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textuelles Frantextalisée par l'Institut National de
la Langue Fraaise (INaLF)
Métamorphoses d'Ovide en rondeaux [Document électronique] : imprimés et
enrichis de figures par ordre de S. M. / [par I. de Benserade]
RONDEAU REDOUBLE AU ROY
p1V
v que de vertus, et de prospéritez
bien au-delà des choses vray-semblables !
L' esprit s' échape, et croit de tous costez
qu' il se proméne icy parmi les fables.
Pour cheminer sur tes pasrables
que devant luy ton fils a de clartez !
Qu' il trouve en toy d' exemples admirables !
que de vertus, et de prospéritez !
son ame brille autant par ses beautez,
que fait son corps par ses traits adorables,
et l' oncouvre en luy des qualitez
bien au-delà des choses vray-semblables .
Inspire-luy tes grandeurs incroyables,
que les méchans n' en soient point écoutez,
dans les enfans faciles et ployables
l' esprit s' échape, et croit de tous costez .
pV
En attendant que loin des voluptez
il puisse un jour par des coups mémorables
exécuter de grandes veritez,
qu' il se proméne icy parmi les fables .
Il y verra la peine des coupables,
et le repos des bons persecutez,
sçaura de quoy les vrais rois sont capables
dont on ne voit les trônes cimentez
que de vertus .
LETTRE DEDICATOIRE EN RONDEAU
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pV1
à monseigneur monseigneur le dauphin.
Comme je sçay que vous estes enclin
à feuïlleter quelque livre qu' on ose
vous dédier, et comme en toute chose
vous faites voir un goust exquis, et fin.
Je suy ma pente, et l' ordre du destin
qui me dit, va, porte en beau maroquin
tes rondeaux faits sur la métamorphose.
à monseigneur.
Regardez-les, prince, d' un oeil benin,
préservez-les de ce mortel venin
par l' envie infecte vers et prose.
En peu de mots voilà ma lettre close,
et, serviteur tres-humble sur la fin.
à monseigneur.
PREFACE EN RONDEAU
pV11
Si j' ay mal fait, ami lecteur, d' écrire,
vous ferez bien pour vous de ne pas lire :
comme onfére au sentiment d' autrui,
une personne en crédit aujourd' hui
veut que j' imprime, ay-je l' en dédire ?
Cette personne est le roy nostre sire,
il ne fait pas trop bon le contredire,
il l' a voulu, prenez-vous en à lui.
Si j' ay mal fait.
D' un ornement d' images il desire
enrichir l' oeuvre, et mesme on pourroit dire
que s' en estant rendu l' auguste apui,
il veut par là diminr l' ennüi
qu' une lecture en pareil cas inspire.
Si j' ay mal fait.
EXTRAIT PRIVILEGE ROY EN RONDEAU
pV111
Il est permis à quelqu' un du parnasse
qui de Marot cherche à suivre la trace,
de mettre au jour des rondeaux qu' il a faits,
ads:
pour estre en vente exposez beaux, ou laids,
et défendu que l' on les contrefasse.
Le roy plus loin étend la mesme grace,
tout acheteur qui du prix s' embarasse
peut affecter de les trouver mauvais.
Il est permis.
S' abandonner au public quelle audace !
à moins que d' estre ou Virgile, ou Le Tasse,
le meilleur est de n' imprimer jamais,
on y hazarde, et l' honneur et les frais ;
mais qui voudra faire le fat le fasse.
Il est permis.
ERRATA EN RONDEAU
p1X
Dans ce volume où sont toutes les fables,
s' il s' est glissé des fautes peu notables,
ou qui ne soient que de l' impression,
manque de soin, et d' aplication,
un mot pour l' autre, elles sont excusables.
D' autres peut-estre, et bien moins suportables,
comme au bon sens plus pjudiciables
meriteroient une correction.
Dans ce volume.
Pour moy parmi des fautes innombrables,
je n' en connois que deux considérables,
et dont je fais ma déclaration,
c' est l' entreprise, et l' exécution,
à mon avis fautes irréparables.
Dans ce volume. v
LE CHAOS
p2
le chaos estoit une confusion, et un mélange de toutes
choses, qui furent depuis séparees, et mises chacune en
sa place.
p3
v ou tout estoit dedans l' abisme enclos
là résidoient pesle-mesle feux, flots,
air, terre, ciel, tenébres, et lumiére,
pesante, informe, et confuse matiére
de l' univers qui n' estoit pas éclos.
Quand le moteur intervient à propos,
qui regle, ajuste, et démesle en deux mots
t embarras de la masse premiére.
tout estoit.
Jeune dauphin, sang de tant de ros,
ainsi ton pere agit pour ton repos,
et laissera ta personne heritiére
de ses vertus, et de la terre entiére,
ayant si bien débrouïllé le chaos.
tout estoit. v
L'HOMME CREE
p4
il falut quelqu' un pour habiter le monde, et pour en estre l
maistre ; c' est pourquoy Promethee, selon Hesiode, ou plû-
tost Dieu luy-mesme forma un homme avec de la terre détrem-
pee, et luy donna une ame.
p5
v un peu de boestre de tant de poids !
L' autheur du monde observant autrefois
la terre encor neuve, inculte, et sauvage,
ce n' est pas tout, dit cet esprit si sage,
il faut un maistre à tout ce que je vois.
Un animal doit imposer des loix,
et là-dessus il pestrit dans ses doits
je ne sçay quoy qu' il trouve en son passage.
Un peu de bouë.
Il confondit l' orgüeil des plus adroits,
il forma l' homme avecque tous ses droits,
il y grava des dieux la vive image :
mais dans le fonds qu' est-ce que cét ouvrage
dont sont venus les peuples, et les rois ?
Un peu de bouë. v
LES AGES
p6
le monde fut divisé en quatre ages ; l' age d' or, l' age
d' argent, l' age d' airain, et l' age de fer. L' innocence regna
dans le premier ; le second dégenera un peu ; le troisiéme f
plus licentieux que les deux précedens ; et il n' y a point d
que le fer n' ait commis dans le quatriéme.
p7
v comme tout va de mal en pis toûjours,
de l' age d' or bienheureux fut le cours,
il se sentit de la pure innocence,
on vid fleurir la joye, et l' abondance,
et sans nuage estoient les premiers jours.
L' age d' argent chercha quelques détours,
la verité fut moins dans ses discours,
il commea d' aller en décadence.
Comme tout va.
L' age d' airain fut rempli de bons tours,
à l' equité les hommes furent sourds,
de tous les maux on vid poindre l' engeance.
L' age de fer nage en pleine vengeance,
quel train d' horreurs ! Jusqu' aux tendres amours.
Comme tout va ! v
PANDORE
p11
v dans une boëste un tresor odieux
fut renfermé par le vouloir des dieux,
Pandore en fut seule dépositaire,
ce n' estoit pas une beauté vulgaire,
les premiers coeurs céderent à ses yeux.
Ayant en main ce bijou précieux
elle s' alla promener en tous lieux,
quand on est belle on ne demeure guére.
Dans une boëste.
Quelqu' un luy plût, ce quelqu' un curieux
ouvrit enfin ce qu' elle aimoit le mieux,
il n' en sortit que peine, et que misere
dont les humains, helas ! N' avoient que faire,
et ce fut là ce qui nous vint des cieux.
Dans une boëste. v
LES GEANS
p12
les geans attaquerent le ciel, Jupiter les foudroya ; Ty-
phon, et Encelade estoient les plus considerables.
p13
v devant les dieux ces geans pervertis
de leur malheur n' estant pas avertis,
au firmament présentent l' escalade,
là Typhon monte, icy grimpe Encelade,
Jupiter prend des foudres assortis.
Ces vastes corps les ont bien ressentis,
jusqu' au dernier tous sont aneantis,
on leur voit faire une rude cascade.
Devant les dieux.
Leurs monts sur eux se sont apesantis,
un peu trop tard ils s' estoient repentis
d' une si brusque, et si haute incartade.
Contre le ciel frivole est la bravade,
et n' en déplaise aux grands, ils sont petits.
Devant les dieux. v
LYCAON EN LOUP
p14
Lycaon fut un tyran qui fit tant de méchancetez, et
commit tant de meurtres, que Jupiter le changea en loup,
aprés avoir foudro sa maison, et détruit son royaume.
p15
v pour estre grand comme estoit Lycaon
il ne faut rien que l' odieux renom
d' estre ennemi des choses legitimes,
empoisonné de méchantes maximes,
et d' estre moins un homme qu' unmon.
Il prit d' un loup la figure, et le ton,
et sans jamais esperer de pardon
n' en fut pas moins abaissé par ses crimes.
Pour estre grand.
Il vid perir son regne, et sa maison,
l' éclat du foudre alla jusqu' à son nom,
luy qui des monts frapant les hautes cimes
n' épargne point les criminels sublimes.
Il faut qu' un roy soit juste, sage, et bon.
Pour estre grand. v
LE DELUGE
p16
comme tous les hommes avoient failly, Jupiter extermi-
na tous les hommes par le luge.
p17
v quelle hauteur d' eaux, de pluye, et d' orage,
quand l' ouvrier noya son propre ouvrage !
Le genre humain fut un ingrat fieffé,
le malheureux, il estoit né coiffé,
s' il avoit sceu gouster son avantage.
Dieu lava bien la teste à son image,
Péris, dit-il, quelle voix ! Quel langage
dans un couroux justement échauffé !
Quelle hauteur !
Dessus les monts on estoit à la nage,
tout l' univers entra dans ce naufrage,
le crime avoit trop longtemps triomphé,
pourquoy plutost ne fut-il étouffé ?
C' est un abisme où n' entre point le sage.
Quelle hauteur ! v
DEUCALION ET PYRRA
p18
le mary, et la femme resterent seuls du déluge, pour leur
innocence ; l' oracle de Thémis leur ordonna deparer le
genre humain, en jettant les os de leur grand' mere par dessu
leurs testes : ce qui ayant esté expliqué des pierres, ils o
tous deux ; les hommes se formerent des pierres que jetta le
Deucalion, et les femmes furent composées de celles de Pyr
p19
v à coups de pierre ils ne s' attendoient guére
de repeupler l' univers solitaire,
Deucalion et Pyrra seuls restoient,
et par dessus leurs testes ils jettoient,
non sans horreur, les os de leur grand' mere.
Simples cailloux en langage vulgaire
estoient ces os, sur la foy du mystere
le grandbris du monde ils rajustoient.
à coups de pierre.
Tous deux avoient leurs pareils à refaire,
qui n' estoit pas une petite affaire,
de leur travail comme ils s' y comportoient,
corps, testes, bras, mains, pieds, jambes sortoient :
ils firent là ce qu' on ne voit plus faire.
à coups de pierre. v
PYTHON
p20
apres que les eaux du déluge se furent retirees, il naquit
de la fange un serpent nom python qu' Apollon tua
dans sa premiere jeunesse, et de là sont venus les jeux pyth
le victorieux avoit une couronne de chesne, parce qu' il n
avoit point encore de laurier.
p21
v sur le chemin Apollon considere
un ennemi digne de sa colere,
ce venimeux, et terrible python
qu' avoit produit la bouë, et le limon,
sa langue siffle, et son regard éclaire.
Sans negliger l' ocasion si chere,
il estend mort le monstre sanguinaire,
et ce progrez fait retentir son nom.
Sur le chemin.
Aux jeunes gens la gloire est necessaire,
il faut aller à ce but ordinaire,
et s' avançant vers un giste si bon,
pour acquerir d' autant plus de renom
ne rien laisser de ce qu' on trouve à faire.
Sur le chemin. v
QUERELLE D'APOLLON ET DE L'AMOUR
p22
Apollon encore jeune, et tout fier de la victoire qu' il
venoit de remporter sur le serpent python qu' il avoit tué
d' un coup de fléche, rencontre l' amour, et trouve mauvais qu
ait des fléches comme luy ; il le querelle, et ce dieu s' en
p23
v de le braver par des mots outrageux
ce tendre enfant qui n' aime que les jeux,
Phébus eut tort, il sçait ce qu' il en coûte.
Tous deux alloient dans une mesme route,
quand de parole ils se prirent tous deux.
Que faites-vous de ces traits, de ces feux,
petit aveugle ? Estoit-il pas honteux
de l' insulter sur ce qu' il ne voit goute,
de le braver ?
Amour soûrit, et le rend amoureux
sans estre aimé de l' objet de ses voeux,
qui le méprise, et jamais ne l' écoute :
il est fort beau de le vaincre sans doute
à qui le peut, mais il est dangereux.
De le braver. v
DAPHNE EN LAURIER
p24
Apollon amoureux de Daphné court aprés elle, et comme
elle se sent lasse, elle implore le secours de son pere le
fleuve Penee qui la change en laurier, pour luy faire évite
violence de son amant.
p25
v que sert l' amour qu' un galant se propose
pour un objet dont la vertu dispose ?
Daphné rendit Apollon transporté,
mais sous l' espoir d' en estre bien traitté,
il eut beau faire, il n' en fut autre chose.
Il court aps, et sa poursuite est cause
qu' en un laurier on la metamorphose :
devenir arbre, en cette extremité.
Que sert l' amour ?
Elle alloit trop, et trop elle repose,
plus malheureux cent fois par cette pause
que par sa fuite il ne l' avoit esté.
La veritable, et franche honnesteté
aux passions un rude joug impose.
Que sert l' amour ? v
ARGUS EN PAON
p26
Jupiter amoureux de la nymphe Io, pour la soustraire à
la jalousie de sa femme Junon, la transforme en vache : mai
Argus qui avoit cent yeux fut commis à sa garde de la part
cette deesse ; Mercure l' ayant endormi au son de sa fluste
tua, et Junon le changea en paon.
p27
v avec cent yeux bien ouverts sur sa tasche
le malheureux s' endort, Junon se fasche
de s' estre ainsi confiee à ses soins,
elle le change en un paon neanmoins,
et sa pitié jusques là se relasche.
Ses pieds sont laids, ils n' a point d' autre tache,
son ample queuë est comme un grand panache
de l' iris l' arc, et les traits sont joints.
Avec cent yeux.
Gens clairvoyans, pensez-vous qu' on vous sçache
beaucoup de gré de toute vostre attache ?
Veillez, grondez, cherchez par tous les coins,
il n' en fera pourtant ni plus, ni moins,
le pauvre Argus ne sçeut garder sa vache.
Avec cent yeux. v
SYRINX EN ROSEAU
p28
Mercure pour mieux endormir Argus, luy raconte
l' invention de la fluste, et sur cela luy fait un recit de
l' amour du dieu Pan pour la nymphe Syrinx metamorphosee
en un roseau dont il fit la premiere fluste.
p29
v à quelque usage soit mis l' amour mesme
il a souvent une amertume extresme.
à ses plaisirs Pan un peu trop enclin
avec Syrinx veut unir son destin,
et quiteroit pour elle un diadesme.
Elle le fuit, elle en est séche, et blesme,
luy pour la vaincre use de stratagesme,
elle est adroite, et du monde malin.
à quelque usage.
N' en pouvant plus, par la bonté supresme
elle est changée en roseau, Pan blasphesme,
de ce roseau délicat, tendre, et fin
il fait sa fluste ; et n' est-ce rien enfin
que de pouvoir employer ce qu' on ayme.
à quelque usage ? v
EPAPHE ET PHAËTON
p30
Epaphe estoit fils de Jupiter et d' Io, et Phaëton fils d
Soleil et de Clymene, tous deux jeunes, contemporains, et
envieux l' un de l' autre. Le premier reprocha à Phaëton qu' i
de meilleure maison que luy qui se vantoit peut-estre mal à
de sa naissance, et l' obligea d' aller trouver Clymene qui l
renvoya au Soleil son pere ; ce qui fut cause de son malheu
p31
v qui veut bien faire évite avec sagesse
de nous parler de ses ayeux sans cesse,
fade est ce point quand il est rebatu,
qui mieux l' a dit est qui s' en est mieux tû,
et s' en vanter est un trait de foiblesse.
Chacun conoist, et sent ce qui le blesse,
cela n' est pas de la delicatesse
de dire, moy je suis grand, toy qu' es tu ?
Qui veut bien faire.
Un fat reproche à l' autre sa bassesse,
pour s' éclaircir au soleil il s' adresse,
et le voila par le foudre abatu.
Il faut toûjours conter sur sa vertu,
et ne jamais conter sur sa noblesse.
Qui veut bien faire. v
IO EN DEESSE
p32
Jupiter qui avoit aimé Io, et qui avoit esté bien avec ell
l' un n' estant guére sans l' autre, luy osta sa forme de vache
et la fit adorer en Egypte sous le nom de la deesse Isis.
p33
v n' est-ce pas l' ordre aprés tant de chagrins
de voir un peu le malheur sur ses fins,
et que d' Io la misere finisse ?
Helas ! Faut-il toûjours qu' elle mugisse,
et paisse l' herbe aux lieux circonvoisins ?
Elle essuya tous ses mauvais destins
et de Junon tous les efforts malins,
reprit sa forme, et ne fut plus genisse.
N' est-ce pas l' ordre ?
L' on parsema de fleurs tous ses chemins,
et dans l' Egypte, ou devers ses confins
journellement on luy fait sacrifice ;
au plus puissant des dieux rendant service
elle parvint à des honneurs divins.
N' est-ce pas l' ordre ? v
TREBUCHEMENT DE PHAËTON
p34
Phaeton conceût un tel orgüeil de se sentir fils du So-
leil, qu' il en exigea la permission de conduire une fois son
char. Ce dieu ne s' en pût empescher, s' y estant engagé par l
ment des dieux qui estoit inviolable ; et ce jeune témeraire
rit dans son entreprise.
p35
v qui veut mener un dessein, et le suivre
doit estre sage, avoir lû plus d' un livre :
il faut qu' il soit de vaine gloire sou,
quand on est mort il ne sert pas d' un clou
d' estre en statuë, ou de marbre, ou de cuivre.
Des grands projets la conduite nous livre
à de grands soins, heureux qui s' en délivre,
le gouvernail est pris par quelque fou.
Qui veut mener.
Un étourdy se trouve las de vivre,
et sur le char du soleil veut poursuivre
la mesme route, il va sans sçavoir où,
donne à travers, tombe, et se rompt le cou,
c' est proprement un jeune cocher yvre.
Qui veut mener. v
SOEURS DE PHAËTON ET CYGNE
p36
les soeurs de Phaëton desesperees de sa mort, aprés luy
avoir érigé un tombeau superbe, furent changees en peu-
pliers ; et Cygne roy de Ligurie son parent, et son ami, d
gret qu' il en eut, fut changé en cygne, qui craint encore le
nerre, et il ne changea point de nom.
p37
v jusqu' au tombeau celebre tu fus mis,
jeune emporté, quel devoir fut obmis ?
Quel desespoir de tes soeurs, quels vacarmes !
L' ambre depuis se forma de leurs larmes,
Cygne te vid tant qu' il luy fut permis.
Ce roy t' aimoit, il te l' avoit promis,
et te voyant où tu t' estois commis,
il eut pour toy de mortelles allarmes.
Jusqu' au tombeau.
De ton malheur il ne s' est point remis,
sous son plumage il hait tes ennemis,
de Jupiter il teste les armes,
les seules eaux ont pour luy quelques charmes.
Quand on est tendre on aime ses amis.
Jusqu' au tombeau. v
CALISTO EN OURSE
p38
Jupiter devint amoureux de Calisto ; et pour s' en faire ai
mer il prit la forme de Diane à la suite de laquelle elle
estoit. Junon jalouse la transforma en ourse.
p39
v la solitude, et l' ombrage des bois
pour cette nimphe estoient de doux endroits :
comme elle y vint un jour toute endormie
Jupiter prend la physionomie,
l' air de Diane, et sa taille, et sa voix.
Il s' en aproche, et met bas le carquois,
cherchant, dit-il, ces lieux sombres, et cois,
pour y pouvoir jouïr de son amie.
La solitude.
Elle estoit chaste, et céda toutefois,
ce dieu pressant l' ayant mise aux abois
de sa pudeur troubla l' économie,
elle fut ourse aprés cette infamie.
Il n' est pas mal de craindre quelquefois
la solitude. v
ARCAS EN SIGNE CELESTE
p40
Arcas estoit fils de Jupiter, et de Calisto : il aimoit l
chasse, et il estoit adroit a tirer de l' arc. Ayant trouvé s
mere en ourse, il pensa la tuer sans la conoistre : Jupiter
empescher ce malheur, les enleva tous deux, et les plaça ent
les signes.
p41
v aprés la mort de Calisto sa mere
(car son trépas fut crû dans le vulgaire,
quoy que Junon l' eut mise entre les ours)
le jeune Arcas pensa trancher ses jours,
et la percer d' une fléche legére.
La chasse estoit son plaisir ordinaire,
et Calisto sous sa forme étrangere
ne faisoit rien que soupirer toûjours.
Aprés la mort.
Mais Jupiter émû de leur misere
changea leur vie infirme, et passagere,
tous deuxhaut placez par son secours.
Icy les maux, et les biens ont leur cours,
on en reçoit la peine, ou le salaire.
Aprés la mort. v
LE CORBEAU D'APOLLON
p42
le corbeau avoit autrefois le plumage blanc, mais pour
avoir averti son maistre Apollon de l' infidelité de Coro-
nis que ce dieu aimoit, et qu' il tua par jalousie, il le ren
pour le punir.
p43
v de trop parler combien de maux on séme
en médisance, en injure, en blaspme !
Sur le raport de ce chant oyseau
l' on vid perir un objet tendre et beau
qu' aprés sa perte encore Apollon aime.
Il découvrit l' amoureux stratame,
et Coronis en parut toute blême,
ce babillard l' a mit dans le tombeau.
De trop parler.
Il estoit blanc, mais par l' ordre suprême
il fut couvert d' une noirceur extrême
qui de sa plume alla jusqu' à sa peau.
L' on croid souvent comme fit le corbeau
noircir autruy qu' on se noircit soy-mesme.
De trop parler. v
NYCTIMENE EN HIBOU
p44
Nyctimene eut de l' amour pour son propre pere, et
en punition d' une telle horreur elle fut changee en hibou.
p45
v des coups de bec de la troupe volante
sur le hibou l' atteinte est violante,
ce triste oyseau qui ne va que la nuit,
nymphe autrefois si l' on en croit le bruit,
ayant esté de son pere l' amante.
Elle gémit encore, et se lamente
d' un ton funebre, et pleine d' épouvante
à travers l' ombre elle échape, et s' enfuit.
Des coups de bec.
Non seulement le remors nous tourmante
d' avoir mal fait, mais sans cesse il augmante,
à frais communs le monde nous poursuit,
sans s' épargner l' un à l' autre on se nuit,
bon ou mauvais, qu' est-ce qui s' en exemte.
Des coups de bec ? v
OCYROE EN JUMENT
p46
Ocyroe estoit fille du centaure Chiron, et présumant
trop de son sçavoir, elle fut metamorphosee en jument.
p47
v qu' on diroit bien des choses fortement
sur cette fille, et sur son changement !
Tant de science à la fois dans sa teste,
une harangue à faire toûjours preste,
et n' avoir plus que le hennissement.
Si l' on disoit aussi qu' aparemment
des justes dieux le profond jugement
punit l' orgüeil arivé jusqu' au faiste.
Qu' on diroit bien !
Nous ne sçaurions parler fort seurement
ni de l' instinct, ni du raisonnement,
et queait-on ce que pense une beste ?
Une sçavante, et qui se fait de feste
n' est pas toûjours si loin d' une jument.
Qu' on diroit bien. v
APOLLON GARDANT LES TROUPEAUX
p48
Apollon ayant esté banni du ciel par Jupiter pour avoir
tué les cyclopes qui forgeoient son foudre, fut réduit à
garder les troupeaux du roy Admete.
p49
v de sa fortune Apollon n' estoit pas
trop satisfait, elle avoit peu d' apas,
banni du ciel, et n' ayant de retraite
que chez un roy qui s' apelloit Admette
dont il tenoit les troupeaux assez gras.
