dans sa nuit ? Ou une fleur trop tôt cueillie ?
Ou une florentine trop tôt fiancée ? Ou un flot
de l' Arno gémissant ? Ou rien qu' un nom ? Ou
rien qu' une ombre qu' il a vêtue jusqu' aux pieds
de son long désir ? Ce n' est pas moi qui le
dirai. Soupir ou songe, onde qui passe, fleur
qui s' effeuille, ou ombre, ou jeune fille, ce
que je veux s' appelle éternité d' amour avec celui
qui m' a rêvée.
Mademoiselle Aïssé.
Et moi, je me souviens trop bien que c' est sur
terre que j' ai vécu ; si je l' oubliais jamais,
cette blessure au coeur, que voilà, me le
rappellerait. Dans le monde j' ai aimé, dans le
monde j' ai souffert. Autour de moi brillait
la fête, et dans le bal je jouais. Pour m' amuser,
comme les autres j' effeuillais ma couronne.
Ma bouche encore souriait, que déjà le ver avait
rongé ma joie. Pendant le jour, je vivais de
désirs ; pendant la nuit, de remords. Une fois,
seulement, en tremblant, le mot qui m' était le plus
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doux à dire a passé mes lèvres ; et ce mot, trop
bien entendu, m' a conduite où je suis.
La Comtesse Guiccioli.
Celui pour qui j' ai quitté le comte, après mon
mariage, tous les autres l' appelaient Byron,
quand seule je l' appelais Noël. Lui, que
n' avaient pu désennuyer la Tamise, ni le Rhin,
ni le Tage, ni Venise, ni tous les minarets
au delà des Dardanelles, restait tous les
longs mois d' été, assis près de moi, à compter
mes cheveux d' or. Pour un jour d' absence, ses
larmes recommençaient à couler dans le jardin
de Ravenne, et ses lèvres à pâlir. à la Mira,
à Bologne, à Gênes, mais surtout à Pise,
près de l' Arno et de la Strada-Longa, dans
le palais Lanfranchi, que d' heures, mon dieu !
Toutes à se voir, à s' écouter, puis à se taire, et
à se revoir toujours, qui jamais ne reviendront
au ciel, ni si belles, ni si tièdes de doux
soupirs ! Sous un pin d' Italie, j' ai guéri
d' un sourire la plaie de Lara, du corsaire,
de Manfred, d' Harold. Avec l' étoile de
Toscane, toujours vermeille, avec l' haleine
de la mer, toujours à moitié assoupie ; avec
le baume des villas, j' ai apaisé, moi aussi,
pour un soir, la dure peine d' un esprit immortel.
C' est là ce que j' ai fait sur terre ; et je ne
m' en repens pas, quand même le comte le saurait.