Bobi. -folle ! Folle ! Je vais te faire
voir comme je suis folle. Reste, reste : fais-le
rester, Pierre Leroux.
Pierre. -reste ici, puisqu' elle le veut.
Colas. -je ne demande pas mieux que de rester.
La re Bobi. -je le crois bien, petit coquin, tu
ne demandes pas mieux.
Mathurin. -hé bien, que voulez-vous nous dire ?
Pierre. -à qui en voulez-vous ?
La re Bobi. -que vous devez rougir l' un et
l' autre de ce que je veux dire.
Pierre. -oui, pour vous, de ce que vous ne le dites
pas.
La re Bobi. -je ne le dirai que trop ; mais je
ne veux pas qu' on le batte.
Mathurin. -qui ? Dites donc.
p182
Pierre. -allons donc.
La re Bobi. -comment, deux hommes de votre
âge ! Car toi, Gilles-Nicolas Mathurin, tu es
né.... sept de janvier de l' année....
Mathurin. -après, après ; nous savons notre âge.
Pierre. -oui.
La re Bobi. -je t' ai tenu, sans reproche, dans
mon tablier.
Mathurin. -ensuite ? Dites, ou nous nous en allons.
Pierre. -nous vous laissons là.
Rose. -je crains bien....
Colas. -elle va nous parler des aveugles.
La re Bobi. -tu voudrois bien que tout le monde
le fût. Souffrir que ce petit scélérat et cette
effrontée se parlent à la fenêtre tant que la nuit
dure !
Rose. -ah, comme c' est faux !
Colas. -ah, peut-on mentir ! ...
Colas et Rose. -c' est faux, c' est faux.
Rose. -oui, c' est faux : mon père sait bien que je
me couche en même temps que lui.
Colas. -je couche dans la chambre de monre.
La re Bobi. -oui ; et tu te lèves et tu descends
par la fenêtre du grenier, par la poulie : on t' a vu,
tout le village le sait.
Rose. -peut-on dire des choses comme ça ?
Colas. -si je savois ceux qui l' ont dit, ils
auroient affaire à moi.
La re Bobi. -c' est moi, c' est moi qui le dis :
voyons si j' aurai affaire à toi.
Colas. -si vous radotez.
Pierre. -tais-toi, encore un coup.
La re Bobi. -je radote ! Tiens, je n' aurois pas
tout dit ; mais je vais tout dire.
Colas. -je vous en fie.
Rose. -oh, ciel ! Pourquoi la défier ?
La re Bobi. -ne le battez pas toujours. Comment,
tout à l' heure, tu n' as pas frap à cette porte ?
Colas. -il faut bien frapper pour entrer.
La re Bobi. -pour entrer ! Que n' entrois-tu ?
Que n' entrois-tu ? Tu n' as pas fait le tour de la
maison ? Tu n' as pas sauté dans la petite ruelle ?
Tu n' as pas fourré tes pieds l' un après l' autre par
les trous de la muraille ? Tu n' as pas enjambé
par-dessus le mur, et sauté dans mon jardin ?
Colas. -non, non, non.
La re Bobi. -non ! Non ! Comment, je ne t' ai
pas vu monter sur mon figuier ? La branche a cassé !
Ah, ciel.... mais rien ne le corrige ; il s' est rele
comme un furieux. Comment, tu ne t' es pas relevé comme
un furieux ! Tu n' as pas monté sur mon noyer, et passé
par la lucarne ? Tiens, la voilà pour mementir.
Colas. -non, non, c' est faux.
La re Bobi. -ah ! Race de satan, tu me démens.
Colas. -oui, je vousmens.
p183
La re Bobi, montrant le chapeau . -hé bien,
démens donc ton chapeau, que tu as laissé tomber dans
le jardin.
Pierre. -comment ?
Colas. -ah, ciel !
Rose. -ah, grands dieux !
Mathurin. -ah, parbleu, je ne m' étonne plus : paf,
le diable... j' ai cru que c' étoit l' enfer. Ah,
Pierre Leroux ! Ah, Pierre Leroux !
Rose. -ah, la mauvaise femme ! Pouvez-vous....
Colas. -demandez-moi, qu' est-ce que je vous ai
fait ? Oui, je m' en vas ; oui, mon parti est pris ;
oui, je vais quitter le pays : je suis au désespoir.
La re Bobi. -voilà-t-il pas qu' il est au
désespoir ? Ce petit coquin-là me fera mourir de
chagrin. elle tire son mouchoir et pleure.
quinque.
Mathurin.
Ceci me paroît fort.
Qu' en pensez-vous ?
Qu' en pensez-vous ?