Il estoit pauvre, et vivoit de ses bras,
un dieu si grand estre si peu de cas !
Il se console avecque sa musette.
De sa fortune.
Que le chemin soit haut, ou qu' il soit bas,
il faut sçavoir marcher du mesme pas
en quelque lieu que le destin nous mette,
et c' est beaucoup que le coeur se soûmette,
à bien remplir les differens étas.
De sa fortune. v
BATTUS EN PIERRE DE TOUCHE
p50
Mercure ayant dérobé les troupeaux d' Apollon fut
aperceû d' un certain Battus, à qui il promit une vache
pour l' obliger au secret, et puis sous une autre forme il le
par tant d' autres promesses qu' il luy fit dire ce qui en est
quoy Mercure indigné le changea en pierre de touche.
p51
v plein de finesse à mener un complot
Mercure un jour tournant autour du pot
prés d' Apollon, luy prit sur la moustache
tous ses troupeaux, et promit une vache
au vieux Battus pourveû qu' il n' en dit mot.
Le malheureux voulut grossir son lot,
il fit l' habile, et fut un idiot,
à l' éprouver aussi ce dieu s' attache.
Plein de finesse.
Il luy promet de payer son écot,
et de changer en soulier son sabot,
pourveû qu' il parle, il tient bon, puis relasche,
et plus en dit qu' il ne veut qu' on en sçache.
Des animaux le pire c' est un sot.
Plein de finesse. v
AGLAURE EN ROCHER
p52
la nymphe Aglaure avoit promis à Mercure de le mettre
bien auprés de sa soeur moyennant une somme d' argent :
depuis en estant elle-mesme devenuë éprise, et jalouse, elle
posa aux amours de ce dieu, qui pour s' en venger la changea
rocher.
p53
v en un rocher fut convertie Aglaure :
voicy le fait. Mercure un jour l' implore,
ayant besoin d' elle auprés de sa soeur,
et luy promet de plus quelque douceur,
un peu d' argent luy plaist, et la restaure.
Mais sentant bien qu' elle mesme l' adore,
pour détourner ce feu qui le dévore,
ha ! Luy dit-elle, mets tu là ton coeur.
En un rocher ?
De tous costez elle se deshonore,
car elle fait l' amour, et pis encore,
interessee, et jalouse, ô malheur !
Telle qu' elle est c' est au moins sans douleur,
elle est bien mieux que changee en pécore.
En un rocher. v
JUPITER EN TAUREAU
p54
Jupiter se transforme en taureau pour enlever Europe
dont il estoit amoureux.
p55
v quand on est belle, on fait bien du fracas ;
la jeune Europe avoit beaucoup d' apas,
et Jupiter de qui l' ame estoit tendre
se void contraint pour elle de descendre
en taureau blanc qui la suit pas à pas.
Elle s' y jouë, elle y prend ses ébas,
et met sur luy ses membres délicas :
tout sied fort bien, quoy qu' on veuïlle entreprendre.
Quand on est belle.
Avec sa charge, et sans qu' il en soit las,
de la mer vaste il passe à nâge un bras,
il ne faut plus songer à se defendre,
il n' est plus temps de penser qu' à se rendre,
quelle fortune aussi ne court on pas.
Quand on est belle ? v
LES DENTS DU DRAGON SEMEES
p56
Cadmus tuë un dragon, et par le conseil de l' oracle il en
me les dents sur la terre, et il en voit naistre des hom-
mes armez qui s' entretuënt devant luy.
p57
v les bras croisez un jeune homme inutile
qui s' ennuyoit du séjour de sa ville,
impatient de n' estre plus dedans,
et curieux des nobles incidens,
tuë un dragon, victoire difficile.
Il prend les dents de l' énorme reptile,
pour n' estre pas à l' oracle indocile,
puis il demeure ayant sémé ces dents.
Les bras croisez.
Il en provient des soldats plus de mille,
qui par l' effet d' une soudaine bile
s' entre-défont en guerriers imprudans :
Cadmus estoit parmi les regardans,
heureux de voir une guerre civile.
Les bras croisez. v
ERYCTON
p58
Erycton fut un enfant monstrueux qui naquit de l' a-
mour que Vulcain eut pour Minerve, dont la chasteté bien
establie fit croire qu' il estoit venu au monde sans mere.
p59
v tout ce qu' on veut en amour d' ordinaire,
comme l' amour est assez debonnaire,
peut reüssir. Ce dieu boiteux et laid,
diriez-vous pas que Minerve le hait,
elle qui méne une vie exemplaire ?
Et cependant ils eurent une affaire,
mesme Erycton naquit de ce mystere,
qu' on soit heureux l' on possede à souhait.
Tout ce qu' on veut.
Le monde crût qu' il estoit né sans mere,
Minerve fit valoir cette chimere,
du sexe estant le modele parfait.
Sur un bon pied suffit d' estre en effet,
l' on est en droit, et de dire, et de faire.
Tout ce qu' on veut. v
LEANDRE ET HERO
p60
Leandre estoit d' abyde, et passoit presque toutes les
nuits à la nage un bras de mer pour aller voir Héro qu' il
aimoit, et qui estoit enfermee dans une tour de seste de l' a
costé du rivage, mais il fut noyé en y allant par la tempest
sa maistresse de desespoir se précipita dans la mer. Cette f
point de la metamorphose, mais elle est d' ovide et celebre.
p61
v bien dangereux estoit l' emportement
du beau Leandre, à nâge frequemment
il traversoit un bras de mer émüe,
à l' autre bord de cent attraits pourvüe
Héro languit, ils s' aimoient tendrement.
Sur le plus haut de son apartement
un feu la nuit éclairoit à l' amant,
il vient un coup de tempeste imprevüe.
Bien dangereux.
Tant de plaisirrit en un moment,
et tant d' amour finit tragiquement,
l' homme se noye, et la fille se tüe.
Il plaist d' abord, mais à la continüe
aux jeunes coeurs l' amour est un tourment.
Bien dangereux. v
ACTEON EN CERF
p62
Acteon fameux chasseur fut changé en cerf, et mangé
par ses chiens pour avoir osé regarder Diane toute n
dans le bain.
p63
v c' est une beste où ce chasseur ardent
sans autre but s' attache, et cependant
il aperçoit Diane toute n
qui le punit d' une faute impreveuë,
l' on ne sçauroit forcer son ascendant.
Il apuya son regard impudent,
voilà son crime, aprés cét accident
sa teste allonge, elle devient cornuë.
C' est une beste.
Ses propres chiens luy donnent de la dent,
et font pleurer leur maistre en le mordant,
et déchirant sa personne inconnuë.
Heureux ! Helas, s' il eut baissé la ve,
qui veut trop voir n' est sage, ni prudent.
C' est une beste. v
SEMELE BRULEE
p64
Jupiter fut amoureux de Semele, qui par le conseil de Ju-
non jalouse, et deguisee en vieille, demanda à ce dieu d' est
vede luy de la maniere dont il voyoit sa femme, c' est à d
avec les éclairs et la foudre. Il s' en defendit en vain, et
dans le feu qu' elle ne pût soûtenir n' estant pas deesse.
p65
v un grand éclat, une grace animee
de Jupiter avoit l' ame enflamee,
du haut Olympe il s' en estoit enfuy,
Semele est fiere, et souffre avec ennuy
qu' il laisse au ciel sa pompe acoûtumee.
Elle voudroit qu' il vint à main armee,
dans les éclairs, la foudre, et la fumee,
il ysiste, et c' est entre elle et luy.
Un grand éclat.
Enfin il céde, elle en est consumee.
Non le plaisir d' aimer, et d' estre aimee,
quelque puissant qu' il soit, n' est pas celuy
qui touche plus une femme aujourd' huy,
que faut-il donc pour la rendre charmee ?
Un grand éclat. v
NAISSANCE DE BACHUS
p66
un peu devant que Semele fût brûlee, Jupiter tira de son
ventre le petit Bachus, et le cousit dans sa cuisse pour y
achever le terme des neuf mois, et depuis il fut mis entre l
mains des nymphes qui le nourirent.
p67
v à sa naissance un enfant ordinaire
ne brille point d' une splendeur si claire
comme Bachus ; Jupiter entreprit
de le sauver quand Semelerit,
et fit pour luy ce qu' on n' a point vfaire.
Tout frais sorti du ventre de la mere
il fut cousu dans la cuisse du pere,
pour achever le cours du temps prescrit.
à sa naissance.
Telle est la fable, en voicy le mystere.
Estre bienc' est une bonne affaire,
mais tout va mal si le fruit ne meurit,
il faut polir et les moeurs, et l' esprit,
c' est là le point, et ce qu' on ne doit guére.
à sa naissance. v
TIRESIAS EN FEMME
p68
pour avoir frapé deux serpens Tiresias fut changé en fem-
me, et au bout de sept ans ayant reveû, et toucles mes-
mes serpens, il reprit son premier sexe.
p69
v c' est un prodige étonnant et subtil :
Tiresias en un beau jour d' avril
voit deux serpens joints, et d' un air farouche
habituez dans une vieille souche,
galant commerce, et pourtant peu gentil.
En les frapant tous deux non sansril
il devient femme en tout jusqu' au babil,
il file, il cout, vaque au menage, acouche.
C' est un prodige.
Sept ans passez, couple rampant et vil,
vous me rendrez mon sexe, leur dit-il,
ainsi fut fait, au moment qu' il les touche
le poil renaist à l' entour de sa bouche,
et le voila redevenu viril.
C' est un prodige. v
JUGEMENT DE TIRESIAS
p70
Jupiter, et Junon un peu plus gais que de coûtume furent
en dispute, sçavoir qui de l' homme ou de la femme estoit le
plus heureux dans le mariage, luy disant que c' estoit la fem
elle soûtenant le contraire. Tiresias qui avoit esté l' un e
fut pris pour juge, et ne prononça pas au gré de Junon ; il
aveugle pour sa peine, et devin pour sa récompense.
p71
v des deux costez là haut chacun sa chaise,
au serieux préferant la fadaise
estoient assis Jupiter, et Junon
pleins de nectar, disputans d' un doux ton
sçavoir lequel estoit plus à son aise.
C' est vous, dit-il, mon coeur, quand je vous baise.
C' est vous, dit-elle, en faisant la niaise,
pour décider Tiresias fut bon.
Des deux costez.
Par cét expert la dispute s' apaise,
il prononça sur la naïve thése,
au gré de l' un il parla, ce dit-on,
mais par malheur au gré de l' autre, non.
En bien jugeant le moyen que l' on plaise.
Des deux costez ? v
ECHO EN VOIX
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Echo estoit confidente de Jupiter, et elle amusoit Junon
par de longs discours, pour donner temps à ce dieu de faire
évader ses maistresses : la deesse s' en estant aperce, s' e
en ne luy laissant que la liberté de redire les derniéres sy
p73
v jusqu' à ce point est-on fourbe et hableuse !
Echo jadis nymphe peu scrupuleuse
trompoit Junon d' un caquet assidu,
lors qu' icy bas Jupiter descendu
avoit en teste une intrigue amoureuse.
à faire un conte elle estoit merveilleuse,
pour amuser la deesse ombrageuse,
les plus adroits ne l' ont pas entendu.
Jusqu' à ce point.
Qu' elle a changé, depuis la malheureuse
va petant dans une roche creuse
les derniers mots d' un discours étendu.
à tel peché tel suplice estoit dû,
comment reduire une grande parleuse.
Jusqu' à ce point ! v
NARCISSE EN FLEUR
p74
cette mesme Echo aimoit Narcisse qui ne l' aimoit pas,
et qui devint amoureux de luy-mesme en se regardant dans
une fontaine. Il fut changé en une fleur de son nom.
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v il est par tout des gens qui veulent plaire,
et qui pourtant n' y reüssissent guére ;
la pauvre Echo se plaignoit aux echos
de ce malheur quoy qu' en fort peu de mots,
et si Narcisse en estoit en colere.
Quoy, disoit-il, ne me puis-je défaire
de cét objet dont je ne sçay que faire ?
J' ay beau m' enfuir, et luy tourner le dos.
Il est par tout.
nus en prit une vengeance amere,
ce beau garçon qui n' aimoit que sa mere
vient à s' aimer assez mal à propos,
et s' aime tant qu' il en perd le repos.
Que l' amour propre est un mal ordinaire !
Il est par tout. v
PENTEE DECHIRE
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Pentee se moquoit des dieux, et sur tout de Bachus ; aussi
sa mere et ses tantes meslees parmi les bachantes le mirent
en pieces à cause de son impieté.
p77
v contre un impie, et des moeurs insolentes
tout seclare amis, parens, parentes,
il eut des dieux mauvaise opinion,
et s' attira leur indignation,
en méprisant leurs pompes éclatantes.
Son propre sang est parmi les bachantes,
dont les fureurs sont fermes, et constantes
dans une sainte, et parfaite union.
Contre un impie.
Le déchirant ces femmes turbulentes
lévent au ciel leurs mains toutes sanglantes
d' un zele plein de superstition.
Il faut avoir de la religion,
les choses sont dures, et violentes.
Contre un impie. v
MATELOTS EN DAUPHINS
p78
Bachus estant dans un vaisseau, les matelots le prirent
pour un jeune homme, le volerent, et le voulurent noyer ;
ce dieu les changea en dauphins.
p79
v il est un dieu ce Bachus, mais ils eurent
si peu d' esprit que tous le méconurent,
et le voyant ainsi dans leur vaisseau
doux, familier, aimable, jeune, et beau,
tous contre luy firent du pis qu' ils pûrent.
L' ayant volé, sa perte ils resolurent,
luy les laissa croire ce qu' ils voulurent,
il ne paroist qu' un simple jouvanceau.
Il est un dieu.
Quand tout à coup de matelots qu' ils furent
ils sont dauphins rendant l' onde qu' ils bûrent
comme deux jets par un double naseau,
et pour leur peine ils vont au fond de l' eau.
Que les chans pillent, massacrent, jurent.
Il est un dieu. v
MINEÏDES EN CHAUVE-SOURIS
p80
les mineïdes estoient filles et soeurs, adroites à faire de
beaux ouvrages, mais impies : elles furent changees en
chauve-souris pour avoir méprisé les orgies de Bachus, et p
dant que les autres celebroient sa feste, elles s' ocupoient
travail, et racontoient quelques-unes des fables qui suivent
p81
v presque toûjours des filles de Minee
heureuse avoit esté la destinee,
elles faisoient des ouvrages de prix,
tout alloit bien, n' eut esté le mépris
qu' elles avoient des festes de l' annee.
Il n' estoit point pour les dieux de journee,
et la plus sainte en estoit profanee,
l' impieté perd les jeunes esprits.
Presque toûjours.
Le ciel punit leur malice obstinee,
et les voilà prés de leur himenee
par un beau soir toutes chauve-souris,
car ce n' est rien de l' estre en cheveux gris,
on le devient quand on est surannee.
Presque toûjours. v
DERCETTE ET NS EN POISSONS
p82
Dercette fut mere de Semiramis, et si belle que Vé-
nus se transforma en garçon pour elle. Naïs fut une sor-
ciere celebre qui changeoit les hommes en poissons, et y fut
changee elle-mesme aussi-bien que Dercette.
p83
v de toutes deux le nom eut de l' éclat,
Dercette estoit digne d' un potentat,
nus en homme en eut la connoissance,
sur les demons Naïs avoit puissance,
et fut jadis l' ornement du sabat.
Changeant leur forme, et de ce haut estat
chacun au sort des poissons se rabat,
un lac profond devient la residence.
De toutes deux.
Voilà ce semble un sujet bien ingrat,
à quelle sausse un esprit délicat
le peut-il mettre ? Icy comme je pense
de la morale il faut qu' on se dispense,
malaisément feroit-elle un bon plat.
De toutes deux. v
SEMIRAMIS EN COLOMBE
p84
Semiramis fut une reine superbe qui bastit les murs de
Babilone ; elle devint neanmoins un peu sujette à l' amour,
et c' est pourquoy Ovide dit qu' elle fut changee en colombe.
p85
v que la douceur à la beauté sied bien !
Semiramis par un autre moyen
de gouverner sa ville se propose,
aprés l' avoir ornée, acruë, et close
d' un mur qui fut son celebre soûtien.
L' austerité d' un severe maintien
fait quelquefois plus de mal que de bien,
il n' y faut guére employer autre chose.
Que la douceur.
La belle estant fiére dieu sçait combien,
l' auroit-on crû d' un coeur comme le sien ?
Devint colombe, et l' amour en fut cause,
l' occasion de sa métamorphose
c' est qu' en effet il ne luy manquoit rien.
Que la douceur. v
PYRAME ET TISBE
p86
Pyrame et Tisbé s' aimoient tendrement : leurs parens, voi-
sins, et ennemis ne vouloient point qu' ils s' aimassent, ni
qu' ils se vissent. Ayant pris tous deux un rendez-vous, Tis
fut la premiere, et la peur qu' elle eut d' un lion fit tomber
voile, que ce mesme lion ensanglanta : Pyrame l' ayant renco
tré, et s' estant persuadé qu' elle en avoit esté dévoree, se
desespoir ; elle en suite en fit de mesme, et leur sang teig
rouge un meurier blanc sous lequel ils se devoient trouver.
p87
v à deux amans parfaitement d' accord
l' amour sembloit préparer un doux sort,
du rendez-vous l' heure estoit déja prise,
pour s' y trouver la jeune fille éprise
s' impatiente, et la premiere sort.
Le beau garçon suit le mesme transport,
quand l' un pour l' autre ils se donnent la mort,
quelle tragique, et funeste surprise.
à deux amans.
Un lion vient, Tisbé s' enfuit d' abord,
son voile tombe, et soûtient tout l' effort,
ce qui causa la sanglante méprise.
Voilà comment l' erreur, et la bestise
entrent par tout, et souvent font grand tort.
à deux amans. v
MARS ET VENUS
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Vulcain ayant surpris Venus sa femme, et le dieu Mars,
les enferma tous deux en un mesme lit avec des rets de fer
presque imperceptibles à force d' estre déliez, et il en expo
spectacle à tous les autres dieux ses confréres.
p89
v et le mieux pris, et le plus amoureux
fut ce beau couple, heureux, et malheureux :
heureux qu' amour de si ps les assemble,
et malheureux d' estre trouvez ensemble
quand ils en sont au comble de leurs voeux.
Ce fut le trait d' un mari bien fâcheux,
un trait pour luy sans doute, et non pour eux
le mieux pensé du monde, ce me semble.
Et le mieux pris.
Quelle risee ! Au goust des jeunes dieux
un tel opprobre estoit delicieux,
Mars se confond, la belle Venus tremble,
quoy qu' à leur honte aucune ne ressemble,
qui fit le piége estoit le plus honteux.
Et le mieux pris. v
CLYTIE EN TOURNESOL
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Clytie jalouse du soleil amoureux de Leucotoé fut chan-
gee en une fleur qui se tourne toûjours vers le soleil.
p91
v la malheureuse, et fidelle Clytie
du blond Phébus ne s' est point garantie :
elle oublia pour luy son chaste orgueïl,
luy pour une autre estant presque au cercueïl
la parenté fut par elle avertie.
Ce trait jaloux devint cause en partie
que sa tiédeur mesme en fut amortie,
il ne la vid jamais plus de bon oeil.
La malheureuse.
Elle au soleil encore assujétie
le suit des yeux, n' en est point divertie,
tournant toûjours vers ce funeste écueïl,
sans qu' elle en puisse avoir le moindre acueïl,
depuis qu' en fleur elle fut convertie.
La malheureuse. v
LEUCOTOE EN ARBRE
p92
Orcame roy, et pere de Leucotoé, averti par Clytie de
l' intrigue de sa fille avec le soleil, la fit enterrer toute
et elle fut changee en cét arbre qui porte l' encens.
p93
v que la pudeur, et les autres vertus
sont de grands noms et vains, et rebatus !
Leucotoé qu' on croyoit si bien nee,
et qui parut si bien moriginee
trompa les soins que l' on en avoit eus.
Par tout l' amour exige des tributs,
aux jeunes coeurs de sa tendresse imbus
c' est une garde aisément subornee.
Que la pudeur.
La belle tint long-tems contre Phébus,
mais de tenir tjours c' est un abus,
le moment vint où cette infortunee
se laissa vaincre estant importunee,
et la raison ne luy servit non plus.
Que la pudeur. v
DAPHNIS EN ROCHER
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Daphnis fut un berger amoureux d' une jeune nimphe,
et il la trompa par des sermens horribles qu' il rompit, auss
fut-il changé en un rocher pour sa punition.
p95
v à sa parole, à mille serments faits
Daphnis joignit de si pressans effets,
son procedé fut si doux, et si tendre,
qu' un jeune objet ne pouvant s' en défendre
se laissa vaincre à ses ardens souhaits.
Jusques au bout il poussa ses progrez,
et s' enrichit de ses trésors secrets,
elle ne t s' empescher de se rendre.
à sa parole.
L' ingrat voyant ses desirs satisfaits
se mocqua d' elle, et des amans parfaits,
qui de leur foy font leur honneur dépendre.
Il ne faut pas mal à propos se prendre,
encore moins faut-il manquer jamais.
à sa parole. v
CELME EN DIAMANT
p96
Jupiter aimoit Celme ; cependant il alla publier que Ju-
piter n' estoit pas dieu, quoy qu' il sçeut bien qu' il estoit
premier, et le plus grand de tous les autres dieux : il fut
gé en diamant pour sa dureté.
p97
v que fait cela d' estre dur de creance,
quand le contraire est dans la conscience ?
Les quatre coins du monde, et le milieu,
tout nous convainc, et rien ne donne lieu
de mettre en doute une premiere essence.
Celme puni de son outrecuidance
en diamant vid changer sa substance,
il affectoit d' estre digne du feu.
Que fait cela ?
Peut-on des cieux voir la magnificence,
et l' harmonie, et l' ordre, et la puissance,
le globe ferme, ou roullant sur l' essieu,
et s' endurcir à ne pas croire un dieu ?
Rien du bon sens ne prouve tant l' absence.
Que fait cela. v
CROCUS ET SMILAX EN FLEURS
p98
Crocus, et Smilax estoient deux jeunes amans qui fu-
rent changez en fleurs, et luy en celle qui porte le saffran
p99
v deux coeurs unis par des chaînes secrettes
devinrent fleurs à force de fleurettes :
Crocus d' amour eut le teint jaunissant,
Smilax n' eut pas un desir moins pressant,
on admira leurs tendres amourettes.
Qu' il en est peu de seures, de discrettes,
affectant moins l' éclat que les retraites,
le doux commerce, et qu' il est innocent.
Deux coeurs unis.
Heureuses fleurs ! Soit que vous croissiez droites
dans un parterre, ou que des mains adroites
qui s' en iront vous cueïllir en passant
dans un bouquet vous meslent parmi cent,
que vous faut-il ? Vous brillez et vous estes.
Deux coeurs unis. v
SCYTHON
p100
Scython estoit tantost homme, et tantost femme, selon
le besoin qu' il en avoit.
p101
v propre à tout faire, et maistre en fourberie
estoit Scython, Ovide le décrie
comme un sujet au changement enclin,
icy femelle, autre part masculin,
et l' ambigu d' une galanterie.
Sur ce qu' il fut encore l' on parie,
bref il estoit l' hoste, et l' hostellerie,
tantost valet, tantost servante, enfin.
Propre à tout faire.
Quoy qu' il en soit, par cette raillerie
que nous apprend la fable, je vous prie ?
Sinon qu' on tasche à jer au plus fin,
et que qui veut parvenir à sa fin
doit estre souple, adroit, plein d' industrie.
