rapporter icy, il suffiroit seul pour faire
juger de son entreprise. Je voudrois que
chacun de ces critiques si présomptueux,
qui condamnent Homere sans le connoistre,
voulust raisonner de cette maniere :
tout ce qu' il y a eu de plus grands hommes
et de plus forts genies depuis deux
mille cinq cens ans en Grece, en Italie et
ailleurs, ceux dont on est forcé encore
aujourd' huy d' admirer les escrits, ceux qui
sont encore nos maistres, et qui nous enseignent
à penser, à raisonner, à parler,
à escrire ; tous ces gens-là reconnoissent
Homere pour le plus grand de tous les
poëtes, et ses poëmes pour la source des
richesses de toutes les autres poësies ; c' est
sur luy qu' on a formé les regles du plus
noble de tous les poëmes pour en constituer
l' art ; des hommes tres éclairez, des
hommes d' un esprit tres penetrant et
d' un jugement tres juste, nous y font remarquer
des beautez singulieres et des
charmes infinis. Tous ces gens-là ont porté
leur jugement sur ce qu' ils ont veu, examiné,
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connu, au lieu que moy, inferieur en
tout au moindre de ces grands hommes,
je juge de ce que je n' ay ni vû, ni examiné,
ni connu, puisque je n' ay jamais lu
Homere dans sa langue, et que je suis
incapable de le lire, ou de le bien lire.
Comment puis-je donc présumer que mes
décisions prévaudront sur celles de tant
de juges si éclairez et si respectables qui
n' ont pu estre trompez ? Cela n' est pas
possible. Et en verité dans les choses mesmes
que l' on auroit examinées avec le
plus d' attention, et que l' on croiroit le
mieux connoistre et entre égaux, la sagesse
tousjours conforme à l' ordre, et qui
n' est elle-mesme que l' ordre, voudroit
qu' on soumist son jugement particulier à
celuy du plus grand nombre, et encore plus
à celuy de tous les temps et de tous
les lieux.
Voilà un raisonnement que le simple
sens commun dicte. Mais M. De La
M. Accoustumé à secoüer le joug des
opinions les plus receües, n' a pas daigné
faire attention à ce petit avis, non