sur un sonnet, au lieu d' en faire d' autres ? Non,
merci ! Ne découvrir du talent qu' aux mazettes ?
être terrorisé par de vagues gazettes,
et se dire sans cesse : oh, pourvu que je sois
dans les petits papiers du Mercure François ?
non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
préférer faire une visite qu' un poème,
rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! Non, merci ! Non, merci ! Mais...
chanter,
rêver, rire, passer, être seul, être libre,
avoir l' oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
pour un oui, pour un non, se battre, -ou faire un
vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
à tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N' écrire jamais rien qui de soi ne sortit,
et modeste d' ailleurs, se dire : mon petit,
sois satisfait des fleurs, des fruits, même des
feuilles,
si c' est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s' il advient d' un peu triompher, par hasard,
ne pas être obligé d' en rien rendre à César,
vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
bref, dédaignant d' être le lierre parasite,
lors même qu' on n' est pas le chêne ou le tilleul,
ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
p94
Le Bret
tout seul, soit ! Mais non pas contre tous ! Comment
diable
as-tu donc contracté la manie effroyable
de te faire toujours, partout, des ennemis ?
Cyrano
à force de vous voir vous faire des amis,
et rire à ces amis dont vous avez des foules,
d' une bouche empruntée au derrière des poules !
J' aime raréfier sur mes pas les saluts,
et m' écrie avec joie : un ennemi de plus !
Le Bret
quelle aberration !
Cyrano
eh ! Bien ! Oui, c' est mon vice.
Déplaire est mon plaisir. J' aime qu' on me haïsse.
Mon cher, si tu savais comme l' on marche mieux
sous la pistolétade excitante des yeux !
Comme, sur les pourpoints, font d' amusantes taches
le fiel des envieux et la bave des lâches !
-vous, la molle amitié dont vous vous entourez,