Propre à tout faire. v
HERMAPHRODITE
p102
la nymphe Salmacis fut tellement éprise du jeune Herma-
phrodite qui se baignoit, qu' elle se jetta entre ses bras da
la fontaine ; mais en ayant esté méprisee, elle pria les die
qu' ils ne fussent plus tous deux qu' un corps avec les deux s
conjoints, ce qui luy fut accordé.
p103
v trop fortement comme une vagabonde
court Salmacis, sans qu' à ses voeux réponde
l' ingrat qu' elle aime, helas ! Et qui la hait,
il se baignoit, pour le voir à souhait
entre ses bras elle se met dans l' onde.
S' il est moins qu' homme au froid dont il abonde,
plus qu' une femme elle severgonde,
le tient, l' embrasse, et le serre en effet.
Trop fortement.
Quoy qu' ils soient joints d' une union profonde,
pour estre heureux il faut qu' on les refonde,
et l' un n' est point de l' autre satisfait.
Trop rebuter le monde c' est mal fait,
et c' est mal fait de s' attacher au monde.
Trop fortement. v
ATAMAS FURIEUX
p104
Junon inspire une telle furie au pauvre Atamas, qu' il tuë
son fils presque entre les bras de sa mere Ino, en le prena
pour une beste farouche.
p105
v c' est nostre sang, arreste, le ciel gronde
déja sur toy, crains qu' il ne te confonde.
(ainsi parloit la femme d' Atamas,
lors qu' à son fils il donna le trépas
dans sa fureur aveugle, et vagabonde)
quelle béveuë horrible et sans seconde
qu' on ne fait point pour peu que l' on se sonde !
Nature parle, elle nous dit tout bas.
C' est nostre sang.
Sur les defauts dont le prochain abonde
la connoissance est en nous trop profonde,
mais sur le fait de nos enfans, helas !
Pour clairvoyans nous ne le sommes pas,
le plus mauvais juge qui soit au monde.
C' est nostre sang. v
INO ET MELICERTE EN DIEUX MARINS
p106
Ino desesperee de ce que son mary avoit tun de leurs en-
fans devant elle, prit l' autre qui s' appelloit Melicerte, e
précipiter avec luy dans la mer où les dieux marins par le c
mandement de Neptune les receurent en leur compagnie.
p107
v que sur la terre on souffre de malheurs !
Y trouvant plus d' épines que de fleurs
Ino du haut d' une roche deserte
pour s' en sauver avecque Melicerte
se précipite, et finit ses douleurs.
Le dieu Neptune eut pitié de ses pleurs,
elle eut chez luy des destins bien meilleurs,
et sous les flots répara mieux sa perte.
Que sur la terre.
Elle y receut tous les divins honneurs.
La mort qu' on peint de si tristes couleurs
aux malheureux est une porte ouverte,
à qui se noye est une planche offerte :
il est des biens, et des plaisirs ailleurs.
Que sur la terre. v
COMPAGNES D'INO EN ROCHERS
p108
Junon aprehendant que les compagnes d' Ino ne receussent
la mesme grace de Neptune, les changea toutes, partie en ro
chers, partie en oyseaux.
p109
v vous vous perdez d' opiniastre
à suivre Ino jusqu' à l' extremité,
d' un grand rocher dans la mer elle saute,
et vous, le long de cette mesme coste
estes rochers par vostre fermeté.
Vous, des oyseaux ayant l' agilité
l' accompagnez dans son aversité,
puis dans les airs en déplorant sa faute.
Vous vous perdez.
Beaux sentimens de generosité,
zele, tendresse, honneur, fidelité,
conter sur vous, c' est conter sans son hoste,
vertu si belle, et si noble, et si haute,
vous chercher que dans l' antiquité ?
Vous vous perdez. v
CADMUS ET HERMIONE EN SERPENS
p110
Cadmus, et Hermione, mari, et femme qui s' aimoient ten-
drement, et qui aprés avoir éprouvé plusieurs malheurs en-
semble, furent changez en serpens sur la fin de leurs jours.
p111
v c' est estre heureux quand le destin nous perd,
de conserver la fermeté qui sert
entre deux coeurs à faire au moins en sorte
que doucement sa misere on suporte,
témoin ce couple en infortune expert.
Tant qu' à tous deux le malheur s' est offert,
conjointement ils l' ont bien mieux souffert
estant liez d' une chaisne si forte.
C' est estre heureux.
De quelque horreur que leur corps soit couvert,
leur changement dans un affreux desert
à leur amour nul changement n' aporte,
ils sont serpens, il est vray, mais qu' importe ?
Ils vont ensemble, et rampent de concert.
C' est estre heureux. v
JUPITER EN PLUYE D'OR
p112
Danaé fut renfermee par son pere Acrise dans une tour
d' airain sur une peur que l' oracle luy fit du premier enfant
qu' elle auroit. Jupiter amoureux d' elle y entra en pluye d'
Persee naquit de leurs amours.
p113
v de Danaé jeune, sage, et posee
voicy la fable en deux mots exposee.
On l' enferma dans une tour d' airain,
mais Jupiter conoissoit le terrain,
luy qui pour elle avoit l' ame embrasee.
Sa deïté fonduë, ouguisee
en or liquide eut une route aisee,
et son abord troubla le front serain.
De Danaé.
Elle souffrit pourtant d' estre abusee.
Toute autre estant de si haut courtisee,
la mesme affaire ira le mesme train :
et que ne peut un amant souverain ?
Comment parer la pluye, et la rosee.
De Danaé ? v
NAISSANCE DE PEGAZE
p114
Persee ayant coupé la teste de Méduse, il naquit de son
sang un cheval aîlé qui s' appelloit Pégaze, et qui d' un cou
de pied fit jaillir cette fontaine celebre nommee hipocréne,
l' on feint que les poëtes puisent toutes les belles choses q
écrivent.
p115
v sans s' écarter de son but principal,
Persee alloit contre un monstre fatal
qui de serpens avoit la teste pleine,
et luy coupa cette teste inhumaine
de qui l' aspect produisit tant de mal.
De son sang vint un illustre animal,
qui d' Apollon cherchant le sacval
s' y transporta d' une course soudaine.
Sans s' écarter.
C' estoit Pégaze, et ce docte cheval
de la richesse ennemi capital,
qui d' Helicon fit naistre la fontaine,
tout d' une traite, et presque d' une haleine
porte souvent son homme à l' hospital.
Sans s' écarter. v
CHEVEUX DE MEDUSE EN SERPENS
p116
Meduse estoit fort belle avant son malheur ; mais s' estant
laissee aller à Neptune qui en eut ce qu' il voulut dans le
temple de Pallas, cette chaste deesse en eut tant d' horreur
changea les cheveux de duse en serpens.
p117
v tant de serpens entortillez et longs
furent jadis autant de cheveux blonds
qu' avoit Méduse. Un jour en une feste
Pallas la vid, et trouva malhonneste
qu' elle eut toûjours Neptune à ses talons.
Il la suivoit par bois, prez, et valons.
Toute indignee elle luy dit, allons,
sortez, coquette, et luy mit sur la teste.
Tant de serpens.
Semblables crins que ceux dont nous parlons
sont à la mode, et nous les contemplons
quand le beau sexe au triomphe s' appreste,
frisez, bouclez, et pour une conqueste
plus dangereux qu' aux lybiques sablons.
Tant de serpens. v
POLYDECTE EN ROCHER
p118
le roy Polydecte fut amoureux de Danaé : il envoya Per-
see à la conqueste de Méduse, dont il luy raporta la teste,
changeoit en rochers tous ceux qui la regardoient : mais ce
ce doutant que ce fut elle, la voulut voir, et il en fit l' é
pour son malheur.
p119
v il voulut voir, il eut tort Polydecte,
la verité du fait luy fut suspecte,
à n' en rien croire il s' opiniastra,
de son avis nul ne se rencontra,
on ne suit pas en tout ce qu' on respecte.
Une prudence un peu plus circonspecte
l' auroit sauvé de cette veûë infecte,
le moins ru de tous il se montra.
Il voulut voir.
On est perdu dés-là que l' on affecte
de suivre seul une voye indirecte,
duse enfin si fort le netra
que dans le rang des pierres il entra,
de roy qu' il fut il est moins qu' un insecte.
Il voulut voir. v
ATLAS EN MONTAGNE
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Atlas qui avoit refusé à Persee de le loger, est métamor-
phosé en montagne ; et parce qu' il estoit d' une grandeur,
et d' une force prodigieuse, l' on a feint qu' il portoit le ci
p121
v un homme est fort, il est grand, sous les cieux
on ne void rien de si prodigieux,
mais il affecte une humeur trop chagrine
contre un héros de celeste origine,
Persee aussi s' en ressentit des mieux.
Il prend Méduse aux crins pernicieux
que justement il met devant ses yeux,
par le secours d' une telle machine.
Un homme est fort.
Atlas devient un mont audacieux,
et pour avoir esté mal-gracieux
au sang d' un dieu, la vengeance divine
du monde entier charge sa vaste échine,
seul il soûtient le ciel, et tous les dieux.
Un homme est fort. v
ANDROMEDE
p122
Persee delivre Andromede qu' il trouve exposee à un
monstre marin, et il l' épouse.
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v d' un vilain monstre une divinité
assouvissoit l' indigne cruauté,
son défenseur empesche qu' elle meure,
et la console au moment qu' elle pleure
d' estre réduite en cette extremité.
De si beaux jours sont mis en seureté,
il sort vainqueur du combat redouté,
et sur le champ la pouïlle demeure.
D' un vilain monstre.
Persee obtient ce qu' il a merité,
de sa fortune il paroist transporté,
en pouvoit-il trouver une meilleure ?
Qu' un galant homme arive à la bonne heure,
et qu' à propos il venge une beauté.
D' un vilain monstre. v
BRANCHES DE CORAIL
p124
lors que Persee eutlivré Andromede, et tué le monstre,
il posa le chef de Méduse, qui luy servoit de bouclier, sur
de certaines herbes qui se changerent en corail par son atto
chement.
p125
v sans y penser, et ne révant à rien
qu' à mesurer le globe terrien,
Persee en l' air avec des aîles vole,
voit Andromede, en suite la console,
l' aime, la venge, et romt son dur lien.
Aprés du sang versé dieu sçait combien
un bouclier charmé comme le sien
est mis à terre inutile, et frivole.
Sans y penser.
L' impression faite par son moyen
sur le marais qui luy sert de soûtien
en vray corail durcit la branche mole,
il enrichit parce qu' il desole.
Souvent un mal est la cause d' un bien.
Sans y penser. v
PHINEE EN ROCHER
p126
Phinee à qui Andromede avoit esté promise, vient trou-
bler les noces d' elle, et de Persee qui le métamorphose en
rocher en luy presentant la teste deduse.
p127
v ou sa maistresse ingratement en use,
ou son rival se sert de quelque ruse,
et du devoir la rigoureuse loy
force Andromede à luy manquer de foy,
au moins pour elle il trouve cette excuse.
D' un faux espoir quelquefois il s' abuse,
sans cider qui des trois il accuse,
si ce n' est point ou Persee, ou le roy.
Ou sa maistresse.
Surpris de l' air dont elle le refuse,
tout en un coup sa personne confuse
se trifie, on doute avec effroy,
et l' on neait ni comment, ni pourquoy,
s' il est rocher pour avoir veu Méduse.
Ou sa maistresse. v
PROËTUS EN ROCHER
p128
Persee mena sa femme Andromede en son païs, et par la
force du chef de duse changea en rocher son oncle
Prtus qui avoit usurpé le royaume, et chassé son ayeul
Acrise.
p129
v àt abord il ne pût s' empescher
de voir en pierre et ses os, et sa chair ;
il fut méchant, et c' estoit sa maxime
que pour monter sur un trône sublime
tout est permis, il n' est rien de trop cher.
duse en main, pour le luy reprocher
vient le neveu, l' oncle a beau se cacher,
et se soustraire à l' horreur qui s' imprime.
à cét abord.
Proetus n' avoit que faire d' attacher
là ses regars, ni de s' en approcher.
On n' a qu' à voir l' heritier legitime
d' un bien qu' on s' est appliqué par son crime,
le plus hardi devient comme un rocher.
à cét abord. v
MUSES EN OYSEAUX
p130
les muses ayant esté surprises d' un orage, furent receuës
chez Pyrénee roy de la Phocide. Il en devint amoureux,
et les voulut forcer : elles se sauverent en oyseaux, et luy
rompit le cou en les poursuivant.
p131
v en les suivant on s' égare, on se perd.
Ces pauvres soeurs marchoient dans un desert,
il pleuvoit fort, et l' on ne voyoit goûte,
on les logea : ce n' est pas peu sans doute
que d' estre muse, et d' avoir le couvert.
Chez un amant brutal, et peu disert
fut leur asyle, il parle à coeur ouvert,
les veut forcer, les presse, et rien n' écoute.
En les suivant.
Les voilà donc toutes prises sans vert,
toutes aussi s' envolent de concert,
il court aprés, et périt sur leur route.
à ses pareils c' est le moins qu' il en cte,
et tel se nuit bien plus qu' il ne se sert.
En les suivant. v
PIERIDES EN PIES
p132
les neuf piérides eurent la temerité de se comparer aux
neuf muses, et furent changees en pies.
p133
v pour caqueter sans sçavoir ce qu' on dit,
cela n' est pas autrement interdit.
Ces neuf beautez n' estoient guére assoupies,
et des neuf soeurs importunes copies
d' un fauxavoir faisoient un faux débit.
Elles avoient mesme ton, mesme habit,
et leur causoient un sensible dépit,
dessus un mont comme elles acroupies.
Pour caqueter.
Tout le parnasse avec elles rompit,
de cent projets le moindre qui se fit
fut de couper la langue à ces impies,
de ces neuf soeurs les dieux firent neuf pies,
ne leur laissant que le bec qui suffit.
Pour caqueter. v
FAUSSE VICTOIRE DES GEANS
p134
les piérides ayant osé défier les muses, entreprirent de
chanter la prétenduë victoire des geans sur les dieux, et
elles dirent qu' ils avoient esté chassez du ciel, et contrai
s' enfuïr en Egypte sous diverses formes d' animaux.
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v contre les dieux la troupe estoit aigrie
du faux parnasse, aussi d' idolatrie
l' on y traita leur culte avec éclat,
et des titans le complot scelerat
fut colod' une vaine industrie.
L' on y chanta la célebre furie
de ces geans dont la race est périe,
en leur donnant la palme du combat.
Contre les dieux.
Des immortels fut la gloire flétrie,
tous fugitifs, chassez de leur patrie,
l' un en belier, l' autre en chien, l' autre en chat.
Railler les gens est un point délicat,
jugez où doit aller la raillerie.
Contre les dieux. v
PROSERPINE ENLEVEE
p136
Pluton devient amoureux de Proserpine, l' enleve, et la
ne aux enfers.
p137
v quand on est jeune, et qu' on sçait ce qu' on vaut,
l' on craint toûjours d' estre prise d' assaut,
comme le futt objetpour plaire,
à qui la fuite eut esté necessaire,
ce fut pour elle un terrible sursaut.
Pluton l' enléve, elle cria fort haut,
la nimphe pure, et sans aucun defaut
cueïlloit des fleurs, exercice ordinaire.
Quand on est jeune.
Il regagna son palais noir, et chaud
avec sa proye, il y fut en un saut :
elle pleura ses compagnes, sa mere,
et le bouquet qu' elle venoit de faire :
de toute chose on pleure, ou peu s' en faut.
Quand on est jeune. v
CYANE EN FONTAINE
p138
Cyane estoit une des compagnes de Proserpine, et elle fit
tous ses efforts pour empescher que Pluton ne l' enlevast :
ce dieu indigné la metamorphosa en une fontaine.
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v tout doucement Pluton vouloit aller
vers proserpine afin de luy parler,
elle eut recours à ses compagnes cheres,
Cyane fut une des plus contraires,
et dont ce dieu se vid le plus troubler.
Elle pensa d' injures l' acabler,
et s' emporta jusqu' à le quereller :
il faut traiter les amoureux mysteres.
Tout doucement.
Pour avoir trop voulu se signaler,
elle est fontaine, et mesme on void rouler
avec murmure encore ses eaux claires.
Quand on ne peut empescher les affaires,
le meilleur est de les laisser couler.
Tout doucement. v
MENTHE EN HERBE
p140
quoy que Proserpine eust esté enlevee par force, et qu' elle
n' aimast pas encore Pluton, elle ne laissa pas d' estre jalo
de la nimphe Menthe pour qui il avoit eu quelque tendresse,
elle la changea en cette herbe qui porte son nom.
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v en aparence aprés tous les helas
de Proserpine estant entre les bras
du dieu Pluton, cette tendre pucelle
pouvoit souffrir que quelqu' autre femelle
auprés de luy tint sa place là bas.
Et cependant cela ne luy plût pas,
Menthe à ses yeux parut pleine d' apas,
elle eut dépit qu' il aimast cette belle.
En aparence.
Elle ne pût soûtenir ce tracas,
et là dessus elle fit du fracas.
L' honneste femme est enfin toute telle,
et ne veut point qu' on partage avec elle
un bien dont mesme elle fait peu de cas.
En aparence. v
STELLION EN LEZARD
p142
Cérés fatiguee de l' inutile recherche qu' elle faisoit par t
le monde de sa fille Proserpine, demanda à boire à une
bonne femme, et comme un petit garçon se moquoit d' elle,
elle le changea en lézard luy jettant au nez le reste de son
breuvage.
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v de trop bonne heure avecque sa langueur
tous les matins le poignard dans le coeur
sortoit Cérés, par la ronde machine
cherchant toûjours sa fille Proserpine,
sa lassitude égaloit sa douleur.
Comme elle bût un jour dans la chaleur,
d' elle un enfant se moqua par malheur,
vous commencez, dit-elle un peu chagrine.
De trop bonne heure.
Et là dessus, non sans quelque rougeur,
en luy jettant un reste de liqueur,
change en lézard sa figure enfantine.
Jusques va la colere divine !
L' on neauroit chastier un moqueur.
De trop bonne heure. v
ASCALAPHE EN HIBOU
p144
Ascalaphe avoit desobligé Proserpine, en empeschant
qu' elle retournast six mois avec sa mere Cérés, par le ra-
port qu' il fit qu' elle avoit rompu son jeusne aux enfers, et
sa peine elle le métamorphosa en hibou.
p145
v à discuter, et rendre acommodable
ce differend qu' eut Cérés dans la fable
avec Pluton, Jupiter mit ses soins,
qui gasta tout ce fut un des témoins
par son rapport injuste, et veritable.
Six mois Cérés eut eu sa fille aimable,
autant Pluton son epouse adorable,
et l' on estoit d' acord sur tous les points.
à discuter.
De Proserpine un dépit raisonnable
change en hibou ce pauvre miserable
qui fuit le jour, et se cache en des coins.
Six mois de plus en enfer, ou de moins
est un article assez considerable.
à discuter. v
LES SYRENES
p146
les syrenes estoient filles de la ceinture en haut, et poiss
pour le reste : elles attiroient les passans par leurs charm
et par leur melodie pour les perdre en suite, et Ulysse qui
habile les évita prudemment.
p147
v par le plaisir seulement de mal faire
aux passagers ces belles vouloient plaire,
les attirant pour les perdre en un coin,
le sage Ulysse en fut un bon témoin,
qui fut prudent assez pour s' en defaire.
Estes-vous d' âge un peu meur ? D' ordinaire
vous vous laissez aller à vostre affaire ;
estes vous jeune ? On vous méne bien loin.
Par le plaisir.
La volupté, le jeu, la bonne chére
sont des chemins par où va le vulgaire,
du seul honneur les ros ont besoin,
mais il y faut de la peine, et du soin,
et c' est un terme où l' on n' arive guére.
Par le plaisir. v
ARETUSE EN FONTAINE
p148
le fleuve Alphee estoit amoureux de la nimphe Aretuse,
et elle fut changee en fontaine qui se mesle encore avec ce
fleuve ; ils vont ensemble sous terre.
p149
v que ne pas croire, et ne pas publier
ce que l' on sçait ne pouvant l' oublier
est difficile à la foiblesse humaine !
Alphee est fleuve, Aretuse est fontaine,
et l' un à l' autre on les void se lier.
Leur procedé paroist irregulier,
quand on ne peut la chose palier,
ne dire mot fait beaucoup moins de peine.
Que ne pas croire.
Parmi leurs eaux qu' on void se rallier
ils ont ensemble un air trop familier,
l' affaire entr' eux est réglee, et certaine,
aprés avoir couru la pretantaine
ils vont sous terre en leur particulier.
Que ne pas croire ? v
LYNCUS EN LOUP CERVIER
p150
Triptolesme à qui sa mere Cérés donna son char
pour aller établir l' agriculture dans le monde, passa en Sc
thie, où le roy Lyncus l' ayant voulu assassiner dans son li
changé en un loup cervier.
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v par tout le monde avec un soin extrême
Cérés avoit envoyé Triptolême
pour établir, et pour mettre en crédit
l' agriculture, et Lyncus prétendit
l' assassiner jusques dans son lit même.
Il ne veut point qu' on laboure, et qu' on séme,
mais nonobstant sa dignité suprême,
un si commode usage s' étendit.
Par tout le monde.
Avec ce lasche, et ce noir stratagême
il profana l' honneur du diadême,
des gens de bien son regne fut maudit.
C' est un grand mal qu' un roy soit contredit,
aussi faut-il qu' on le craigne, et qu' on l' aime.
Par tout le monde. v
ARACHNE EN ARAIGNEE
p152
Arachné ose défier Minerve sur ses ouvrages : cette
déesse luy rompt son mestier, l' autre se pend de dépit, et
est changee en araignee. Cette fable en contient d' autres pe
qui suivent, et qui estoient representees dans les tapisseri
Minerve, et d' Arachné.
p153
v pour unfi de mortelle à deesse
contre le ciel la terre s' interesse :
de toutes deux l' ouvrage est rare, et fin,
chaque chef-d' oeuvre est bien tost à sa fin
regne l' art, et lalicatesse.
Pallas qu' au vif la concurrence blesse
rompt le mestier de l' autre avec rudesse
de qui l' affaire estoit en bon chemin.
Pour unfi.
Elle se pend dupit qui la presse,
et sous la forme, et l' indigne bassesse
d' une araignee où tombe son destin,
travaille encore avecque du venin.
Parmi les dieux est-il tant de foiblesse.
Pour unfi ?
EMUS ET RODOPE EN MONTAGNES
p154
Emus et Rodope roy et reine de Trace se firent adorer
par leur peuple sous les noms de Jupiter et de Junon : ces
mesmes dieux les changerent en montagnes, pour les punir de
leur orgueïl, et de leur impieté.
p155
v à tous les rois il ne feroit pas bon
d' oser jamais le prendre sur ce ton.
Dans son orgueïl Rodope sans égale
poussa trop loin la dignité royale,
son fier epoux eut le mesme renom.
De Jupiter il usurpa le nom,
elle voulut qu' on l' apellast Junon,
à tous les dieux quel affront ! Quel scandale.
à tous les rois !
Aussi tous deux indignes de pardon
furent changez en monts qui, ce dit-on,
vont dans la nuë, et c' est là que s' étale
leur vanité criminelle, et fatale,
n' estant si hauts que pour faire un sermon.
à tous les rois. v
DISPUTE DE NEPTUNE ET DE MINERVE
p156
cela se passa en presence des dieux qui voulurent que Mi-
nerve eut la preference sur Neptune à qui donneroit le
nom à la ville d' Athenes.
p157
v l' honneur du nom de la célebre Athenes
parmi ces dieux semoit de grandes haines,
c' estoit à qui l' imposeroit des deux,
et presqu' aux mains ils en vinrent entr' eux,
luy des plus fiers, elle des plus hautaines.
