verdure, à mouvoir les soleils, à les allumer, à
déployer auprès d' eux le pavillon des cieux, à
peindre enfin la beauté du premier jour du monde,
et cette fraîcheur printaniere dont sa vive
imagination embellit la nature nouvellement éclose.
Il avoit donc non seulement à nous présenter les plus
grands tableaux, mais encore les plus neufs et les
plus variés, qui, pour l' imagination des hommes, sont
encore deux causes universelles de plaisir.
Il en est de l' imagination comme de l' esprit : c' est
par la contemplation et la combinaison, soit des
tableaux de la nature, soit des idées philosophiques,
que, perfectionnant leur imagination ou leur esprit,
les poëtes et les philosophes parviennent également
à exceller dans des genres très-différents, et dans
lesquels il est également rare et, peut-être,
également difficile de réussir.
Quel homme, en effet, ne sent pas que la marche de
l' esprit humain doit être uniforme, à quelque science
ou à quelque art qu' on l' applique ? Si, pour plaire
à l' esprit, dit M De Fontenelle, il faut l' occuper
sans le fatiguer ; si l' on ne peut l' occuper qu' en
lui offrant de ces vérités nouvelles, grandes et
premieres, dont la nouveauté, l' importance et la
fécondité fixent fortement son attention ; si l' on
n' évite de le fatiguer qu' en lui présentant des idées
rangées avec ordre,
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exprimées par les mots les plus propres, dont le
sujet soit un, simple, et par conséquent facile à
embrasser, et où la variété se trouve identifiée à
la simplicité ; c' est pareillement à la triple
combinaison, de la grandeur, de la nouveauté, de la
variété et de la simplicité dans les tableaux, qu' est
attaché le plus grand plaisir de l' imagination. Si,
par exemple, la vue ou la description d' un grand lac
nous est agréable, celle d' une mer calme et sans
bornes nous est sans doute plus agréable encore ; son
immensité est pour nous la source d' un plus grand
plaisir. Cependant, quelque beau que soit ce
spectacle, son uniformité devient bien-tôt ennuyeuse.
C' est pourquoi, si, enveloppée de nuages noirs, et
portée par les aquilons, la tempête, personnifiée par
l' imagination du poëte, se détache du midi en roulant
devant elle les mobiles montagnes des eaux ; qui
doute que la succession rapide, simple et variée des
tableaux effrayants que présente le bouleversement
des mers, ne fasse, à chaque instant, sur notre
imagination, des impressions nouvelles, ne fixe
fortement notre attention, ne nous occupe sans nous