Il faut, il faut prendre un parti.
Qui l' auroit dit ?
Qui l' auroit cru ?
Comme cet amour s' est accru !
Qui l' auroit dit ?
Qui l' auroit cru ?
Voyez-les donc.
Eh ! Qui l' auroit cru ?
Comme cet amour s' est accru !
Mais qui l' auroit cru ?
Comme cet amour s' est accru !
Voyez, il perd la raison.
Mais comment pouvoir nous défendre ?
Fléchirons-nous ?
Il faut fléchir.
Fléchirons-nous ?
Il faut fléchir.
Laisse-le dire, il n' y voit rien.
Pourquoi nous montrer cet argent ?
Laisse-le dire, il n' entend rien.
Que faire ?
Que faire ?
Que ferons-nous ?
Que ferons-nous ?
Ne vous plaise, il perdra la raison.
Faites-lui serrer cet argent.
Laissez-lui prendre son argent.
Mais voyez, il perd l' esprit.
Mais voyez, il perd l' esprit.
Je crois qu' ils sont tous deux fous.
Que ferons-nous ?
Que ferons-nous ?
Allons, il faut prendre un parti.
Les marier !
Les marier !
Et nos projets,
et nos projets,
seront-ils ?
seront-ils ?
Qu' en pensez-vous ?
Mais qui l' auroit cru ?
Comme cet amour s' est accru !
Eh ! Qui l' auroit cru ?
Comme cet amour s' est accru !
Voyez, il a perdu la raison.
Mais comment pouvoir nous défendre ?
bien ! Le conservez-vous ?
Il faut ici,
il faut ici,
dans tout ceci,
dans tout ceci,
prendre un parti ;
et c' est ainsi.
Fléchirons-nous ?
Il faut fléchir.
p184
Pierre Leroux.
J' en suis d' accord,
j' en suis d' accord.
Qu' en pensez-vous ?
Qu' en pensez-vous ?
Il faut prendre un parti.
Comme cet amour s' est accru !
Voyez, voyez-les donc.
Ah ! Qui l' auroit dit ?
Qui l' auroit cru ?
Voyez, il perd la raison.
Mais comment pouvoir nous défendre ?
Nous réfléchirons à loisir.
Non, réfléchissons à loisir.
D' autre bien,
d' autre bien.
D' autre bien,
d' autre bien,
insolent, insolent !
Que faire ?
Que faire ?
Que ferons-nous ?
Que ferons-nous ?
Ne vous plaise, il perdra la raison.
Insolent, insolent !
Insolent, insolent !
Il perd la raison.
Il perd la raison.
Que ferons-nous ?
Allons, il faut prendre un parti.
mais, pourquoi ?
Je vous le dis.
Ma foi, que ferons-nous ?
Qui l' auroit dit ?
Qui l' auroit cru ?
Qui l' auroit dit ?
Qui l' auroit cru ?
Voyez, il a perdu la raison.
Mais comment pouvoir nous défendre ?
L' avez-vous cru ?
L' avez-vous cru ?
Comme il est résolu !
Non, réfléchissons à loisir.
La re Bobi,
aux pères .
Moi, mon avis,
dans tout ceci,
moi, mon avis,
dans tout ceci,
c' est qu' il faudroit prendre un parti,
c' est qu' il faudroit prendre un parti.
Moi, je me suis bien apeu
comme cet amour s' est accru.
Voyez-les donc,
voyez-les donc.
Voyez-les donc,
voyez-les donc.
Voyez-les donc :
ils me feront tous deux mourir.
p185
Ils me feront tous deux mourir.
Ah ! Ne le battez pas.
Ah ! Ne le battez pas.
écoutez-moi,
écoutez-moi.
Ne vous plaise, il vous rend votre argent.
Ah ! Ne le battez pas.
Ah ! Ne le battez pas.
Il faut prendre un parti.
Oui, oui, prenez votre parti.
Ah ! Croyez-moi,
ah ! Croyez-moi,
mariez-les,
mariez-les.
Ils s' aiment tant,
ils s' aiment tant,
que c' est plaisir,
que c' est plaisir.
Il faut les voir,
il faut les voir.
Je les ai vus,
je les ai vus,
et entendus,
et entendus.
Voyez-les donc,
voyez-les donc.
Voyez-les donc,
voyez-les donc.
Ils me feront tous deux mourir.
La re Bobi,
aux enfants .
Aussi vous m' obstinez trop fort
pourquoi m' obstinez-vous si fort ?
Mais, mon fils Colas.
Mais, mon fils Colas.
Mon fils Colas,
ne pleure pas.