L' on en craignit les suites incertaines ;
gens au dessus des foiblesses humaines
sur peu de chose estoient bien pointilleux.
L' honneur du nom.
Le ciel calma ces tempestes soudaines,
du dieu des flots les brigues estant vaines,
Minerve fut au comble de ses voeux,
et c' est depuis cemeslé fameux
que les parains déferent aux maraines.
L' honneur du nom. v
PYGAS EN GR
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Pygas estoit reine des pygmees : Junon piquee de son
orgueïl la changea en gruë qui fait la guerre à ses sujets.
p159
v cela n' est plus comme autrefois en veuë
ces factions de populace émuë
de Pygas le regne fut plongé,
son corps en gruë ayant esté changé
par ses sujets plumee, et combatuë.
Nous avons veû la puissance absol
diminuee, en nos jours abatuë,
mais au devoir on s' est bien tost rangé.
Cela n' est plus.
Cette révolte est enfin dispar
qui tenoit teste à chaque coin de ruë,
le petit peuple estoit pis qu' enragé,
et le pouvoir legitime abregé,
c' estoit du temps que le monde estoit gruë.
Cela n' est plus. v
ANTIGONE EN CICOGNE
p160
Antigone fut assez présomptueuse pour oser se compa-
rer à Junon qui la changea en cicogne.
p161
v de la cicogne on dit, et l' on raconte
que simple fille elle n' eut point de honte,
estant du sang du roy Laomedon,
de se vouloir égaler à Junon,
mais la vengeance en fut amere, et promte.
Depuis qu' au rang des oiseaux on la conte
sur le plus haut des palais elle monte,
à ce grand vol que ne présume-t-on.
De la cicogne ?
Tremblez, mortels, dont l' orgueïl se conte,
et qui du ciel tenant si peu de conte
faites les dieux, et parlez de leur ton,
conduisez-vous sur un autre patron,
et n' allez pas traiter cecy d' un conte.
De la cicogne. v
CYNIRAS
p162
Cyniras roy d' Assyrie pleuroit sur les degrez du tem-
ple, parce que ses enfans impies, et qui vouloient em-
pescher les gens d' y entrer pour adorer les dieux, avoient e
transformez en ces mesmes degrez.
p163
v le ciel est juste, et toûjours sagement
il assortit le crime au châtiment.
Un pere, un roy sent de rudes atteintes,
sur les degrez du temple il fait ses plaintes,
à ces degrez attaché tendrement.
C' estoit son sang, ses enfans proprement
que ces degrez, bizarre changement
sont des dieux les coleres empraintes.
Le ciel est juste.
Pour tant d' orgueïl, ah quel abaissement !
Ces jeunes gens parlent insolemment,
n' ont pour les dieux de respects, ni de craintes,
foulent aux pieds les choses les plus saintes,
sur eux aussi l' on marche impunément.
Le ciel est juste. v
ASTERIE EN CAILLE
p164
Asterie parut si belle aux yeux de Jupiter, qu' il fit vne
double metamorphose, car il se changea en aigle pour la
ravir, et il la transforma en caille pour l' enlever plus ais
p165
v comment tenir, encore qu' il le faille ?
L' honnesteté veut qu' on livre bataille,
un souverain, et de la passion,
contre cela qu' elle protection ?
Quel bouclier ? Quelle jacque-de-maille ?
De s' en aller, où voulez-vous qu' on aille ?
Un aigle helas, fondre sur une caille !
D' elle avec luy quelle proportion ?
Comment tenir ?
Il est le maistre, enfin il rogne, il taille,
à s' en tirer la belle en vain travaille,
ne laissant pas selon l' occasion
de se munir de bonne intention,
et se défend toûjours vaille que vaille.
Comment tenir ? v
JUPITER EN CIGNE
p166
Leda estoit femme de Tindare, et fut aimee de Jupiter qui
se transforma en cigne pour elle : elle accoucha de deux
oeufs, de l' un desquels vinrent Pollux, et Helene, et de l
Castor, et Clytemnestre ; les uns firent des actions immor
comme leur pere Jupiter, et les autres furent de Tindare.
p167
v préciment dedans les simples noeus
de son devoir au comble de ses voeux
se crût Léda jeune, charmante, et belle,
à son epoux elle eut esté fidelle,
mais Jupiter en estoit amoureux.
Il vint en cigne, et fut un cigne heureux,
de leurs baisers tendres, et savoureux
eclore on vid la couvee immortelle.
Précisément.
Par ses jumeaux elle en satisfit deux,
et mit l' epoux, et l' amant bien entr' eux.
N' en est-il pas d' autres qui font comme elle ?
C' est ce qu' au pied de la lettre on appelle
gouster la vie, et pondre sur ses oeufs.
Précisément. v
JUPITER EN SATRE
p168
Antiope fut aimee de Jupiter, qui se transforma en satire
pour elle.
p169
v le plus puissant des dieux n' avançoit rien
par son merite, et par son entretien
prés d' Antiope, et la nimphe, à vray dire,
pleine d' orgueïl des mains de ce beau sire
eut refusé le globe terrien.
Son foudre fit du bruit dieu sçait combien
pour ébranler cette femme de bien,
et luy prouver qu' il possedoit l' empire.
Le plus puissant.
Malgré l' éclat d' un rang comme le sien
il fut traité de simple citoyen :
que faire donc afin de la réduire ?
Il s' avisa de venir en satire,
pour estre heureux ce fut là le moyen.
Le plus puissant. v
JUPITER SOUS FORME D'AMPHYTRION
p170
Jupiter amoureux d' Alcmene femme d' Amphytrion, la trou-
va si honneste femme, que ne pouvant la gagner, ce dieu
fut contraint de prendre la forme de son mari pour luy plair
et il en eut Hercule.
p171
v que l' on puisse estre un epoux bien content,
j' en doute, lors qu' on en veut sçavoir tant.
Amphytrion aimoit comme son ame
sa chere Alcmene, et cette bonne dame
tenoit à luy d' un coeur ferme et constant.
Mais Jupiter en vint à bout pourtant,
d' Amphytrion sous la forme s' entend,
il fut aussi satisfait de sa flame.
Que l' on puisse estre.
L' amour du dieu n' estant pas éclatant
le bon ménage alloit en augmentant,
sans qu' elle eut part à la secrette trame,
la femme fut toûjours honneste femme,
et le mari fut cocu tout autant.
Que l' on puisse estre. v
JUPITER TRANSFORME EN FEU
p172
Jupiter amoureux de la nimphe Egine se transforme en
feu, et l' enleve.
p173
v maistre de tout Jupiter vient brillant,
et comme un feu paroist étincelant,
long-tems Egine est sourde à sa requeste,
elle craint plus l' amour que la tempeste,
sage en effet sans en faire semblant.
Quoy que ce dieu soit brusque, et violent,
il prit un tour respectueux, et lent,
et ne fut pas si tost dans sa conqueste.
Maistre de tout.
Mais à la fin le devoir nonchalant
tombe, ou du moins il est fort chancelant :
quand une fois on s' est mis dans la teste
de vouloir estre une personne honneste,
c' est grand' pitié que d' avoir un galant.
Maistre de tout. v
JUPITER EN SERPENT
p174
Jupiter amoureux de la nimphe Deolis se transforma en
serpent pour elle.
p175
v c' est un coup seur qu' avec un diadême
tout plaist, tout charme, et la grandeur suprême
pare les gens dans le trône établis,
il est pourtant certains rois acomplis
qu' on void briller par leur personne mesme.
Jupiter tonne, et par le bruit qu' il séme
de sa puissance, et de sa force extréme
jusqu' en amour tous ses voeux sont remplis.
C' est un coup seur.
Il est bien fait, ô l' heureux stratagême !
Et quand il veut soûpire, a le teint blême,
tel qu' un serpent qui glisse à longs replis
il s' insinuë au coeur de Deolis :
estre rampant devant ce que l' on aime.
C' est un coup seur. v
APOLLON EN BERGER
p176
Apollon épris des beautez de la jeune nimphe Issé, l' a-
busa sous la forme d' un jeune berger.
p177
v quelle merveille est la beauté naissante !
Issé parut à Phébus ravissante,
depuis la chaste et farouche Daphné
il n' avoit point esté mieux enchaisné,
mais celle-cy devint plus caressante.
Du ciel pour elle il fit une descente,
sa deïté fut trop embarassante,
il en quitta son char illuminé.
Quelle merveille.
Elle estoit douce, elle estoit innocente,
et ne crût pas faire chose indécente
d' aimer quelqu' un à luy plaire adonné,
il estoit beau, tendre, passionné,
l' ardeur entr' eux fut égale et pressante.
Quelle merveille. v
SATURNE EN CHEVAL
p178
Saturne devint amoureux de Philire, et il se transforma
en cheval pour elle ; il en eut le centaure Chiron.
p179
v au siécle d' or le vieux Saturne un jour
se fit cheval : en matiére d' amour
par tout païs, à Paris, comme à Rome
tout animal est meilleur qu' un vieil homme,
à sa maistresse il plût sous cét atour.
Entre tous ceux qui brilloient à l' entour
de cette nimphe aimable, et faite au tour,
ce fut à luy qu' elle donna la pomme.
Au siécle d' or.
Ce goust bizarre est-il pas de retour ?
Un franc cheval est souvent à la cour
ce qu' un galant fort solide l' on nomme,
dont il revient une notable somme,
de la misere on va par ce détour.
Au siécle d' or. v
NEPTUNE EN DAUFIN
p180
Melante estoit une jeune nimphe qui aimoit les dau-
fins : Neptune amoureux d' elle se transforma en daufin
pour luy plaire, et il l' enleva dans une isle.
p181
v à quatorze ans Melante estoit heureuse,
rioit, dançoit, et sans estre peureuse
cueïlloit des fleurs, alloit se promener,
Neptune eut bien voulu la détourner,
et satisfaire à sa flame amoureuse.
Pour les daufins estant douce et flateuse,
luy d' un daufin prit la forme trompeuse,
facilement on se laisse mener.
à quatorze ans.
Elle trouva sa croupe merveilleuse,
et d' y monter ne fut point scrupuleuse :
elle eut voulu pourtant s' en retourner,
ce qu' elle en fit estoit pour badiner,
et badiner est chose dangereuse.
à quatorze ans. v
BACHUS EN GRAPE DE RAISIN
p182
Bachus amoureux de la nimphe Erigone se changea en
une grape de raisin, parce qu' elle aimoit les raisins.
p183
v c' est peu de chose, il est vray, mais enfin
rien ne sied mieux que l' orgueïl feminin.
à bon marché Bachus eut la victoire
sur Erigone, et ce dieu qui fait boire
sçeut ralier l' amour avec le vin.
Il plût en grape à cét objet divin,
jusqu' à son coeur il fut par ce chemin,
pour la tenter d' agir contre sa gloire.
C' est peu de chose.
Nouveau sans doute, et bizarre destin !
Que son honneur échouë à du raisin,
elle estant fiére, et s' en faisant accroire.
Icy la fable a quelque air de l' histoire,
un empereur s' étrangla d' un pepin.
C' est peu de chose. v
NEPTUNE EN CHEVAL
p184
Neptune amoureux de la deesse Cérés fut bien avec elle
s' estant transformé en cheval.
p185
v quand on descend jusques là, quelle chûte !
ô que Cérés devint terrestre, et brute !
Pour un cheval elle eut le sens troublé,
et songea plus à l' avoine qu' au blé,
sa turpitude à son orgueïl s' impute.
Par où, bons dieux, est pris de haute lute
un coeur si fier qui se rend sans dispute ?
Malaisément va-t-on d' un pas réglé.
Quand on descend.
Lors qu' à ce point l' amour nous persecute,
cette grandeur où tout le monde butte
semble un fardeau dont on est accablé,
du seul plaisir on veut estre comblé,
et quelquefois on fait la culebutte.
Quand on descend. v
JUPITER EN PASTEUR
p186
Mnemosyne fut aimee de Jupiter qui en eut les neuf
muses, luy ayant apparu sous la forme d' un pasteur.
p187
v sur le Parnasse elle seule parlant
comme un pasteur Jupiter en allant
vid Mnemosyne, et luy fit ses excuses,
elle parut estre des plus confuses
sous un habit de fleurs simple, et galant.
Beaucoup de bien n' estoit pas son talent,
mais elle avoit un esprit excellent,
et possedoit les sciences infuses.
Sur le Parnasse.
Il eut pour elle un amour violent,
elle fut chaste, et luy fut insolent,
car il en vint à bout par mille ruses,
et d' elle il eut les neuf sçavantes muses,
qui ne sont pas dans un air opulent.
Sur le Parnasse. v
NEPTUNE SOUS FORME FLEUVE ENIPE
p188
Iphimedie estoit femme du geant Aloëus : Neptune
amoureux d' elle en eut les Aloïdes, s' estant mis sous la fo
du fleuve Enipe.
p189
v sans le sçavoir on tombe d' ordinaire
en des rils que l' on n' évite guére.
Bien que d' un dieu Neptune eut les attraits,
du fleuve Enipe il emprunta les traits
à sa maistresse ayant dessein de plaire.
Elle en aimoit les bords, et l' onde claire,
dessus ces bords le hasard fit l' affaire,
d' autres on dit qu' elle y vint tout exprés.
Sans le sçavoir.
Quoy qu' il en soit, elle fut toûjours chere
à son mari qui passa pour le pere
de deux enfans, et le fut à peu prés,
il en paya la façon, et les frais
comme l' on void beaucoup de monde faire.
Sans le sçavoir. v
NEPTUNE EN MOUTON
p190
Neptune se transforma en mouton, pour tascher d' adou-
cir la nimphe Bisaltis un peu trop fiere.
p191
v comme un mouton neptune dans la plaine
alloit bellant aprés une inhumaine,
sous cette forme il fit tout ce qu' il pût,
afin de plaire, et fit si bien qu' il plût
à Bisaltis nimphe orgueïlleuse, et vaine.
En quelque lieu qu' elle aille, elle le méne,
toûjours pour luy sa main d' herbe estoit pleine,
doux, et flateur il parvint à son but.
Comme un mouton.
De là ce dieu vint en figure humaine,
il acheva de la vaincre sans peine,
la belle, helas ! Fit tout ce qu' il voulut,
ne conserva rien de tout ce qu' elle eut,
et se laissa par luy tondre la laine.
Comme un mouton. v
NEPTUNE EN VEAU
p192
Neptune amoureux d' une des filles d' Eole se tamor-
phosa en veau pour l' attraper.
p193
v d' un jeune veau qu' on mene au marché vendre
Neptune prit la forme douce et tendre ;
une beauté, non pas sans en rougir,
à le voir paistre, et l' entendre mugir,
vint à l' aimer, et ne pût s' en defendre.
D' âge ce semble à ne rien entreprendre
on le voyoit auprés d' elle s' étendre
avec un air, et des façons d' agir.
D' un jeune veau.
Elle emportee, et lasse de l' attendre,
à son cou blanc ne cesse de se pendre,
déja son dos commence à s' élargir,
au port d' Europe elle voudroit surgir.
N' en voit-on pas d' autres qu' elle se prendre.
D' un jeune veau ? v
NIOBE EN ROCHER
p194
la reine Niobe eut sept fils, et sept filles ; et se glorif
de sa posterité, tous ses enfans furent tuez par Apollon, e
par Diane, et elle changee en rocher.
p195
v avec les dieux il ne faut pas tirer
au court baston, de peur de s' égarer,
ainsi que fit cette reine orgueïlleuse :
elle eut d' enfans une suite nombreuse
dont la beauté se faisoit admirer.
Que de malheurs on luy vid s' attirer,
le disputant, sans rien considerer,
et pour la gloire, et pour la vie heureuse.
Avec les dieux.
Elle vid donc ses enfans expirer,
et la douleur à tel point la serrer,
qu' elle en devint une roche fameuse.
à dire vray, c' est chose dangereuse,
et mesme aux rois, d' oser se mesurer.
Avec les dieux. v
AMPHION
p196
Amphion mari de Niobe, et grand musicien, bastit les
murs de Thebes au son de sa voix, et de son lut, et sans
l' aide des massons, ni des architectes.
p197
v le beau secret pour élever le corps
d' un grand logis ! Tels ouvriers sont morts,
il n' en est plus, à leur douce harmonie
les gros moëlons venoient de compagnie,
et s' arrangeoient comme par des ressorts.
à peu de frais, et sans aucuns efforts
pareilles gens édifioient alors
la seule voix au lut estant unie.
Le beau secret !
Ah ! Pour bastir, si les charmans acords,
si les bons vers tenoient lieu de tresors,
que de palais de splendeur infinie !
Nos Amphions sont en chambre garnie,
s' ils n' y sont pas, c' est qu' ils couchent dehors.
Le beau secret ! v
PAYSANS EN GRENOUÏLLES
p198
Latone fuyant la colere de Junon arive en Lycie : quel-
ques paysans qui nettoyoient un étang ne voulurent pas per-
mettre qu' elle en approchast pour se rafraischir, et cette d
indignee les changea en grenouïlles.
p199
v les plus petits obstacles d' ordinaire
ne laissent pas pourtant de nous déplaire.
Prés d' un etang lasse, et presque aux abois
Latone vint, et quelques vilageois
troublerent l' eau, ne luy pouvant pis faire.
Mais chacun d' eux par un coup exemplaire
devint grenouïlle, et ce fut leur salaire,
ces malheureux avoient eu des emplois.
Les plus petits.
C' est bien souvent pour le simple vulgaire
que vous voyez qu' il tonne, et qu' il éclaire,
le ciel en veut au peuple, comme aux rois,
et s' il punit les plus grands quelquefois,
n' exemte pas des traits de sa colere.
Les plus petits. v
MARSIAS ECORCHE
p200
le satire Marsias pour avoir osé défier Apollon à qui jouë
roit le mieux de la fluste, fut écorché. Les nymphes le pleu
rerent tant, que de leurs larmes il se fit un fleuve de son
p201
v d' estre écorché tout vif, ah quel martire !
Infortuné celuy qui se l' attire :
ne faut-il pas estre un fou bien complet
pour défier avec son flageolet
Apollon mesme, et n' estre qu' un satire ?
Plus d' vne fois il voulut s' endire,
il n' est pas beau, quoy qu' on en puisse dire,
d' estre vaincu, non, mais il est fort laid.
D' estre écorché.
Luy pouvoit-il ariver rien de pire ?
Un ecolier qui commence d' écrire,
et dont l' orgueïl veut prester le colet
à ceux qui sont triez sur le volet
meriteroit par ceux qui sçavent lire.
D' estre écorché. v
TANTALE
p202
Tantale voulut faire manger son fils Pelops aux dieux,
et pour sa punition il fut précipité aux enfers où il meurt
de faim et de soif, quoy qu' il ait toûjours de quoy manger,
de quoy boire.
p203
v sans qu' il y touche un festin abhorré
est par Tantale en pompe préparé
pour tous les dieux, ce malheureux les tente
en leur servant sur sa table éclatante
son filslops qu' il avoit massacré.
De ce repas on luy sçeut mauvais gré,
il est puni de son crime averé,
et dans l' enfer des mets on luy presente.
Sans qu' il y touche.
Un homme impie, un coeur dénaturé
par ses remords est toûjours déchiré,
bien qu' il étale une joye apparente,
et c' est en vain qu' il nous flate, et nous vante
mille plaisirs dont il est entouré.
Sans qu' il y touche. v
PELOPS
p204
Tantale ayant tué son fils Pélops pour le faire servir
de viande aux dieux qu' il traittoit, ils ramasserent ses
membres afin de luy rendre la vie, et les ayant tous retrouv
à la reserve d' une épaule, ils luy en firent une d' yvoire.
p205
v tout se retrouve aubris odieux
que fait d' un fils un pere furieux,
les dieux en font une recherche promte,
et la machine aussi-tost se remonte ;
jusques où va la puissance des dieux !
On ne voit rien de plus industrieux,
bras, jambes, teste, oreilles, mains, nez, yeux,
hormis l' épaule, à ce que l' on raconte.
Tout se retrouve.
Une d' yvoire est construite des mieux,
Pélops retourne à la clarté des cieux,
Tantale expire, et d' horreur, et de honte.
Gens de là haut sont des gens de bon conte,
quoy que ce soit ne se perd avec eux.
Tout se retrouve. v
PHILOMELE EN ROSSIGNOL
p206
Teree amoureux de sa belle-soeur Philomele la viole, et
luy coupe la langue. Progsa soeur et femme de Teree
luy donne son propre fils à manger pour se venger, et ils so
tous changez en oyseaux.
p207
v quel desespoir eut cette creature,
quand son beau-frere ardent de flame impure,
la vint forcer, la langue luy coupa !
Il eut un fils pour qui ce cher papa
sentit l' amour que donne la nature.
Bien à loisir elle prit la mesure
de sa vengeance avecque son injure,
le malheureux de son enfant soupa.
Quel desespoir !
Les dieux touchez du tourment qu' elle endure
en rossignol changerent sa figure,
son petit bec à chanter s' ocupa,
et Philomele en belle voix pipa,
ayant toûjours au coeur son aventure.
Quel desespoir ! v
MINOS EAQUE ET RADAMANTE
p208
Minos, Eaque, et Radamante avoient tellement aimé la
justice, et l' avoient si bien renduë à leurs peuples, qu' a-
prés leur mort on feignit qu' ils avoient esté établis juges
enfers.
p209
v dans les enfers tous trois sont employez,
gens fort exacts, etmesme envoyez
en qualité de sages politiques,
de juges droits, durs, secs, melancoliques,
et que jamais l' interest n' a ployez.
à leur aspect les méchans effrayez
de leurs forfaits sont rudement payez,
et rien n' échape à ces pasles critiques.
Dans les enfers.
Tous trois avoient leurs estats nettoyez,
et de chez eux les vices foudroyez,
la fable en fait des modelles antiques.
seront donc les magistrats iniques,
puisque les bons sont comme vous voyez.
Dans les enfers ? v
LES DANDES
p210
cinquante fils du roy Egyptus épousent autant de fil-
les du roy Danaüs ; celuy-cy que l' oracle avoit menacé
d' estre mis à mort par un de ses gendres, persuade à ses fil
se faire de leurs maris la premiere nuit de leurs noces :
obeïrent à la reserve d' Hypermnestre qui épargna le sien, e
fut luy qui tua Danaüs, et verifia l' oracle. Les poëtes ont
que ces femmes là estoient aux enfers à ne faire autre chose
tascher vainement de remplir des tonneaux percez pour leur p
nition.
p211
v tant de maris laids, fascheux, et grondans
ne laissent pas de vivre beaucoup d' ans,
ceux-cy bien faits, de moeurs douces, et bonnes
sont égorgez par ces fiéres lionnes,
comme ils estoient à leurs noces ardens.
En une nuit de pareils accidens
coupent chemin à bien des descendans :
les attaquer en leurs propres personnes.
Tant de maris !
Aussi les dieux qui justes, et prudens
firent l' enfer, eux-mesmes là dedans
ont condamné ces terribles friponnes
à ne pouvoir jamais remplir leurs tonnes,
pour les avoir ainsi mis sur les dents.
Tant de maris ! v
ORYTHIE
p212
le vent Boree amoureux de la nimphe Orythie l' enleve.
p213
v tout est perdu, s' en est fait, et j' expire
(disoit Boree en qui l' amour inspire
pour Orythie un feu grand, et discret)
il soupira quelque tems en secret,
quoy qu' en secret rarement il spire.
Mais il l' enleve, et finit son martire,
de son costé ne pouvant s' en dédire
la belle aussi s' écrie, ah s' en est fait !
Tout est perdu.
Il la mena jusques dans son empire,
le voyant d' un tel éclat reluire
sa vanité fit cesser son regret,
et se rendit à ce frivole attrait.
Lors que le vent nous emporte, à vray dire.
Tout est perdu. v
LES HARPIES
p214
Phinee roy de Phénicie, pour avoir offensé les dieux,
perdit la veûë, et fut puni d' une perpetuelle faim, parce
que les Harpies luy ostoient les morceaux devant qu' il pût
mettre dans sa bouche.
p215
v autour d' un prince autrefois des meilleurs
de ces oiseaux avides, et voleurs
venoit la troupe à ses mets acharnee,
jamais le triste, et l' aveugle Phinee
n' eut sur les bras de tels persecuteurs.
Ils écartoient tous ses bons serviteurs,
rien n' échapoit à ces dévorateurs,
vaine contr' eux fut la garde ordonnee.
Autour d' un prince.
De son repos ces noirs persecuteurs
furent autant de lasches corrupteurs
qui gastoient tout d' une infecte halenee,
toute sa gloire en fut empoisonnee.
Ne voilà pas l' image des flateurs.
Autour d' un prince ? v
LA TOISON D'OR
p216
Jason fut à la conqueste de la toison d' or qu' il remporta
par sa valeur, et assisté du secours dedée amoureuse de
luy, et grande magicienne.
p217
v parmi la gloire, et dans l' activité,
de son devoir Jason s' est acquité,
la toison d' or fit toute son étude,
ce fut aussi par un si beau prélude
qu' il alla droit à l' immortalité.
Un prix si grand, si noble, et tant vanté
ne luy fut pas foiblement disputé.
Que de combats ! Tout estnible, et rude.
Parmi la gloire.
dée estoit une jeune beauté
qui le servit avec fidelité,
il n' est danger que par elle il n' élude,
avec la belle il eut quelque habitude.
Un peu d' amour n' a jamais rien gasté.
Parmi la gloire. v
L'ECUME DE CERBERE EN ACONIT
p218
quand Hercule tira Cerbere des enfers, l' herbe que son
écume toucha fut changee en aconit, et ce fut de ce poi-
son-là quedee se servit pour se venger de Jason en la p
sonne de Thésee son intime ami, mais il ne luy reüssit pas.
p219
v pour se venger du perfide Jason,
et reparer l' honneur de sa maison,
dee y fit tout ce qui s' y peût faire,
sur un ami qu' il aimoit comme un frere
ayant voulu mesme en tirer raison.
Et quoy qu' elle eut des venins à foison,
elle essaya de l' herbe et du gazon
qu' avoit touché l' écume de Cerbere.
Pour se venger.
Un tel moyen n' estant pas de saison
fit avorter toute la trahison.
En ce tems-cy la malice ordinaire
est plus adroite, et meilleure sorciére,
de toute chose elle fait du poison.
Pour se venger. v
LES TROIS PARQUES
p220
les Parques président à nostre vie, et la filent : l' une ti
fil, l' autre tourne le fuseau, et l' autre coupe. Elles s' ape
Cloton, Lachesis, et Atropos.
p221
v bien tristement les Parques vont toûjours
le mesme train, sans prendre de détours,
sur nos destins leur conduite secrete
jusques au bout nous méne d' une traite,
et dans leurs mains est le fil de nos jours.
Comme il leur plaist tantost longs, tantost courts,
ces trois objets austeres, durs, et sourds
à nos dépens filent leur quenouïllette.
Bien tristement.
L' une au fuseau fait faire tous ses tours,
l' autre dévide, et n' a pas les doigts lourds,
mais la derniére est une maladroite,
qui coupe avant que la trame soit faite,
malgré les jeux, les ris, et les amours.
Bien tristement. v
ESON RAJEUNI
p222
Eson estoit fort vieux, et pere de Jason : à sa priere Mé
le rajeunit par la force de son art.
p223
v pour rajeunir un vieux sexagénaire
en bonne foy Médee eut fort à faire :
son fils Jason le vid déchiqueté,
haché menu comme chair à pasté,
et mis bouïllir dedans une chaudiére.
Tout beau, dit-il, madame la sorciére,
vous hazardez la santé de mon pere,
est-il besoin qu' il soit ainsi traité.
Pour rajeunir ?
Le voilà donc dans sa fleur printaniére,
beau, de bon air, d' agreable maniére,
et revenu de son antiquité :
par bien du monde il seroit imité,
mais cette épreuve est un peu singuliére.
Pour rajeunir. v
FILLES DE PELIAS
p224
les filles de Pélias tuerent leur pere par le moyen de Méd
en pensant le rajeunir.
p225
v l' entestement cette espece de rage
à des enfans inspire un bel ouvrage,
un pere vieux leur fait compassion,
on le massacre à bonne intention,
pour son profit plus que pour son dommage.
Au court-bouïllon fut mis le personnage
que l' on vouloit remettre en son bel age,
jusques où va la folle opinion.
L' entestement !
Tout ce qu' on fit par ce beau tripotage,
on l' empescha de vieillir davantage,
et ce fut là toute l' invention.
Voilà des fruits de la prévention,
en toute chose on l' évite estant sage.
L' entestement. v
NOURICES DE BACHUS RAJEUNIES
p226
les nimphes qui avoient nouri Bachus estant fort vieilles,
le prierent de les rajeunir, ce qu' il fit par le secours de
p227
v de tout leur coeur ces vieilles de bon sens
prioient Bachus en des termes pressans
de leur donner pour prix de leurs services
les yeux brillans, le teint frais des novices,
et les remettre en leurs jours florissans.
Parce dieu des plus reconnoissans
ayant payé leur lait, et leur encens,
sur nouveaux frais elles furent nourices.
De tout leur coeur.
Que l' on en void par des remords puissans
plaindre l' abus de leurs charmes absens,
et renoncer quoy que tard aux délices,
pour embrasser la haire, et les cilices
qui voudroient bien revenir à quinze ans.
De tout leur coeur. v
LA CHIMERE
p228
la chimere estoit une beste si monstrueuse qu' elle sembloit
avoir esté plûtost formee par la fantaisie, que produite par
la nature. Bellerophon monta sur Pégaze pour la combattre,
en triompha ; et c' est pour cette raison que ce cheval qui a
des aîles fut mis entre les signes.
p229
v au temps qui court il ne s' en void plus guéres
de ces héros, de ces gens peu vulgaires,
tels que celuy par qui fut mise à bas
la beste énorme, et qui fit cent dégats,
source de tant d' estres imaginaires.
Monstre fameux chez les visionnaires,
Bellerophon auroit quelques affaires,
et trouveroit matiére à des combats.
Au temps qui court.
Mais on n' a plus les armes necessaires,
et pour voler sur les deux hémispres
chevaux aîlez ne se rencontrent pas
à point nommé comme chevaux de pas,
en récompense il est bien des chimeres.
Au temps qui court. v
FILS DE NIMPHE HYRIE EN CIGNE
p230
Phillius aimoit tendrement le fils de la nimphe Hyrie,
il aprivoisoit des animaux pour luy, et luy faisoit mille Pr
sens, mais il n' en estoit pas mieux auprés de luy ; de sorte
luy refusa en colere un taureau blanc qu' il luy demandoit :
quoy ce jeune garçon indigné, tu souhaitteras, dit-il, de me
l' avoir don, et à mesme tems il se précipita, et fut chang
en cigne : sa mere le pleura tant, que de ses larmes elle fi
lac de son nom.
p231
v ce dédaigneux en avoit mal usé,
un ami tendre ayant aprivoisé
des animaux qu' il avoit pris au piége
l' en régala, sans que du privilége
d' un seul regard il fut favorisé.
Tout à la fois le don futpri,
et le donneur qui s' estoit épuisé,
aimant beaucoup, trop peut-estre, que sçay-je.
Ce daigneux.
Comme le coeur de l' homme est disposé !
Qui l' auroit crû ? Luy s' estant ravisé
voit un taureau plus blanc que de la nége,
donnez-le moy, dit-il, aussi feray-je,
il refusoit, le voilà refusé.
Ce daigneux. v
CERAMBE EN OISEAU
p232
Cerambe estoit au gré de quantité de nimphes qui le
changerent en oyseau, pour le sauver du luge.
p233
v un innocent qui s' estoit fait aimer
à quantité de nimphes de la mer
tout au plus haut d' un mont languit, et pleure
n' attendant pas de fortune meilleure
que de se voir au déluge abismer.
Quand il se sent en oiseau transformer
par ces beautez qu' il avoit sçeu charmer,
et leur secours empesche qu' il ne meure.
Un innocent.
Cerambe alors heureux se pût nommer.
Un mesme soin n' a garde d' animer
en pareil cas les nimphes d' à cette heure,
tant de vertu n' y fait pas sa demeure,
et leur adresse est de sçavoir plumer.
Un innocent. v
COMBE EN OISEAU
p234
Combe fut mere de quantité d' enfans qui la voulurent
tuer, et pour s' en échaper elle fut changee en oiseau.
p235
v qui n' en a point s' en voudroit voir combler,
c' est des enfans dequoy j' entens parler ;
Combe en eut tant qu' elle n' en sçeut que faire,
et cette triste et trop féconde mere
de ce fardeau se sentit acabler.
Tous à la fois la venoient quereller,
tous à la fois la vouloient étrangler,
des ennemis violence ordinaire.
Qui n' en a point ?
Au dos luy vint desles pour voler,
elle évita par les roûtes de l' air
de ses enfans la rage sanguinaire.
à peu de gens tel meuble est necessaire,
et cét exemple est bon pour consoler.
Qui n' en a point. v
UN VEAU CHANGE EN CERF
p236
Bachus metamorphose en cerf un veau que son fils
avoit dérobé.
p237
v c' est comme un pere excuse avec chaleur,
et fait passer pour un simple malheur
ce qu' à son sang on impute de crime.
Bachus avoit un fils illegitime
qui des larrons de son tems fut la fleur.
Ce dieu dans l' ame en eut de la douleur,
et toutefois devint son receleur,
de quelque terme en cela qu' il s' exprime.
C' est comme un pere.
D' un veau, larcin de petite valeur,
il forme un cerf en ayant la couleur,
il cache ainsi le fait qu' il mesestime,
et ce n' est pas comme un dieu qu' il s' anime
à protéger le vol, et le voleur.
C' est comme un pere. v
UN DRAGON EN ROCHER
p238
dee en son voyage vid ce dragon qui avoit esté
changé en rocher.
p239
v c' est un rocher sur la mer dominant,
d' un rude abord, d' un aspect surprenant,
fait en dragon dur, et que rien n' entame,
sa gueule s' ouvre, il en sort de la flame,
qui l' aperçoit s' enfuit incontinent.
dee un jour par là se promenant,
que vois-je, ô dieux ! Dit-elle en s' étonnant ?
Alors quelqu' un luy répondit, madame.
C' est un rocher.
C' estoit jadis une prûde donnant
de la terreur sans cesse à tout venant,
un vrai dragon sous l' habit d' une femme,
et pour marquer cette dureté d' ame,
elle n' est plus un dragon maintenant.
C' est un rocher. v
FEMMES DE L'ISLE CO EN VACHES
p240
aprés qu' Hercule eut sacagé l' isle de Co, Junon qui en
avoit les femmes sous sa protection, les metamorphosa en
vaches afin de les soustraire à la violence des gens de guer
qui les tuerent pour les manger.
p241
v ces femmes-là de Junon protégees,
et qui voyoient leurs maisons sacagees,
du point d' honneur faisant beaucoup de cas,
pour éviter l' insulte des soldats
par la deesse en vaches sont changees.
Qu' arrive-t-il ? Elles sont égorgees,
on se nourit de leurs chairs partagees,
et comme un mets on sert à leur repas.
Ces femmes-là.
Pour des beautez qui sont bien affligees,
et bien avant dans la vertu plongees
c' est un dur choix ou d' estre entre deux draps
avec quelqu' un, ou d' estre entre deux plats,
crainte de pis elles furent mangees.
Ces femmes-là. v
TELCHINES EN ROCHERS
p242
telchines certains peuples de l' isle de Rhodes, adon-
nez à la magie, et qui furent changez en rochers.
p243
v ils sont rochers ces peuples malfaisans
qui troubloient l' air au soleil s' oposans,
et l' envoyans reluire aux antipodes :
mesme ils avoient de certaines métodes
d' ensorceler avecque leurs présens.
Rhodes fut plein de ces noirs artisans
de maléfice, et de leurs partisans,
aprés avoir esté fort incommodes.
Ils sont rochers.
Des gens si fins, acords, et séduisans
ont bien changé par la suite des ans
qui dans le monde ane d' autres modes,
associez au colosse de Rhodes,
comme luy durs, immobiles, pesans.
Ils sont rochers. v
MENEPHRON EN BESTE BRUTE
p244
Menephron fut amoureux de sa mere, et les dieux le
changérent en beste brute pour le punir de son abomi-
nation.
p245
v le miserable, et le triste destin !
Jusqu' à sa mere un fils au sexe enclin,
toûjours colé sur son sein qu' il adore,
tout son desir seroit d' y pendre encore,
toute sa peur seroit d' estre orfelin.
à sa tendresse il mesla du venin,
et l' aima tant qu' il l' aima trop enfin,
sa passion le ronge, et levore.
Le miserable.
Il s' abrutit, et le couroux divin
le laisse vivre, et le permet afin
de mieux venger les droits qu' il deshonore,
à quatre pieds en terrestre pécore
dans son ordure il va jusqu' à la fin.
Le miserable. v
FILLE D'EUMELE EN OISEAU
p246
Eumele pleuroit sa fille qui avoit esté changee en
oiseau.
p247
v toujours en l' air d' une petite fille
de l' avenir certain présage brille.
Eumele estoit pere d' une beauté
l' on voyoit une legereté
qui menaçoit l' honneur de sa famille.
ô qu' il en est ! Helas, tout en fourmille
de ce gibier si celebre petille
je ne sçay quoy de brusque et d' emporté
toûjours en l' air.
Telle ne croid donner qu' une vetille,
et s' abandonne au premier qui babille,
ce n' est pas tout que la vivacité,
il faut avoir quelque solidité,
et n' estre pas comme la volatille.
Toûjours en l' air. v
SCYRON EN ROCHER
p248
Scyron voleur insigne que Thesee tua, et dont les os fu-
rent changez en rochers, et en ecueïls.
p249
v le grand chemin d' une honte eternelle,
et du gibet qui n' est guére sans elle
c' est le larcin où l' on va s' apliquant.
Contre Scyron ce notable brigand
Thesee acquit une gloire immortelle.
Luy dont le nom sur les autres excelle
trouvant le monde à sa vertu rebelle
domta le monde, et purgea quant et quant.
Le grand chemin.
Un noble coeur taillé sur ce modelle
cherche à mener une vie aussi belle,
quoy qu' il soit brave, il n' est point arrogant,
dans le commerce est souple comme un gand,
et de l' honneur voilà ce qui s' appelle.
Le grand chemin. v
ARNE EN CHOÜETTE
p250
Ar fut une nimphe avare qui vendit son païs : elle fut
changee en choüette qui aime encore l' argent.
p251
Vque l' avarice est pleine de dégousts !
Elle rendit compagne des hiboux
la pauvre Arné transformee en choüette,
qui prend l' argent jusques dans la pochette,
et puis s' en va le cacher dans des troux.
Elle vendit son païs, et trop doux
fut sur ce point le celeste couroux,
elle n' eut rien dans sa teste mal faite.
Que l' avarice.
Quoy renfermer sous mille gros verroux
des biens à nous qui ne sont point pour nous,
et dont la garde est toûjours inquiéte,
sans en oser faire la moindre emplette !
C' est le peché le plus sale de tous.
Que l' avarice. v
MERA EN CHIENNE
p252
Mera fut une des nimphes de Diane, et cette deesse la
metamorphosa en chienne, pour s' estre laissee abuser
par Jupiter.
p253
v en cét estat une fille réduite
par sa foiblesse, ou manque de conduite
est fort à plaindre. Aprés beaucoup de soins
ce Jupiter pressé de ses besoins
fit un outrage à sa pudeur séduite.
Sa passion ne fut point éconduite,
Mera ne pût éviter sa poursuite,
mais par malheur sa faute eut des témoins.
En t estat.
Diane ayant sa figure détruite,
Mera fut chienne, et sans prendre la fuïte
à tous ses pas s' attacha neanmoins,
et n' estant plus de sa troupe, du moins
fut de sa meute, et toûjours à sa suite.
En t estat. v
TITHON EN CIGALE
p254
l' Aurore épousa Tithon pour sa beauté, et Jupiter le
rendit immortel à sa priere, mais elle oublia par malheur
de demander qu' il ne vieillît point, et il parvint à une tel
décrépitude, qu' il fut changé en cigale qui ne meurt point,
qui ne fait que quitter sa vieille peau. L' Aurore s' en cons
avec Céphale.
p255
v il estoit bon tant qu' il fut jeune, et frais,
l' Aurore obtint éprise de ses traits
qu' il fut exempt de la Parque fatale,
mais elle obmit la clause principale
d' empescher l' âge, et ses fascheux progrés.
Il devint vieux, il perdit ses attraits
ce beau Tithon : or de prétendre aprés
qu' elle tint ferme en la foy conjugale.
Il estoit bon.
Elle feignant de vacquer aux aprests
du jour naissant se levoit tout exprés
pour s' en aller dans les bras dephale,
et laissoit là son mari froid et pâle,
qui se croyoit couctoûjours auprés.
Il estoit bon. v
LES MYRMIDONS
p256
Jupiter acorde à la priere d' Eaque roy d' Egine que les
fourmis qu' il avoit veuës dans le creux d' un chesne devinsse
autant d' hommes pour repeupler son païs desolé par la peste,
et c' est de là que sont venus les myrmidons.
p257
v du petit peuple, et des grands le trépas
avoit d' Eaque affligé les estats,
la peste ayant tout mis à la renverse,
en quelque lieu qu' un pareil fleau s' exerce
les plus puissans ne s' en exemtent pas.
Au creux d' un chesne Eaque observe un tas
noir de fourmis, admire leur tracas,
avec plaisir void fleurir le commerce.
Du petit peuple.
Les dieux voulans réparer ces dégats,
de ces fourmis font autant de soldats
que leur bonté dans ses places disperse,
et l' abondance avec eux elle y verse.
Un sage roy doit toûjours faire cas.
Du petit peuple. v
CEPHALE ET PROCRIS
p258
Cephale par le conseil de l' Aurore voulut éprouver la
fidelité de sa femme Procris sous une autre forme que la
sienne ; elle se rendit à ses prieres et à sa galanterie, le
pour un autre que pour son mari.
p259
v avec sa femme uni d' un doux lien
Céphale estoit heureux dieu sçait combien,
mais souonneux il voulut entreprendre
de l' éprouver, et pour mieux la surprendre
il se servit d' un dangereux moyen.
Changeant de voix, de forme, et de maintien,
il prit un air tout different du sien,
et se jetta dans un commerce tendre.
Avec sa femme.
Il spira, pressa, n' épargna rien,
elle préta l' oreille à l' entretien,
et le mari sur le point de se pendre
se couvrit comme elle alloit se rendre,
pour son honneur il fut un peu trop bien.
Avec sa femme. v
PROCRIS TUEE
p260
Procris et phale estant tous deux fort bien ensemble,
elle en devint jalouse à son tour, et comme elle alloit pour
l' épier dans un bois, il la tua sans y penser.
p261
v de bon matin Céphale se réveille,
non plus que luy sa femme ne sommeille,
ils ont au coeur un different souci,
il est chasseur, elle est jalouse, ainsi
c' est ce qui fait que l' un et l' autre veille.
Par une erreur funeste, et sans pareille
son dard tua cette jeune merveille,
helas ! Pourquoy se levoit-elle aussi.
De bon matin.
La belle Aurore acourt fraische et vermeille
vers son amant que la rage conseille,
et joint ses pleurs au sang qui coule icy.
Pour s' en venir produire tout cecy
la jalousie a la puce à l' oreille.
De bon matin. v
LE POIL FATAL
p262
Minos assiégeoit la ville de Mégare, et n' en pouvoit venir
à bout, parce que la fense et la destinee de cette place
estoit attachee à un des cheveux de la teste du roy Nisus :
fille Sylla, qui le connoissoit, le coupa adroitement, et l
au roy Minos, dont elle estoit éprise. Il profita de la tra
et eut en horreur la traitresse : elle et son pere furent ch
en oiseaux.
p263
v de son amour chacun suit les élans.
Le roy Nisus parmi ses cheveux blancs
en avoit un remarquable entre mille
d' où pendoit le destin de sa ville,
Sylla le prit par ses soins vigilans.
C' estoit sa fille, espoir de ses vieux ans,
mais elle aimoit le chef des assaillans,
et luy porta ce gage difficile.
De son amour.
Parvainqueur de ces murs chancelans
on n' en vint plus à des combats sanglans,
la trahison luy parut fort utile,
mais la traistresse, indigne, lâche, et vile,
il eut horreur des excés violans.
De son amour. v
PASIPHAE
p264
Pasiphae femme de Minos devint éprise d' un taureau,
et ayant trouvé le moyen de se satisfaire, elle en eut un
monstre appellé Minotaure.
p265
v sans rafiner les bonnes gens y vont.
Mais quelle horreur ! Une femme a le front
de témoigner qu' elle veut qu' on l' unisse
à son taureau, cherchant quelque artifice
à se guérir aussi sale que promt.
Pour leurs amans ce qu' au coeur d' autres ont
celle-cy l' a pour le sien gras et rond,
elle voudroit pouvoir estre génisse.
Sans rafiner.
à la nature elle fit un affront
qu' autres jamais n' ont fait, ny ne feront,
un si terrible, et si honteux caprice
excuse au moins le commun train du vice.
Il faut gouster les plaisirs comme ils sont.
Sans rafiner. v
LE LABYRINTHE
p266
Thesee tuë le Minotaure, et se tire du labyrinthe par
le secours d' Ariane qu' il aime, et dont il est aimé : il l'
leve, et puis la laisse dans un desert.
p267
v tout à la fois vient Thesee, et s' avance
vers Ariane, il montre en sa presence,
et mesme aux yeux d' une assez fine cour
qu' il est épris, et la belle à son tour
de son mérite éprouve la puissance.
Jamais amour n' eut tant de diligence,
de son estime il eut trop d' assrance,
qu' il en receut de biens en mesme jour.
Tout à la fois.
Par sa tendresse, et par son assistance
du labyrinthe il sort, en récompense
il la laissa dans un affreux séjour.
Que c' est mal fait de manquer à l' amour,
et de manquer à la reconnoissance.
Tout à la fois. v
ARIANE ABANDONNEE
p268
Ariane abandonnee se plaint dans un desert.
p269
v il est bien dur de mourir de langueur
pour un ingrat toûjours maistre d' un coeur,
dont la pensee est encore à luy toute,
d' un coeur tout neuf qui perdit ce qui coûte,
si cher helas ! à la jeune pudeur.
Ce souvenir, s' il a quelque douceur,
pour un indigne, et cruel ravisseur,
pour Ariane est bien amer sans doute.
Il est bien dur.
L' abandonner à son propre malheur,
et que celuy qui cause sa douleur
ne vienne pas aux plaintes qu' il écoute,
pour essuyer des larmes qu' il redoute,
qu' il void couler, et dont il est l' autheur.
Il est bien dur. v
BACHUS ET ARIANE
p270
Bachus ayant trouvé Ariane dans un desert, en devient
amoureux, et l' épouse.
p271
v à moins d' un dieu venu tout à propos,
le desespoir, ou la faim, ou les flots
de ses beaux jours eussent fini la trame,
et c' estoit fait de cette pauvre dame
à qui Thésee avoit tourné le dos.
Bachus estoit jeune, frais, et dispos,
il sçeut pousser mille amoureux sanglots,
et devant elle il alloit rendre l' ame.
à moins d' un dieu.
Elle n' avoit que la peau sur les os,
pour se remettre, et gouster le repos,
elle accepta ses offres, et sa flame,
et consentit à devenir sa femme.