J' apaiserai....
aussi pourquoi m' obstinez-vous ?
Aussi pourquoi m' obstinez-vous ?
Mais, mon fils Colas.
Mon fils Colas,
ne pleure pas.
J' apaiserai....
je calmerai....
p186
Colas.
Adieu, Rosette, je m' en vas.
Ne pleure pas,
pense à Colas.
Ne pleure pas,
ne pleure pas.
Pense à Colas,
ne pleure pas.
Pense à Colas,
ne pleure pas.
Adieu, Rosette, je m' en vas,
espérons tout, mon père est tendre.
Quel plaisir !
Quel plaisir !
J' ai reçu de vous la vie,
je n' en eus pas d' autre bien.
Si Rosette m' est ravie,
de vous je ne veux plus rien.
Je pars à l' instant,
voilà votre argent.
Cinq et six, c' est huit,
et trois c' est treize,
et neuf c' est seize.
Ne vous plaise,
voilà votre argent.
Si Rose ne m' est unie,
de vous je ne veux plus rien.
Non, laisse-moi.
Non, laisse-moi.
Adieu, Rosette, je m' en vas.
Ne pleure pas,
pense à Colas.
Pense à Colas,
ne pleure pas.
Pense à Colas,
ne pleure pas.
Adieu, Rosette, je m' en vas.
Espérons tout, mon père est tendre.
Quel plaisir !
Quel plaisir !
Rose.
Ne t' en va pas,
ne t' en va pas.
Ne t' en va pas,
ne t' en va pas,
ne t' en va pas,
ne t' en va pas.
Si tu pars, tu ne me retrouveras pas.
Je mourrai, car je suis trop tendre.
écoute-moi,
écoute-moi.
Ne t' en va pas.
Ne pleure pas,
ne pleure pas.
Ne t' en va pas,
hélas ! Hélas !
Ne t' en va pas,
hélas ! Hélas !
Si tu pars, tu ne me retrouveras pas.
Je mourrai, car je suis trop tendre.
Si je te perds, je veux mourir.
Pierre. -sors d' ici à l' instant, et va m' attendre
à la porte.
Mathurin. -et toi, monte à la chambre, tout à
l' heure.
Pierre. -impertinent !
Mathurin. -petite sotte !
Pierre. -ce grand pleureur !
Mathurin. -grande niaise !
La re Bobi. -va, mon fils, va.
p187
ACTE 1 SCENE 16
Mathurin, Pierre, la mère Bobi.
Pierre. -cela range toutes nos mesures.
Mathurin. -il est temps, il n' y a hiver qui tienne.
La re Bobi. -c' est bien naturel, c' est bien
naturel.
Pierre. -je ne m' attendois pas qu' il m' attendriroit.
La re Bobi. -c' est bien naturel, c' est bien
naturel. Tenez, mes enfants.
ACTE 1 SCENE 17
Tous les acteurs.
(pendant la ritournelle du vaudeville, Rose descend
l' escalier tout doucement, et Colas s' approche en
se coulant.)
vaudeville.
La re Bobi.
Fournissez un canal au ruisseau
dont les eaux portent le ravage,
secondez les efforts d' un rameau
dont la feuille enrichit un treillage :
soyez prudents, et croyez-moi
je pense qu' en cette aventure
il faut seconder la nature,
sitôt qu' elle nous fait la loi.
Colas.
Ah ! Mon re,
vous n' aviez tout au plus que vingt ans
quand on fit votre mariage ;
au lieu d' un vous aurez deux enfants :
soyez sûrs que dans notre ménage,
si votre bien pend de moi,
vous, le vôtre de ma future,
l' amour, l' amitié, la nature
deviendront pour nous une loi.
Rose.
Il m' est cher, vous, mon père, encor plus :
si nos jours ne couloient ensemble,
ses désirs deviendroient superflus ;
me noeud nous unit, nous rassemble ;
et nos enfants auront en moi
pour vous la leçon la plus sûre :
l' amour instruiroit la nature,
si jamais j' oubliois sa loi.
Pierre.
Mon ami, nous avions résolu
de jeter bien loin cette fête ;
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leur amour autrement l' a voulu :
je croyois que j' avois plus de tête.
Mais pour un fils on sent en soi
un quelque chose qui murmure :
on ne peut braver la nature,
elle nous fait toujours la loi.
Mathurin.
Mes enfants, il fera jour demain,
allons tous cinq nous mettre à table ;
là, nous verrons, le verre à la main,
pour l' hymen le moment favorable.
Viens, maman, à présent c' est moi
qui dois rendre ta marche re.
Il faut seconder la nature,
sitôt qu' elle nous fait la loi.
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