Se pourroit-on consoler d' un héros.
à moins d' un dieu ? v
COURONNE D'ARIANE EN ASTRE
p272
Bachus ayant épousé Ariane, mit la couronne qu' elle por-
toit sur sa teste, dans le ciel, et la changea en astre.
p273
v pour ce qu' il aime un amant d' ordinaire
fait ce qu' il peut, fut-il dans la misere
en toute chose il agit noblement,
s' il donne peu, c' est liberalement,
et le berger régale sa bergére.
Qu' un empereur prenne à tasche de plaire,
en donne-t-il une preuve plus claire,
bien qu' il employe or, perle et diamant.
Pour ce qu' il aime.
Bachus trouva celle qui luy fut chere
abandonnee en un bord solitaire,
une couronne estoit son ornement,
soudain il mesle aux feux du firmament
cette couronne, un dieu peut-il moins faire.
Pour ce qu' il aime ? v
ICARE
p274
Icare negligeant les avis de son pere Dédale qui luy avoit
fait desles de cire pour se sauver, tombe dans la mer.
p275
v c' est grand' pitié d' Icare, ce me semble,
à la folie un tel dessein ressemble,
par quel chemin est-ce qu' il veut aller ?
Il n' appartient qu' aux oiseaux de voler,
les autres vont le pas, le trot, ou l' amble.
Quelque hardi qu' il soit, je croy qu' il tremble,
et voudroit estre à la nouvelle Zamble,
sous ce plumage ose-t-il fendre l' air ?
C' est grand' pitié.
Il seroit mieux perché dessus un tremble,
helas ! En vain ses forces il r' assemble,
prés du soleil ses aîles vont couler,
et par sa chûte il se va signaler,
audacieux, et foible tout ensemble.
C' est grand' pitié. v
PERDIX EN PERDRIX
p276
Perdix estoit neveu de Dédale, et il aprenoit l' archite-
cture sous luy : il inventa la scie, et le compas, dont son
oncle fut si jaloux qu' il le précipita du haut d' une tour :
nerve le changea en perdrix, qui fait son nid en bas, pour s
ressouvenir de sa chûte.
p277
v en quelque chose enfin que ce puisse estre
le plus habile on veut toûjours paroistre.
Dédale avoit un neveu jeune et vif,
et du cerveau de ce docte aprentif
vinrent la scie et le compas à naistre.
L' oncle à tel point voyant sa gloire croistre,
en fut jaloux, et le fit bien connoistre,
honteux qu' il eut l' esprit plus inventif.
En quelque chose.
Dans un endroit solitaire et champestre
l' ayant conduit, il s' enfit le traistre,
et son envie en fut le pur motif.
Si de ce cas le sens est instructif,
c' est un malheur que de passer son maistre.
En quelque chose. v
LE TISON FATAL
p278
un peu aprés que Meleagre fut né, les Parques ayant mis
un morceau de bois dans le feu dirent que la vie de cét
enfant en égaleroit la duree. Altee sa mere retira ce tison
le garda avec beaucoup de soin : mais Meleagre ayant tué se
deux oncles, freres de sa mere, elle en fut si outree, qu' el
jetta dans le feu ce tison fatal, et ainsi fit mourir son Pr
fils.
p279
v la bonne mere ! Avec quelle tendresse
en accouchant d' un fils elle s' empresse
à bien éteindre une souche de bois
qu' ont mise au feu les Parques toutes trois,
qui de sa vie est la mesure expresse.
De quelle force, ô dieux ! De quelle adresse
à ce devoir tout son sang s' interesse,
elle craint peu de se bler les doigts.
La bonne mere.
Mais quel revers ! Ce fils dans sa jeunesse
la révolta, ce fut une tigresse,
et ce tison pcieux autrefois
fut rallumé pour la derniére fois,
et rallumé de sa main vengeresse.
La bonne mere. v
PERIMELE EN ISLE
p280
Perimele estoit une nayade dont le fleuve Achelois
devint amoureux, et son pere Hippodame l' ayant surprise
avec luy, la précipita dans les flots : Neptune la changea
p281
v Amour va loin, son adresse est subtile.
Une nayade est choisie entre mille
par Achelois fleuve rapide et grand,
elle se laisse emporter au torrent,
comme pourroit faire une plus habile.
Mais de son pere ayant émû la bile
elle est changee en une isle immobile,
précipitee alors qu' il la surprend.
Amour va loin.
Son amant pousse une plainte inutile
desesperé de la voir si tranquille,
et dans ses bras aquatiques la prend,
je ne sçay quoy de tendre murmurant
toûjours entr' eux, ah, mon fleuve ! Ah, mon isle !
Amour va loin. v
BAUCIS ET PHILEMON EN ARBRES
p282
Jupiter et Mercure déguisez en hommes, ayant esté rejet-
tez de tous les habitans de la Phrygie, excepté de Baucis
de Philemon qui leur firent le meilleur accueïl qu' ils pûre
ces dieux en compense changerent leur cabane en un temple
magnifique, dont ils leur donnerent la garde, et aprés une
longue vieillesse ils furent changez en arbres.
p283
v les bonnes gens Baucis et Philémon
ne sçavoient pas de leurs hostes le nom ;
eux rebutez de voir l' humaine engeance,
de la richesse alloient à l' indigence,
qui leur offroit ce qu' elle avoit de bon.
De leur bassesse ils demandoient pardon,
et sur les dieux faisoient quelque sermon,
grands serviteurs de leur toute-puissance.
Les bonnes gens.
Ces dieux bien-tost reconnus à leur ton
de leur cabane avec juste raison
firent un temple regnoit l' abondance.
Ils n' ont qu' à vivre en paix et patience,
pour voir enfin prosperer leur maison.
Les bonnes gens. v
ERESICTON GOURMAND
p284
Eresicton fut un gourmand et un impie, qui pour
avoir coupé un vieux chesne dédié à Cérès fut puni d' une
faim qu' il ne pouvoit assouvir : les dieux accordérent à sa
tra de se pouvoir vendre sous diverses formes, afin de le
nourrir : aprés qu' il eut tout mangé, il se mangea luy-mesme
p285
v ce grand mangeur qui méprisa Cérés
entendoit mal ses propres interests,
il fut puni d' une faim exécrable
ayant coupé le chesne vénérable
la deesse alloit prendre le frais.
Il mangea tout, maisons, rentes, forests,
il eut toûjours cinquante disnez prests :
le tems n' a point dévocette fable.
Ce grand mangeur.
Sa fille prit diverse forme exprés
pour subvenir à de si rudes frais,
il avala meuble, vaisselle, table ;
l' impiété le rendit miserable,
et le força de se manger aprés.
Ce grand mangeur. v
PROTHEE
p286
Protee estoit un dieu marin qui prenoit toute sorte de
formes, et dont l' on ne pouvoit venir à bout qu' il ne
fut lié.
p287
v il faut chanter icy ce dieu volage,
qui changeoit tant de forme et de visage,
les plus adroits s' efforcerent en vain
de le fixer estant libre, et soudain
qu' on l' enchaisnoit, il estoit ferme, et sage.
Tant que l' on est dans la fougue de l' âge,
on danse, on rit, on se jouë, on fait rage,
l' amour en teste, et le verre à la main.
Il faut chanter.
Mais aussi tost que l' hymen nous engage,
c' est pour changer de vie, et de langage :
on n' y va pas toûjours le mesme train,
lors qu' on se sent retenu par ce frein,
et qu' une fois l' on est dans cette cage.
Il faut chanter. v
ACHELOIS EN TAUREAU
p288
il y eut un grand combat entre Hercule et Achelois en
taureau sur la concurrence pour Dejanire : Achelois y fut
vaincu.
p289
v entre rivaux il est bien hazardeux
qu' en un combat il n' en demeure un d' eux,
et quand leur coeur également sensible
s' acharne trop, il n' est pas impossible
qu' on ne les voye y demeurer tous deux.
Hercule estoit grand, robuste et nerveux,
mais Achelois vint en taureau fougueux,
rien n' a jamais paru de si terrible.
Entre rivaux.
Hercule fut au comble de ses voeux,
l' autre écorné, miserable, honteux,
garda toûjours une haine invincible.
Des concurrens l' amour n' est point paisible,
et la concorde est un objet hideux.
Entre rivaux. v
LA CORNE D'ABONDANCE
p290
Hercule ayant arrac une des cornes d' Achelois qui
se battoit contre luy en taureau, les dieux en firent
la corne d' abondance. D' autres disent que ce fut la corne de
la chévre Amaltee qui allaita Jupiter.
p291
v quoy que vaincu le jaloux Achelois
à coups de corne a fait de grands exploits,
ces armes là sont encore en pratique,
de deux qu' il eut, par un destin tragique
une rompit, que n' en avoit-il trois !
La mesme corne en honneur toutefois
versa depuis des biens en mille endroits,
dont ce taureau fut moins mélancolique.
Quoy que vaincu.
La renommee avec toutes ses voix
en publia le merite et le poids,
elle exalta cette corne autentique.
Voilà comment on fait une relique
de ce qui vient d' un héros quelquefois.
Quoy que vaincu. v
FILLE D'ALCIDAMAS
p292
Alcidamas eut une fille qui devint amoureuse d' un pi-
geon, et il en fut le beau-pere.
p293
v eut-elle tort de bannir les rigueurs,
de soûpirer, et d' avoir des langueurs
pour ce pigeon d' une espece nouvelle ?
Il fut galant, amoureux et fidelle,
et son pareil ne se voit point ailleurs.
S' envoloit-il ? Elle fondoit en pleurs ;
revenoit-il ? Ce n' estoit que douceurs,
bref elle estoit comme une tourterelle.
Eut-elle tort ?
Un doux lien serra leurs tendres coeurs ;
tous les amans sont de fort grands causeurs,
qu' ils soient en paix, ou qu' ils soient en querelle,
ils font du bruit pour une bagatelle,
mais ces pigeons sont de fort grands baiseurs.
Eut-elle tort ? v
LYCAS EN ROCHER
p294
Lycas estoit valet d' Hercule, et Déjanire jalouse de ce
héros, se servit de luy pour luy envoyer la chemise em-
poisonnee du centaure Nessus, croyant ramener son epoux à
elle par ce moyen, mais Hercule en mourut, et Lycas fut ch
gé en rocher.
p295
v un bon valet, s' il en est, fut Lycas,
et Déjanire en fit beaucoup de cas,
pour obvier à son martel funeste,
va, luy dit-elle, et porte cette veste
à mon epoux, il y fut à grands pas.
ô don fatal, suivi d' un promt trépas !
Qui vous envoye, et qui vous porte helas !
C' est une femme au fonds prude, et modeste.
Un bon valet.
De telles gens il n' en est point à tas,
une moitié chaste, et pleine d' apas
est un trésor visible, et manifeste,
et ce qui doit accompagner le reste,
ce qu' on voudroit souvent, et qu' on n' a pas.
Un bon valet. v
MORT D'HERCULE
p296
Hercule se brusle aprés avoir mis la chemise du cen-
taure Nessus qu' il avoit tué, Déjanire sa femme se tuë
de regret de la luy avoir envoyee.
p297
v mal à propos le centaure Nessus
venge en mourant les coups qu' il a receus,
à Déjanire il donne une chemise,
qui doit produire Hercule l' ayant mise
les beaux effets qu' elle en avoit conceus.
Que dans son coeur elle auroit le dessus,
en moins de rien tous ses voeux sont déceus,
et le ros sent bien-tost qu' il l' a prise.
Mal à propos.
Il brusle, et meurt : Déjanire au surplus
ne peut survivre à son cruel abus,
et venge bien l' erreur qu' elle a commise.
Des gens jaloux funeste est l' entremise,
croyant toûjours, et toûjours estant crûs.
Mal à propos. v
GALANTHIS EN BELETTE
p298
Galanthis estoit servante d' Alcmene, et voyant que sa
maistresse en travail ne pouvoit acoucher à cause des ma-
léfices de Junonguisee en vieille à la porte, et jalouse
que c' estoit du fait de Jupiter, elle s' en vint luy dire qu
mene estoit acouchee, et fit cesser ses charmes par ce menso
Junon indignee la changea en belette, qui fait ses petits p
bouche, punissant celle de Galanthis de sa menterie.
p299
v quand elle est pleine une fois de son fiel
Junon fait rage en terre comme au ciel ;
elle ne peut souffrir qu' Alcmene acouche,
mais Galanthis fut une fine mouche,
qui l' abusa d' un mensonge formel.
Elle en conceut unplaisir mortel,
et sur le champ luy fit un tour cruel,
sensiblement la vengeance nous touche.
Quand elle est pleine.
Ce que la fille eut de plus criminel,
ce fut la bouche, et son jaloux martel
aussi la change en belette farouche,
qui fait, dit-on, ses petits par la bouche,
à nulle beste il n' avient rien de tel.
Quand elle est pleine. v
TRAVAUX D'HERCULE
p300
Junon obtint de Jupiter que celuy des deux qui naistroit l
premier d' Hercule, ou d' Euristee, auroit un commandement
absolu sur l' autre ; et ayant par adresse retardé l' acouchem
d' Alcmene, Euristee demeura le maistre de son compagnon, e
luy fit faire toutes les belles choses dont il vint à bout p
glorieux exploits.
p301
v dés le berceau sa force il signala,
il obeït quand le maistre parla
qui si long-tems le tint sous sa férule,
pour celuy-cy, disoit-il, saute, Hercule,
courage, saute encore pour celuy-là.
Par ses travaux Junon le harcela,
et contre luy sa haine elle étala,
haine qui croist dans son coeur et pullule.
Dés le berceau.
Tantost d' un hydre elle le régala,
du poids du ciel ensuite l' acabla :
d' autres que luy n' auroient point fait scrupule
de s' affranchir d' un joug si ridicule,
mais les ros sont dressez à cela.
Dés le berceau. v
MASSUË D'HERCULE EN QUENOUÏLLE
p302
Hercule devint si amoureux d' Omphale, qu' il en aban-
donna tout, et se mit à filer avec un tas de filles pour luy
complaire.
p303
v faute d' agir Hercule enfin se brouïlle
avec la gloire, il met bas la dépouïlle
du fier lion dont il armoit son dos,
languit, se plaint, soupire à tout propos,
et ce n' est plus l' honneur qui le chatouïlle.
Devant Omphale il pleure, il s' agenouïlle,
et sa massuë est changee en quenouïlle :
quelle molesse en un si grand héros.
Faute d' agir !
Il va filant avec ses doigts qu' il mouïlle,
ah ! Pour un coeur que rien de bas ne solle,
il ne faut pas croupir dans le repos,
et la vertu comme le fer s' enrouïlle.
Faute d' agir. v
ANTHEE ETOUFFE
p304
Anthee fut un geant, qu' Hercule porta par terre plu-
sieurs fois ; et s' estant aperceu qu' il prenoit de nouvelles
forces en touchant à la terre, il l' enleva en l' air, et l' ét
entre ses bras.
p305
v touchant la terre Anthee estoit d' abord
si vigoureux, que d' un égal effort
Hercule et luy disputoient l' avantage :
mais dans ses bras Hercule plein de rage
le tint en l' air serré jusqu' à la mort.
La terre estoit sa force, et son suport,
quoy que sur terre on périclite fort,
plus d' un vaisseau se brise et fait naufrage.
Touchant la terre.
Ce n' est point là qu' est nostre dernier port,
et qui s' attache à la terre il a tort,
des gens de bien le ciel est le partage,
le sort d' Anthee est-il un témoignage
pour nous prouver le contraire assez fort.
Touchant la terre ? v
IXION
p306
Ixion ayant eu l' audace de parler d' amour à Junon, elle
en avertit Jupiter ; et ce dieu qui n' aimoit pas qu' on luy
rendît ce qu' il prestoit si volontiers aux autres, luy supos
nuë qu' il prit pour elle, et courut l' embrasser. Il fut préc
aux enfers.
p307
v qui peut répondre en amour de ses pas
n' a dans le coeur que de legers combas :
quoy ! N' est-il point d' excusable foiblesse ?
Quelque si haut que soit une princesse,
ne sçauroit-on atteindre à ses apas ?
Et suposé qu' on ait cét embaras,
que dire ? Mot, Ixion est là bas
desesperé, gesné, brûlé sans cesse.
Qui peut répondre.
L' on sçait qu' il faut faire aller par compas
tous ses desirs, l' on sçait qu' il ne faut pas
envisager une grande deesse,
et que le ciel punit la hardiesse
d' aimer trop haut, on le sçait, mais helas !
Qui peut répondre ? v
DRYOPE EN ARBRE
p308
Dryope fut aimee d' Apollon, qui l' ayant abusee en eut
vn fils : un jour qu' elle se joit avec cét enfant, elle
rompit une branche d' un arbre sacré nommé Lotos, et fut
elle-mesme changee en arbre.
p309
v l' on s' en repent à loisir, quoy qu' on die,
quand on a fait trop tost une folie.
Dryope aimable, et d' un âge à charmer,
voyant pour elle Apollon s' enflamer
sa pitié brusque éteignit l' incendie.
à pareil mal c' est comme on remedie,
elle y gagna neuf mois de maladie,
pour un moment c' est un tems bien amer.
L' on s' en repent.
Sans y penser elle fut si hardie
que d' ébrancher avec sa main impie
un arbre saint qu' on n' osoit entamer,
ce qui la fit en arbre transformer.
Non, il ne faut rien faire à l' étourdie.
L' on s' en repent. v
AMPHIARAS DEVIN
p310
le devin Amphiaras prévoyant que la guerre de Thébes
luy seroit fatale, se cacha pour n' y pas aller ; mais Eriph
sa femme fit si bien qu' il y alla, et n' en revint pas.
p311
v aimant l' honneur moins que la vie, en sorte
qu' il n' auroit pas pour luy passé sa porte,
Amphiaras prévoyoit son destin,
clos et couvert se tenant, et luy fin,
quoy que sa femme au contraire l' exhorte.
Il estoit vieux, elle estoit jeune, acorte,
que l' interest de la gloire transporte,
et d' un mari trop au repos enclin.
Aimant l' honneur.
Elle fait tant qu' à la guerre il se porte,
il y mourut, il est vray, mais qu' importe !
Outre qu' il fit une tres-belle fin,
cela prouva qu' il estoit bon devin,
et que sa femme estoit hardie et forte.
Aimant l' honneur. v
CALLYROË
p312
Callyroe obtint des dieux que de petits enfans qu' elle
avoit devinssent tout-à-coup des hommes tout faits,
pour venger la mort de leur pere.
p313
v de grands enfans sont de grands embaras :
Callyr cependant sur les bras
en avoit deux encor dans le bas âge,
elle estoit jeune, et de plus estoit sage,
et d' un epoux veut venger le trépas.
Pressant le ciel n' en obtient-elle pas
que de l' enfance ils franchiroient le pas ?
Les voilà donc l' apuy de son veuvage.
De grands enfans.
Creûs tout-à-coup ils donnent des combas,
les assassins d' un pere sont mis bas.
Voeux maternels, vous estes hors d' usage
parmi le sexe, ah ! Quel trait de visage
pour un objet qui prétend en apas.
De grands enfans ! v
BIBLIS EN FONTAINE
p314
Biblis aima trop son frere Caune, et l' obligea à s' enfuïr
elle le suivit jusques en Carie, elle fut changee en fon
taine.
p315
v c' estoit bien fait à Biblis de vouloir
que son cher Caune allast souvent la voir,
avec un frere une soeur se proméne,
mais que ce soit de l' amour qui les méne,
c' est un peché terrible à concevoir.
De la tendresse il en falloit avoir,
et s' en tenir au fraternel devoir,
sans y mesler cette maudite graine.
C' estoit bien fait.
Mais de l' amour, est-il rien de si noir ?
Quand le remors du matin jusqu' au soir
de ses beaux yeux eut fait une fontaine,
qu' elle eut enfin bien pleuré pour sa peine
de pure honte, et de pur desespoir.
C' estoit bien fait. v
IOLAS RAJEUNI
p316
Iolas avoit autrefois esté brave et galant, ayant suivi He
cule dans ses entreprises : Hebé femme de ce dieu, et deess
de la jeunesse luy rendit la sienne en consideration de ses
vices.
p317
v de grands exploits signaloient Iolas,
il en avoit jadis bien mis à bas,
et le bon homme en ses marches lentes
ayant encor les maniéres galantes,
ne vouloit point qu' on crût qu' il estoit las.
Amour encor le tenoit dans ses las,
parmi le sexe il cherchoit ses ébas,
long rediseur de choses fatigantes.
De grands exploits.
Acablé d' ans, et proche du trépas
de la jeunesse il reprit les apas,
en longs cheveux à boucles ondoyantes,
frais et vermeil, mais les femmes prudentes,
à dire vray, n' en augurerent pas.
De grands exploits. v
IPHIS EN GARÇON
p318
Iphis qui avoit toûjours esté fille, et toûjours élevee com
garçon, épouse Yante une autre fille, et change de sexe.
p319
v le bel epoux sans nul poil au menton
d' un vray mari n' estoit pas sur le ton,
c' estoit n' aguére une nimphe tres-sage,
pour son salut ayant dés son bas âge
de l' autre sexe et l' habit et le nom.
Avec Yante objet d' un grand renom
elle fut jointe, et n' osa dire non :
la belle noce, et le beau mariage.
Le bel epoux !
Les dieux d' abord, et sans tant de façon
d' une pucelle en firent un garçon,
et sans ce coup qui termina l' orage
on alloit voir un fort mauvais ménage,
pour une femme il n' estoit guére bon.
Le bel epoux. v
ORPHEE
p320
Orphee attiroit par le son de sa lyre les gens, les bestes,
les rochers, et les arbres : il alla jusques en enfer, d' où
pensa ramener sa femme qu' il aimoit passionnément. Il fut en
finchiré par les bachantes.
p321
v avec sa lyre Orphee estoit un fou
lancolique, une humeur de hibou,
il inspiroit, et l' amour, et sa flame,
tout le suivoit bois, pierre, nimphe, dame,
chien, chat, lion, tigre, pantére, lou.
De ses beaux chants personne n' estoit sou,
jusqu' aux enfers il alla par un trou,
et pensa mesme en ramener sa femme.
Avec sa lyre.
Il n' aime qu' elle, on cherche en vain par où
un clou pourroit chasser un autre clou,
toutes voudroient avoir part à son ame,
mais sa pitié vainement on réclame,
toutes aussi luy casserent le cou.
Avec sa lyre. v
VOYAGE D'ORPHEE EN ENFER
p322
Eurydice estant morte Orphee passa aux enfers, et força
Pluton et les Parques à la luy rendre par le son de sa lyr
à condition pourtant qu' il ne détourneroit point sa teste po
la regarder qu' il ne fut sorti de l' abisme ; mais il ne put
empescher, et ce qu' il avoit perdu par son malheur, il le re
dit par sa faute.
p323
v jusqu' en enfer il fut se promener,
par les chemins ne fit que fredonner,
et si c' estoit un fait digne de blame
de s' en aller si loin chercher sa femme,
ç' auroit esté pis de la ramener.
Ce n' est rien moins que pour s' en retourner
qu' on va là bas, c' est pour y séjourner :
le seul Orphee a fait briller sa flame.
Jusqu' en enfer.
Un bon mari ne peut abandonner
celle qu' aux dieux il a plu luy donner,
il plaint sa mort, il desespere, il pâme,
jusqu' au cercueïl il suit la bonne dame,
mais a-t-on veu quelqu' un s' acheminer.
Jusqu' en enfer ? v
ATIS EN PIN
p324
Atis fut un jeune homme que Cybelle mere des dieux
trouvoit à son gré, et à qui elle commit le soin de ses
sacrifices, pourveu qu' il n' eut aucun commerce avec pas une
nimphe : mais ayant découvert qu' il en aimoit une, elle le
changea en pin, et Orphee le reconnut parmi les arbres qui
suivoient.
p325
v comme il arive assez que sans raison
l' un est tout feu quand l' autre est tout glaçon,
Cybelle aimoit Atis, et cette fee
s' estant pour luy vainement attifee,
en pin changea ce tendre nouron.
Orphee un jour disoit une chanson,
entre les bois attirez par le son
ce jeune pin est reconnu d' Orphee.
Comme il arive.
Il plaint le sort de ce pauvre garçon,
blame Cybelle, et son jaloux soupçon,
la bonne femme, elle en estoit coiffee,
luy qui d' ailleurs avoit l' ame échaufee,
s' il ne l' aimoit en faisoit la façon.
Comme il arive. v
FEMMES DE TRACE EN ARBRES
p326
ces femmes éprises d' Orphee, et n' ayant sçeu l' obliger à
manquer de foy à sa femme Eurydice, changerent leur
passion en fureur, et l' ayant déchiré elles furent metamorph
sees en arbres.
p327
v c' est un peu trop de sauter au colet
d' un beau chanteur encore à poil folet,
ces femmes là que tant d' ardeur consomme
devoient sous main luy conter une somme,
et joindre au don quelque honneste poulet.
Peut-estre eut-il donné dans le filet,
et leur opprobre eut esté moins complet,
tourner l' amour en fureur contre un homme.
C' est un peu trop.
Orphee eut tort : sans doute il n' est pas laid
d' estre un epoux trié sur le volet,
et que la foy conjugale renomme,
mais de souffrir plûtost qu' on vous assomme
que d' y manquer, je suis vostre valet.
C' est un peu trop. v
OLENE ET LETHEE EN ROCHERS
p328
Olene voulut se mettre en la place de sa femme Léthee
qui avoit offensé les dieux, pour en subir le chastiment,
mais il ne fut pas en son pouvoir de l' en garantir, et tout
qu' il gagna, fut d' avoir part à sa peine, sans en avoir eu à
faute, et il fut changé en rocher comme elle.
p329
v et ses défauts soit du corps, soit de l' ame,
et son merite, enfin tout de la dame
estoit d' Oléne également cheri,
de rien par elle il ne peut estre aigri,
et ne voit rien à travers de sa flame.
Contre les dieux l' arrogante clame,
s' il ne l' excuse, il croid qu' il se diffame,
il se perdroit pour la mettre à l' abri.
Et ses défauts.
Elle a failli, la grace qu' il réclame
est d' en porter, et la peine, et le blame,
ô le digne homme ! ô le rare mari !
Il n' en est plus, la source en a tari,
ce n' est pas peu que d' épouser sa femme.
Et ses défauts. v
CYPARISSE EN CYPRES
p330
Cyparisse estoit un enfant qui ayant tué sans y penser
un jeune cerf privé qu' il aimoit, se voulut tuër luy-mes-
me de regret ; mais Apollon pour empescher qu' il ne fut cou
pable de sa mort, le changea en cyprés.
p331
v pour une beste estoit-il raisonnable
de s' aller perdre ainsi qu' un miserable ?
Ce bel enfant sage et bien élevé,
quand il tua son jeune cerf pri
voulut mourir, et fut inconsolable.
Mais Apollon qui le trouvoit aimable
change en cyprés ce garçon déplorable :
est-il jamais rien de pis arivé.
Pour une beste ?
Le sort à tous n' est pas plus favorable,
et chacun fait quelque perte semblable :
qui ne l' a pas en jeunesse éprouvé ?
Mais celuy-cy s' en est plus mal trouvé,
aussi pour qui passe-t-il dans la fable ?
Pour une beste. v
LES FURIES
p332
cere, Tisyphone et Alecton, qui servent toutes
trois à la vengeance des dieux, et à la punition des
coupables.
p333
v au fond du coeur des scelerats humains
ces pasles soeurs couvent leurs noirs desseins,
et dans l' enfer où l' onmit et pleure,
elles n' ont point de retraite meilleure,
ni plus de maux ne passent par leurs mains.
C' est là que sont profonment empreints
leurs feux, leurs foüets, et leurs serpens si crains,
point de repos tant que cela demeure.
Au fond du coeur.
Vertu, devoir, honneur y sont éteints,
mesme les dieux veritables et saints,
que chacun sent, et confesse à toute heure,
en regardant leur pompe exterieure,
dans les méchans sont des fantosmes vains.
Au fond du coeur. v
GANYMEDE
p334
Ganymede eut les bonnes graces de Jupiter, qui se trans-
forma en aigle pour l' enlever au ciel où il le pla, et
en fit son echanson malgré sa femme Junon.
p335
v parmi les grands embaras de sa gloire
en aigle un jour dans ce bas territoire
Jupiter prit un beau jeune garçon,
pour avoir soin là haut de sa boisson,
et croyant faire une oeuvre méritoire.
Junon sa femme envenima l' histoire,
mille soupçons luy rendoient l' humeur noire,
sa jalousie enrolla ce soupçon.
Parmi les grands.
se sauver ? Par quelle échapatoire ?
Il eut mieux fait de se verser à boire
que de choisir un pareil echanson.
Voici l' endroit d' une belle leçon,
et le scandale est pis qu' on ne peut croire.
Parmi les grands. v
HYACINTE EN FLEUR
p336
Hyacinte fut aimé d' Apollon, qui le tua en joüant au
palet avec luy, et son sang fut metamorphosé en une
fleur de son nom.
p337
v de trop aimer l' excés infortu
fit bien du mal à l' amant de Daphné,
dans Hyacinte il trouva ses délices,
il l' avoit mis de tous ses exercices,
et l' un sembloit estre pour l' autre né.
En se joüant un coup inopiné
le jette mort, il en est forcené,
ah ! Que son coeur donna de clairs indices.
De trop aimer.
Ce jeune dieu demeura consterné,
long-temps il fut d' encens importu,
et refusa l' honneur des sacrifices.
Comme les dieux n' ont foiblesses, ni vices,
entr' eux aussi l' on est peu soupçonné.
De trop aimer. v
CERASTES
p338
les cerastes furent des peuples du royaume de Cypre qui
estoient fort cruels, et ils avoient acoustumé d' immoler
tous les estrangers qui passoient de ce costé-là : ils furen
tamorphosez en boeufs par la colere de Vénus leur reine, qu
ne pût souffrir plus longtemps que l' on profanast par des sa
fices si détestables une isle qui luy estoit consacree.
p339
v autant qu' on peut on doit fuïr le reproche
d' aimer le sang. Un temple estoit là proche,
ceux de Cypre immoloient à l' écart
tout estranger qui venoit par hazard,
et sans avoir son passeport en poche.
nus de qui le coeur n' est pas de roche
trouve en cela quelque chose qui cloche,
on leur en fait des plaintes de sa part.
Autant qu' on peut.
Contre eux enfin son ire elle décoche,
les change en boeufs, au joug leur front s' acroche :
c' estoit leur reine, ils devoient avec art
s' y conformer au moins pour ce regard.
Des moeurs du prince il faut que l' on s' aproche.
Autant qu' on peut. v
LES PROPETIDES EN ROCHERS
p340
les propetides furent de fausses prudes qui méprisoient
la deessenus, et de qui elle se vengea amerement en
les échauffant de maniere qu' elles se prostituerent ; et ell
durcirent tellement dans leur vice, qu' elles furent changees
rochers.
p341
v ni de sa mere estant sur le retour,
ni d' une tante à qui l' on fait sa cour,
nulle ne veut souffrir de réprimande,
tant une prude en vertu se croit grande,
à telles gens Vénus fit un bon tour.
Elle les mit en belle humeur un jour,
chacune alla s' offrir au carrefour,
de son epoux rien elle n' aprehende.
Ni de sa mere.
Toutes ayant le coeur chaud comme un four,
sans y chercher finesse, ni détour,
s' en vont donnant plus qu' on ne leur demande.
Quoy qu' on soit sage, et que l' on se commande,
il ne faut pas se moquer de l' amour.
Ni de sa mere. v
PYGMALION
p342
Pygmalion avoit toûjours prisé les femmes, et par
punition Vénus le fit devenir amoureux d' une de ses sta-
tuës, car il estoit sculpteur : elle l' anima, et il l' épousa
p343
v toute sa vie un sculpteur du tracas
qui suit l' amour avoit fait peu de cas,
ayant passé le plus beau de son âge
avec un coeur plus dur que son ouvrage,
mais son ouvrage eut pour luy trop d' apas.
Pour s' en venger Vénus anime un tas
de marbre blanc qui marche par compas,
le voilà joint à cette belle image.
Toute sa vie.
C' estoit sa femme, il en fut bientost las,
froide, et stupide elle n' agissoit pas,
estant plûtost indolente que sage,
ô le paisible, et le triste ménage !
Une statuë, ô dieux ! Entre les bras.
Toute sa vie. v
MYRRA EN ARBRE
p344
Myrra conceut un amour abominable pour son pere,
et acheva l' inceste sans qu' il le sçeut : il la voulut tuër
aprés, et elle se sauva dans une isle elle fut changee en
t arbre d' où coule la myrre. Adonis naquit de cét inceste
p345
v d' aimer son pere est-il rien de si tendre ?
Myrra pourtant devoit bien s' en defendre,
et s' arracher l' exécrable douceur
de s' oser faire une b de sa soeur,
que de soy-mesme un pere soit le gendre.
Pouvez-vous bien, nature, le comprendre
ce crime noir qu' elle veut entreprendre ?
En ce cas-là c' est la derniére horreur.
D' aimer son pere.
D' un arbre aussi la forme on luy voit prendre,
et ses deux bras vont en branches s' étendre :
elle a toûjours son crime dans le coeur,
et de son tronc il sort une liqueur,
comme des pleurs que l' on luy voit répandre.
D' aimer son pere. v
ADONIS EN FLEUR
p346
Venus aime Adonis : il est tué à la chasse par un san-
glier ; elle s' en desespere, et le change en une fleur.
p347
v adieu vous dy, délices de mon coeur,
et que trop-tost la fatale rigueur
du fier destin arrache à ma tendresse :
ainsi parloit la charmante deesse
que son amant acabloit de douleur.
Il estoit mort, un reste de chaleur,
quoy qu' il n' eut plus de poux, ni de couleur,
sembloit répondre à sa triste maistresse.
Adieu vous dy.
Peut-on prévoir un si cruel malheur ?
Tous deux s' aimoient, il estoit dans la fleur
de sa premiére et plus vive jeunesse.
Voilà comment le sort tourne sans cesse,
dés qu' on se trouve au comble du bonheur.
Adieu vous dy. v
ATALANTE
p348
plusieurs bons partis recherchoient Atalante, mais son
pere ne la voulut donner qu' à celuy qui la vaincroit à la
course, y estant porté par l' oracle. Hipomene l' épousa, l' a
vaincuë par le secours de trois pommes d' or que luy donna la
deesse Venus.
p349
v c' est un oracle expliqué nettement
qui d' Atalante exige par serment
de n' épouser qu' un vainqueur à la course,
de tant de maux c' estoit l' unique source,
on ne pouvoit l' obtenir autrement.
Qui la manquoit mouroit subitement,
sans alleguer ni pourquoy, ni comment,
il faut périr, il n' est point de ressource.
C' est un oracle.
Des pommes d' or l' invincible agrément
sur cette nimphe agit si puissamment,
qu' elle en devient moins tigresse, et moins ourse.
Il ne faut pas oublier là sa bourse,
que la richesse acompagne un amant.
C' est un oracle. v
MIDAS
p350
Bachus ayant acordé à la priere de l' avare Midas que tout
ce qu' il toucheroit seroit de l' or, il en fut bientost las :
pour s' achever il condamna Apollon en faveur du dieu Pan,
et fit voir par là son peu d' esprit : Apollon luy donna des
oreilles d' asne.
p351
v et malheureux certes, et peu sensé
estoit Midas d' avarice pressé,
tout devint or dans ses mains nompareilles,
or dans ses plats, or dedans ses bouteilles,
enfin tant d' or qu' il en fut harassé.
Il eut des dieux plus qu' il n' avoit pensé,
nul partisan n' est si tost avancé,
le voilà donc opulent à merveilles.
Et malheureux.
Autre misere ; il avoit pronon
contre Apollon, et ce dieu couroucé
luy fit present d' une paire d' oreilles
longues d' une aulne, et par le bout vermeilles.
Un homme est sot qui se trouve exaucé.
Et malheureux. v
LES ROSEAUX PARLANS
p352
Midas fit tout ce qu' ilt pour cacher ses oreilles
d' asne, et y rssit assez mal : son barbier l' ayant veu,
et ne pouvant s' empescher de le dire, fit un trou dans la te
et là le dit tout bas en refermant ce trou : à quelque temps
de là il vint des roseaux qui dirent, Midas a des oreilles
d' asne.
p353
v il se prone à l' écart, triste, abstrait,
ce bon Midas honteux de son portrait,
si la coiffeûre en estoit diaphane,
et qu' on luy vid les deux costez du crane,
le miserable en mourroit de regret.
De sa nature un barbier peu discret,
pour n' aller pas dire ce qu' il en sçait,
à s' éloigner du monde se condamne.
Il se proméne.
Ne pouvant plus se contenir il fait
un trou dans terre, il y conte ce trait,
et cent roseaux par le bout de leur canne
dirent, Midas a des oreilles d' asne.
L' on croit avoir enterré son secret.
Il se proméne. v
NEPTUNE ET APOLLON EN MASSONS
p354
Neptune et Apollon se transformérent en massons pour
bastir Troye : ils firent un marché avec le roy laomedon,
qui se mocqua d' eux ; ils s' en vengerent.
p355
v ce qui fut fait par les mains d' Apollon,
et de Neptune apliquans le moilon
aux murs troyens, fut chose grande et belle,
aussi tous deux changerent en truelle
l' un son trident, l' autre son violon.
Il falut donc avec Laomedon
roy qui n' estoit équitable, ni bon,
faire un marché pour cette oeuvre immortelle.
Ce qui fut fait.
Le prince y manque. Eux revenus, dit-on,
l' un à sa mer, et l' autre à son vallon,
que la revanche en fut dure et cruelle !
Une justice exacte et ponctuelle
ne manque point de nous rendre felon.
Ce qui fut fait. v
THETIS SOUS PLUSIEURS FORMES
p356
Thetis deesse maritime fut aimee de Jupiter qui s' en
désista, sur ce que Protee avoit prédit qu' elle auroit un
fils plus grand que son pere. Pelee en fut épris, mais elle
changeoit de diverses formes pour l' éviter. Enfin l' ayant tr
vee endormie, il se servit de son avantage, et il en eut le
lant Achille, ainsi la prédiction fut vraye.
p357
v il est nuisible en amour, en procés,
à qui desire avoir un bon succés
de trop dormir. Sur la troupe écaillee
regnoit Thetis deesse bien taillee,
elle estoit froide, Amour, et tu le sçais.
Pelee aprés d' inutiles essais
la trouva seule ayant chez elle accés,
elle dormoit toute deshabillee.
Il est nuisible.
Trop de respect eut causé son dés,
le tems fut propre, et meur estoit l' abcés.
Qui dort si fort n' est pas bien conseillee,
on risque aussi d' estre trop éveillee.
En toute chose il faut fr l' excés.
Il est nuisible. v
CHIONNE
p358
Chionne avoit quantité d' amans ; et mesme elle fut ai-
mee de Mercure et d' Apollon, qui tous deux furent bien
avec elle. Elle osa s' égaler à Diane, qui la tua d' un coup
fléche.
p359
v pour son malheur cette beauté fut faite,
deux puissans dieux la trouverent parfaite,
à tout le moins son orgueïl s' en vantoit,
et pour le dire en un mot, elle estoit
ce qu' on apelle une franche coquette.
Sans mille amans elle estoit inquiéte,
voyez comment Diane aussi la traite,
mesme à Diane elle le disputoit.
Pour son malheur.
Coqueterie à cent maux est sujette,
et c' est un tronc qui pullule, et rejette,
ô siécle heureux, si plus il n' en restoit !
Mais elle éclate ainsi qu' elle éclatoit,
il s' en faut bien que la terre en soit nette.
Pour son malheur. v
DEDALION EN OISEAU DE PROYE
p360
Dedalion estoit pere de cette mesme Chionne, et il fut
tellement affligé de sa mort, qu' il fut transformé en oi-
seau de proye comme il alloit pour se pcipiter.
p361
v d' un pesant faix d' ans, et d' ennuis chargé
Dedalion en oiseau fut changé
aprés la mort de sa fille Chionne
jeune et charmante, il est vray, mais friponne,
et dont le coeur estoit trop partagé.
Sous un tel joug on estoit enragé,
de ses faveurs point, ou guére obligé,
c' estoit un prix, c' estoit une couronne.
D' un pesant faix.
Qu' une coquette où l' on s' est enga
du monde ainsi vienne à prendre congé,
je ne sçay pas si la raison ordonne
qu' à la douleur le pere s' abandonne,
mais pour l' amant je le tiens soulagé.
D' un pesant faix. v
UN LOUP MARIN EN ROCHER
p362
un loup marin avoit dévoré les troupeaux de Pelee, et
je ne sçay pas bien si ce fut pour cela qu' il fut chan
en rocher.
p363
v ce méchant loup, quoy qu' en pierre, plaist,
et déconcerte un troupeau quand il paist.
Tout se sentit de sa fureur brutale,
aux vaches, boeufs, et taureaux si fatale,
et de la mer il gagna la forest.
à faire pis, s' il se peut, toûjours prest,
la dureté qu' il eut se reconnoist,
des yeux il semble encor qu' il vous avale.
Ce chant loup.
Le ciel vengea le commun interest,
et l' ayant fait rocher tel qu' il parest,
son chastiment dans la campagne étale,
pour un exemple à ceux de sa cabale.
Dévorateurs, voyez-le comme il est.
Ce chant loup. v
PENELOPE
p364
Penelope estoit femme d' Ulysse, et si vertueuse, qu' elle
tint bon contre quantité d' amans qui la pressoient, et
qu' elle amusa par de fausses esperances, et se détournant de
plaisirs par une continuelle attache à ses ouvrages, jusques
retour d' Ulysse qui les tua tous.
p365
v l' oisiveté c' est la mere des vices,
comme l' on dit ; mais fuyant les délices,
de son travail ocupee avec soin
cette beauté tant qu' Ulysse fut loin,
de sa vertu donna de clairs indices.
Plus ses amans l' acabloient de services,
plus elle usoit de sages artifices,
pour l' éviter en ce pressant besoin.
L' oisiveté.
Pratiquez-vous les mesmes exercices,
femmes, tjours au bord des précipices ?
Nulle de vous n' est marquee à ce coin,
je vous en prens vous-mesmes à témoin.
Qui fait tomber de si beaux édifices ?
L' oisiveté. v
ENDYMION
p366
la lune devint éprise du berger Endymion, l' ayant trou-
endormi sur une montagne de la Carie.
p367
v en descendant de son poste sublime
la lune crût ne pas commettre un crime
de s' abaisser jusqu' à ce tendre ami
qu' elle trouva sur un mont endormi,
elle en oublie autel, encens, victime.
Elle n' avoit pour luy que de l' estime,
ce luy sembloit ; mais son silence exprime
qu' il seloit autre chose parmi.
En descendant.
Lors que l' amour prend un vol légitime,
qu' il se mesure, il parle, et sa maxime
est d' affecter un ton bien affermi,
mais il n' est pas plus gros qu' une fourmi,
il ne dit mot, et sa honte l' oprime.
En descendant. v
CEÏX ET ALCYONNE EN ALCYONS
p368
Ceïx et Alcyonne s' aimérent tendrement : le mari fit
naufrage, et la femme se noya de desespoir. Tous deux
furent changez en alcyons.
p369
v ce bel exemple est d' un extrême prix
pour attacher les femmes aux maris.
Ceïx no vient à bord plein d' écume,
et sa moitié qui d' ennuï se consume
en reconnoist le funeste débris.
De tout son coeur de desespoir surpris
elle se noye aprés d' horribles cris.
Ah qu' il est grand, et qu' il a d' amertume.
Ce bel exemple !
Dans tous les tems que d' epoux sontris
sans que pas une ait le mesme entrepris,
quoy que de soy chaque femme présume,
mais une fois aussi n' est pas coûtume,
il est tout neuf, et n' a point esté pris.
Ce bel exemple. v
ESAQUE EN PLONGEON
p370
la nimphe Hesperie fuiant Esaque qui en estoit amou-
reux, fut piquee par un serpent, et tomba morte : il en
fut si affligé, qu' il se précipita dans la mer, et fut chang
un plongeon.
p371
v fuir un amant dans l' ordinaire cours
des passions que l' on void tous les jours,
estoit bien fait à la sage Hesperie,
le jeune Esaque avec idolatrie
de cette belle imploroit le secours.
Sur son chemin elle aimoit mieux les ours
et les lions, que les tendres amours,
on ne sçauroit avec plus d' industrie.
Fuir un amant.
Pour esquiver sa flâme et ses discours,
elle cherchoit les plus secrets détours,
et traversant une verte prairie
par un serpent meurt la nimphe cherie :
tant il est vray qu' il ne faut pas toûjours.
Fuir un amant. v
IPHIGENIE
p372
le devin Calchas ayant dit au roy Agamemnon que ses
vaisseaux ne partiroient point du port pour aller assiéger
Troye, qu' il n' eut sacrifié sa fille Iphigénie, on la mena
l' autel, et Diane y mit une biche en sa place.
p373
v le coeur est tout outré de la demande
que fait Calchas, c' est une dure amende
pour obtenir des vens l' heureux retour
qu' Iphigénie en ce triste sejour
soit la victime aussi belle que grande.
Déja son front est ceint d' une guirlande,
et son coeur veut ce que le ciel commande,
en faut-il plus pour faire au ciel sa cour ?
Le coeur est tout.
Diane veut qu' une biche se rende
sur le bucher, et son sang y répande,
rien qu' à la beste il n' en coûte le jour.
Les autres dieux sont faits comme l' amour,
il ne leur faut que le coeur en offrande.
Le coeur est tout. v
LAPITHES ET CENTAURES
p374
Piryths épousa Hippodamie, et les centaures ayant
esté conviez à cette noce, le plus cruel d' eux s' estant
enyvré voulut enlever cette princesse : il y eut un grand co
bat les centaures furent défaits.
p375
v pour gaster tout l' apareil nuptial
beaucoup de gens firent beaucoup de mal,
et l' assistance aux noces conviee,
qui n' estoit pas autrement bien triee
se mutina par un trouble fatal.
Ce fut un grand, et superbegal,
mais la discorde au beau milieu du bal
à contre-tems vint sans estre priee.
Pour gaster tout.
Aprés bon vin, comme on dit, bon cheval,
un centaure yvre en qui de l' animal,
et de l' homme est la forme apariee,
ayant voulu baiser la mariee,
fit le desordre, il ne faut qu' un brutal.
Pour gaster tout. v
CYLLARE ET HYLONOME
p376
Cyllare et Hylonome furent deux jeunes centaures
qui s' aimoient. Cyllare estoit fort beau, et il fut tué au
combat des lapithes devant Hylonome sa maistresse, qui se t
sur son corps du mesme fer qui l' avoit frapé.
p377
v ni moins bien fait qu' un poli damoiseau,
ni moins galant n' est ce galant nouveau,
homme et cheval, pour plus d' une conqueste
ses cheveux bruns paroient sa belle teste,
et pour l' amour c' estoit un bon morceau.
Celle à qui plût un pareil jouvanceau
femme et jument ne trouva pas moins beau
ce qu' il avoit du costé de la beste.
Ni moins bien fait.
Helas il meurt ! Et du mesme couteau
qui fit le coup, sans craindre pour sa peau
à se tuer soy-mesme elle s' apreste,
son tendre coeur n' estant pas moins honneste
que celuy qu' eut Tisbé jusqu' au tombeau.
Ni moins bien fait. v
CENIS EN HOMME INVULNERABLE
p378
Cenis fut une nimphe que Neptune abusa : elle en eut
tant de honte, qu' elle impétra de ce dieu d' estre changee
en un homme invulnerable, qui se signala au combat des la-
pithes ; mais il y fut étoufé, et transformé en un oiseau de
nom.
p379
v dans un combat d' amour et de pudeur
souvent l' amour demeure le vainqueur.
Cénis estoit jeune, innocente, et pure,
Neptune estoit pressant de sa nature,
qu' il fut heureux, qu' elle en eut de douleur !
Elle pria ce dieu pour son honneur
qu' elle changeast de sexe ayant du coeur,
et que son corps fut exemt de blessure.
Dans un combat.
Elle en obtint cette rare faveur,
et devint homme adroit, plein de valeur,
qui fit merveille en plus d' une aventure,
et ne receut pas une égratignure,
non, mais il fut étouffé par malheur.
Dans un combat. v
ACHILLE EN FILLE
p380
Thetis mere d' Achille ayant préveu qu' il mourroit au
siege de Troye, le fit élever entre les filles qui estoient
à la cour du roy Lycomede. Ulysse soupçonnant qu' il y esto
déguisé, y fut, et y porta des armes mélees parmi quelques
galanteries propres aux dames ; Achille choisit les armes,
par là il fut découvert.
p381
v le voilà pris pour fille, et bien fâc
que son honneur semble en estre taché,
pour le sauver, sa mere ainsi le pare
d' un faux habit, des hommes le sépare,
et n' en a pas pourtant meilleur marché.
Ulysse aprés l' avoir long-tems cherché,
sous des joyaux un fer avoit caché,
le jeune Achille y court, et se déclare.
Le voilà pris.
du beau sexe à choisir empesché,
sur un bijou l' une a l' oeil attaché,
et l' autre en veut à quelque nipe rare :
luy, dés qu' il voit des armes, s' en empare.
Par son sensible un coeur est-il touché ?
Le voilà pris. v
MORT D'ACHILLE
p382
Achille qui estoit si brave, fut tué de la main de Paris
qui l' estoit si peu, et qui vengea la mort de son frere
Hector par cette mort si célebre : il luy tira un coup de f
au talon, le seul endroit il pouvoit estre blessé.
p383
v fiez-vous-y sur ces gens aguerris,
déterminez, et dans le sang nourris,
qui font merveille au siége d' une ville,
le plus vaillant de tous estoit Achille,
le moins vaillant de tous estoit Paris.
Parmi les jeux, les amours, et les ris,
l' un fut du train de la belle Cypris,
l' autre au métier des armes fort habile.
Fiez-vous-y.
L' effeminé si digne depris,
et qui jamais n' avoit rien entrepris,
tua le brave à qui fut inutile
toute sa gloire, et par cette main vile
tant de lauriers furent un peu flétris.
Fiez-vous-y. v
DISPUTE POUR LES ARMES D'ACHILLE
p384
Achille estant mort, ses armes demeurerent entre Ajax
et Ulysse ; la valeur de l' un et l' éloquence de l' autre cau
rent cette dispute : Ulysse les emporta, et Ajax se tua de
poir ; de son sang naquit une fleur.
p385
v un beau combat pour les armes d' Achille
entre deux chefs, l' un vaillant, l' autre habile
se termina comme nous le lisons,
Ulysse avoit quantité de raisons,
Ajax avoit des preuves plus de mille.
C' est moy, dit l' un, qui fis prendre la ville,
l' autre, je croy le discours inutile,
pour décider ne disons rien, faisons.
Un beau combat.
Ulysse gagne, Ajax reste immobile,
une fleur naist de son sang qui distille :
sous le harnois tous deux estoient grisons,
et tous deux grands dans leurs comparaisons.
Il se fit là du phlegme et de la bile.
Un beau combat. v
POLIXENE
p386
l' ombre d' Achille apparoist, et demande que sa mort
soit vengee par le sang de Polixene fille du roy Priam,
et soeur de Paris. Pyrrus fils d' Achille la sacrifie sur
de son pere.
p387
v quand il est mort l' ombre d' Achille apelle
dessus sa tombe une fille si belle,
cette ombre veut que de son chaste flanc
pour l' apaiser il sorte un rouge étang
qui sur sa cendre indignement ruisselle.
Quelle victime ! Il n' en est point de telle,
si loin, bons dieux ! La vengeance va-t-elle ?
Qu' un si grand homme aime encore le sang.
Quand il est mort !
Je veux qu' il ait une gloire immortelle,
et que son nom sur les autres excelle,
que son courage, et magnanime et franc
sur les ros luy donne un premier rang,
que faire helas ! D' une tendre pucelle.
Quand il est mort ! v
HECUBE EN CHIENNE
p388
la reine Hecube acablee de miseres, devient furieuse de
la mort du dernier de ses enfans, que Polymnestor roy
de Trace avoit en sa garde, et qu' il avoit tpour en avoi
trésors qu' on luy avoit confiez avec sa personne : elle va t
ver ce prince avare, luy arrache les yeux, et se sauve sous
forme d' une chienne.
p389
v bien d' autres qu' elle estant meres et reines
auroient encore esté plus inhumaines ;
unchant roy nommé Polymnestor
tua son fils pour avoir son trésor,
de ses deux yeux elle eut ses deux mains pleines.
Cette douleur qui faisoit dans ses veines
bouïllir son sang enveni de haines
n' estoit pas seule, elle en avoit encor.
Bien d' autres qu' elle.
Le juste ciel eut pitié de ses peines,
changee en beste aboyant par les plaines
elle hurla, courut, et prit l' essor
ayant puni l' avare faim de l' or.
Parmi le sexe ah ! Qu' il en est de chiennes.
Bien d' autres qu' elle. v
CENDRES DE MEMNON EN OISEAUX
p390
Memnon fils de l' Aurore fut tué par Achille au siége
de Troye : sa mere prétendoit qu' il fut deïfié, mais il
fallut se contenter à moins, et ses cendres furent changees
oiseaux.
p391
v c' est bien aller en étourdie, en folle
que de son sang l' aventure desole,
echevelee, et les larmes aux yeux
l' Aurore court, et veut qu' entre les dieux
aprés sa mort son cher fils on enlle.
Ce seul penser est ce qui la console,
moins vistes sont les vents sujets d' Eole,
en un moment la voilà dans les cieux.
C' est bien aller.
Jupiter rend sa poursuite frivolle,
et de Memnon veut que la cendre vole
avec sa gloire en mille et mille lieux,
et que son nom illustre et précieux
aille toûjours de l' un à l' autre pole.
C' est bien aller. v
FILLES D'ANIUS EN PIGEONS
p392
Anius avoit deux filles à qui les dieux donnerent de pou-
voir changer tout ce qu' elles voudroient en bled par leur
attouchement. Agamemnon les fit enlever pour nourrir l' arme
greque ; mais n' y voulant point consentir, elles eurent reco
à ces mesmes dieux, qui pour les sauver les transformerent e
pigeons.
p393
v d' un grand secours sont les riches presens
que fait Céres aux humains tous les ans.
Deux soeurs aux dieux ayant esté fidelles,
tout devint bled dans les mains de ces belles,
et ce don fut le prix de leur encens.
La faim nous rend foibles et languissans,
et ce besoin est un des plus pressans :
à dire vray, c' estoit là deux pucelles.
D' un grand secours.
Les grecs en guerre, et nombreux et puissans,
afin d' avoir des vivres suffisans
par la prison vouloient s' asseurer d' elles,
fort à propos il leur survint desles.
Le juste ciel est pour les innocens.
D' un grand secours. v
FILLES D'ORION EN HOM. COURONNEZ
p394
comme la peste estoit à Thébes, et que l' oracle avoit dit
qu' elle ne finiroit point si deux filles ne s' offroient pour
estre sacrifiees, ces deux soeurs sevoüérent pour le salu
la patrie ; et aprés qu' elles eurent esté brûlees, leurs cen
furent changees en deux jeunes hommes avec des couronnes.
p395
v que rien n' efface une action si belle,
que la memoire en demeure éternelle.
Deux jeunes soeurs aller ainsi s' offrant,
pour leur païs lors que la peste y prend,
et s' immoler avecque tant de zelle.
Sur le bucher l' une et l' autre pucelle
sçait maintenir sa grace naturelle,
leur teint conserve un éclat en mourant.
Que rien n' efface.
Que fit leur cendre, et que produisit-elle ?
Il en sortit parmi quelque étincelle,
deux beaux garçons couronnez d' un air grand.
Lors qu' on perit dans ce qu' on entreprend,
il en résulte une gloire immortelle.
Que rien n' efface. v
JUGEMENT DE PARIS
p396
tout le ciel ayant esté convié aux noces de Thétis et de
Pélee ; la discorde indignee de n' en point estre jetta une
pomme d' or dans l' assemblee avec cette inscription, pour l
belle . Junon, Pallas et Vénus entrerent en contestati
point-là, et furent toutes trois trouver le jeune Paris, qu
firent leur juge. Il donna la pomme à Vénus.
p397
v à la beauté, c' est trop que tout prétende.
Trois deïtez de la celeste bande
furent trouver autrefois sur cela
le beau Paris : chacune luy parla,
comme son droit au juge on recommande.
Chacune espere, et chacune apprehende,
pour obtenir le prix qu' elle demande,
chacune joint les hauts talens qu' elle a.
à la beauté.
Moy, dit Junon, je suis riche, et suis grande,
moy, dit Pallas, des sçavans j' ay l' offrande,
moy, dit Venus, je suis belle, et par là
je dois avoir la pomme que voilà,
aussi l' eut-elle. Il faut que tout se rende.
à la beauté. v
LE JUGE D'AMBRACIE EN PIERRE
p398
un juge de la ville d' Ambracie fut changé en pierre, pour
avoir trop fait d' injustices.
p399
v comme une pierre est assez remarquable,
il en paroist une considerable
dans Ambracie, et la forme qu' elle a
est d' un faux juge, et qui se signala
en tout ce dont l' injustice est capable.
Le ciel qui veut que l' on soit équitable,
fit de son corps un changement semblable,
et pour l' exemple a voulu qu' il soit là.
Comme une pierre.
Faveur luy pt, don luy fut agréable,
à toutes mains il prit le miserable,
aveugle et sourd il faut estre en cela,
le verroit-on ainsi que le voilà,
si dans son siége on l' eut veu ferme et stable.
Comme une pierre ? v
GLAUQUE EN DIEU MARIN
p400
Glauque célébre pescheur ayant v quelques poissons
qu' il avoit mis sur l' herbe reprendre une nouvelle force,
et resauter dans l' eau, mit de cette herbe dans sa bouche po
en connoistre la propriété ; et en un moment devenu furieux,
il se précipita dans la mer, où les dieux marins le receuren
leur compagnie.
p401
v à pas un autre entre ceux de son âge
ne cedoit Glauque. Un jour sur le rivage
certaine herbe, et croist, et s' entretient,
il s' aperçoit que le poisson devient
plus vigoureux, et saute davantage.
Surpris du fait, curieux, et peu sage,
il en voulut taster à son dommage,
en sa personne on vid ce qui n' avient.
à pas un autre.
Tout furieux il se jette à la nage,
et dans les flots il auroit fait naufrage,
mais par pitié Neptune le soûtient.
à telles gens telle chose convient
qui ne sçauroit estre d' un bon usage.
à pas un autre. v
ACIS ET GALATEE
p402
Acis estoit amoureux et aimé de Galatee : le geant Poly-
phéme en estoit jaloux, comme de raison, et d' un mor-
ceau de rocher il assomma le jeune Acis, dont le sang fut c
gé en un fleuve de son nom.
p403
v dix-huit ans estoit l' âge précis
de Galatee, et du berger Acis,
tous deux s' aimoient d' une amour tendre et pure,
comme jaloux Polyphéme en murmure
s' en arrachant ses longs poils épaissis.
Avec sa fluste il charmoit ses soucis,
eux cependant l' un prés de l' autre assis
l' auroient laissé plaindre son avanture.
Dix-huit ans.
Ses noirs soupçons estant trop éclaircis,
il les surprend demi-morts, et transis,
et d' un rival se venge outre mesure.
Qu' à digerer c' est une chose dure
pour des barbons qui font les radoucis.
Dix-huit ans ! v
SCYLLE EN ROCHER
p404
Circé jalouse de Scylle dont Glauque estoit amoureux
empoisonna le ruisseau où cette belle avoit accoûtumé de
se baigner, et luy fit prendre une forme si horrible du vent
en bas, qu' ayant horreur d' elle-mesme, elle se précipita dan
la mer, et fut changee en rocher.
p405
v pour sa rivale eut Circé mille soins,
fut au-devant de ses petits besoins,
et n' affecta rien tant que d' estre utille,
à la trop belle, et trop charmante Scylle,
qu' elle perdit à la fin anmoins.
De son projet les enfers sont témoins,
elle en ayant fureté tous les coins,
prépare un bain, cent herbes y distille.
Pour sa rivale.
à tout cela quelques mots furent joints,
le charme fut complet en tous ses points,
et cette nimphe adorable entre mille,
devint l' horreur de toute la Sicile.
Quand on le peut on n' en fait guere moins.
Pour sa rivale. v
LES CERCOPES EN SINGES
p406
les cercopes estoient un peuple fourbe etchant, que
Jupiter transforma en singes, et qu' il rélegua dans l' isle
Pythecuse.
p407
v les gens malins sont d' un fâcheux commerce,
et tout le monde est leur partie adverse.
Les singes sont hideux, et contrefaits,
c' estoit jadis de vrais hommes parfaits,
souples, adroits, pleins de ruse diverse.
Mais un venim venoit à la traverse,
qui découvroit leur nature perverse ;
pour les punir, ils furent ainsi faits.
Les gens malins.
Par eux l' on voit que tout se bouleverse,
et c' est afin que la vertu s' exerce
qu' il plaist au ciel de les laisser en paix,
produire tant de sinistres effets,
parmi les bons Jupiter les disperse.
Les gens malins. v
COMPAGNONS D'ULYSSE EN PORCS
p408
les compagnons d' Ulysse furent changez en porcs par les
malefices de Circé, et rétablis dans leur premiére forme
par la vertu d' Ulysse.
p409
v les compagnons d' Ulysse avoient lais
en arivant au palais de Circé,
l' humaine forme en toute sa structure,
et de pourceaux avoient pris la figure,
mais que leur chef en parut offensé.
D' un rude poil leur corps fut herissé,
de leur abord il se sentit bles,
ils s' égayoient se veautrant dans l' ordure.
Les compagnons.
Par sa vertu l' enfer fut terras,
eux revenus à leur estat passé,
et dégagez de cette forme impure
sont d' autant plus honteux de l' aventure
qu' ils s' estoient vs d' un homme si sensé.
Les compagnons. v
PICUS EN PIVERT
p410
Circé amoureuse de Picus qui ne l' aima point, parce qu' il
n' aimoit que sa femme Canante, à qui il ne voulut point
manquer de foy, le changea en pivert.
p411
v l' on en voit moins que jamais de ces beaux
jeunes maris, fidelles, et loyaux
tels que Picus, ce rare personnage
qui conserva la foy du mariage,
et de Circé méprisa les cadeaux.
Quand il en vient, ce sont des fruits nouveaux,
son sort fait peur aux epoux jouvenceaux,
depuis le temps qu' il est sous ce plumage.
L' on en voit moins.
Ces piverts là sont d' honnestes oiseaux,
pour leurs moitiez ce sont de francs moineaux,
mais à leur vol, ainsi qu' à leur ramage
on les prendroit pour oiseaux de passage,
il n' en est pas comme des etourneaux.
L' on en voit moins. v
CANANTE EN AIR OU EN VOIX
p412
Canante femme de Picus estoit belle, et chantoit bien :
elle fut tellement affligee de la perte de son mari, qu' à
force de pleurer, et de soûpirer elle fut transformee en air
en voix ; et le lieu où cela ariva porte encore son nom.
p413
v la chose est rare, entre les nouveautez
semblables cas doivent estre citez :
de son épouse un homme se contente,
de son épouse il en fait son amante,
et ne court point à d' autres voluptez.
Quelques maris sont aussi regretez,
mais qu' on se porte à ces extremitez
il n' apartient qu' à la sage Canante.
La chose est rare.
Ses desespoirs ne sont point imitez,
en longs soûpirs, et jamais limitez
elle exhala sa personne mourante,
et ne fut plus qu' une voix languissante.
à dire vray, de tous les deux costez.
La chose est rare. v
SOLDATS DE DIOMEDE EN OISEAUX
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Diomede fit des merveilles au siége de Troye, où les
dieux estoient partagez, mais il blessa la deesse Vénus ;
et elle pour s' en venger fit que sa femme luy manqua de foy,
et mesme elle étendit sa vengeance jusques sur ses soldats,
furent changez en oiseaux blancs.
p415
v les pauvres gens marchoient sous le drapeau
d' un vaillant chef ; de ses faits le moins beau
c' est qu' une fois combatant pour la Gréce
tout le ciel partagé s' interesse,
à Vénus mesme il entama la peau.
Eux innocens furent jusqu' au tombeau
persecutez sur la terre et sur l' eau,
en oiseaux blancs ils volerent sans cesse.
Les pauvres gens.
Luy pour sa peine eut de l' air d' un oiseau
qui dit coucou pendant le renouveau,
de ses pareils assez grande est la presse,
ils n' ont point fait de mal à la deesse,
et cependant qu' ont-ils sous leur chapeau.
Les pauvres gens ? v
APULUS EN OLIVIER SAUVAGE
p416
Apulus fut un berger impertinent changé en olivier
sauvage, pour avoir mépriles nimphes, et leur avoir
dit des choses sales.
p417
v voyez-vous bien cét arbre triste et vieux ?
C' estoit jadis un sot malicieux,
sauvage, dur, qui n' aimoit qu' à médire,
et devant qui les filles n' osoient rire,
enfin le fleau de l' ouïe et des yeux.
En fruits amers il est fort copieux,
l' écorce est rude, un feuïllage ennuyeux
qui rien au coeur d' agreable n' inspire.
Voyez-vous bien ?
En olivier par le vouloir des dieux
il fut changé, les nimphes de ces lieux
luy souhaitoient quelque chose de pire.
Devant le sexe il ne faut jamais dire
rien d' incivil, ni de licentieux.
Voyez-vous bien ? v
ARDEE EN OISEAU
p418
Ardee estoit la ville capitale des rutules, où Turnus te-
noit sa cour : Enee l' ayant vaincu la brûla, et de sa cendr
il sortit un oiseau que l' on crût en avoir esté formé, et qu
porte son nom.
p419
v je vous en prie, observons bien cela ;
Ardee en pompe autrefois excella,
telle grandeur ne se rencontre guéres,
ses tours, ses murs, son peuple, ses affaires,
on ne sçauroit plus dire, les voilà.
En un moment cette ville brûla,
et de sa cendre un oiseau s' envola :
voit-on souvent de ces traits exemplaires.
Je vous en prie ?
Tant de citez que le ciel acabla,
qu' avec respect l' univers contempla,
n' ont point laissé de traces plus legéres,
et le destin des choses passagéres
voulez-vous qu' il soit mieux peint que là.
Je vous en prie ? v
ENEE DEÏFIE
p420
Enee estant mort, nus sa mere demanda qu' il fut deï-
fié, ce que Jupiter luy accorda.
p421
v entre les dieux Vénus fille des flots
dés le moment qu' Enee eut les yeux clos
vint, et pria la celeste assemblee
que de son sang la gloire fut comblee,
elle y joignit les pleurs et les sanglots.
Et Jupiter luy dit en peu de mots
que sur ce fils elle fut en repos,
que sa personne alloit estre enrôlee.
Entre les dieux.
Quand ce grand homme eut les destins à dos
elle intervint pour luy fort à propos.
Avec Mars Vénus un peulee
rend la fortune en bonheur signalee,
et ne nuit pas à placer un héros.
Entre les dieux. v
VENS ENFERMEZ
p422
Ulysse alla visiter Eole roy des vens, qui luy fit pre-
sent d' un cuir de boeuf où il y avoit quelque chose de-
dans : sa curiosité, ou plûtost l' avarice des siens faillit
dre, car n' ayant pû s' empescher de l' ouvrir, les vens en sor
rent avec une tempeste horrible.
p423
v en pleine mer, et fort loin du rivage
Ulysse errant vid la grotte sauvage
des tourbillons fiers et séditieux,
il eut d' Eole un acueïl gracieux,
et bien du vent pour faire son voyage.
Dans une peau, comme dans une cage
estoient ces vens qui font tant de ravage,
les seuls zéphirs libres souffloient des mieux.
En pleine mer.
Ce don fermé préservoit de l' orage,
et de l' ouvrir c' eust esté grand dommage,
ce qui fut fait par gens trop curieux,
de là sortit l' aquilon furieux,
et le vaisseau pensa faire naufrage.
En pleine mer. v
VAISSEAUX D'ENEE EN NIMPHES
p424
il y eut un grand combat naval entre Enee et Turnus, où le
premier eut du pire, et comme ses vaisseaux alloient estre
brûlez, la deesse Vénus sa mere les changea en autant de
nimphes.
p425
v fait comme il est le coeur du brave Enee
gémit de voir sa flote ruïnee,
par la pitié qu' anus de ses maux
chaque navire estant presque en morceaux,
de nimphe prend la forme inopinee.
disparoist l' escadre infortunee,
et tout sanglant celuy qui la menee
reste au milieu d' un cercle des plus beaux.
Fait comme il est.
Il seroit bon que Ruiter cette annee
eut contre nous la mesme destinee,
et que pensant conduire des vaisseaux,
il conduisit des nimphes sur les eaux,
qu' il eut un peu l' ame passionnee.
Fait comme il est. v
LA SYBILE EN VOIX
p426
Apollon qui aimoit Sybile fille de Glauque, luy acorda
de pouvoir vivre autant d' annees qu' elle tenoit de grains
de sable dans ses mains ; et enfin elle devint si vieille, q
luy resta plus que la voix dont elle présidoit l' avenir.
p427
v elle a cessé d' estre considérable
la vieille nimphe en jeunesse passable,
du blond Phébus elle obtint autrefois
de pouvoir vivre autant de douze mois
qu' elle pouroit tenir de grains de sable.
Enfin tout change, et tout est périssable,
elle n' a plus esté reconnoissable,
sa gloire avoit éclaté tant de fois.
Elle a cessé.
Ce ne fut plus qu' une voix admirable,
et dans un antre obscur, et rable
on consultoit cette fameuse voix :
mais les faux dieux des peuples et des rois
ayant fléchi devant le veritable.
Elle a cessé. v
ANAXARETTE EN ROCHER
p428
Anaxarette fut changee en rocher pour son extrême
dureté à l' égard du pauvre Iphis son amant qui se pen-
dit à sa porte.
p429
v pour une ingrate et les jours et les nuits
un pauvre amant se consumoit d' ennuïs :
de ce coeur dur n' ayant rien à prétendre
au desespoir il se laissa surprendre,
mourons, dit-il, je le veux, je le puis.
Poignardons-nous, jettons-nous dans un puits,
ou pendons-nous plûtost devant son huis,
ce dernierluy parut le plus tendre.
Pour une ingrate.
Elle le voit, le considére, et puis
n' y songe plus insensible à tous bruits :
en pierre dure, et malaisee à fendre
elle est changee, et s' y devoit attendre ;
personne aussi ne s' est pendu depuis.
Pour une ingrate. v
BOULES NOIRES EN BOULES BLANCHES
p430
Mycile inspiré en songe par Hercule de s' en aller en
Italie, et de quitter là Argos qui estoit sa ville : comme
il faisoit ses aprests pour obeïr à ce dieu, quoy qu' il cont
vint à la loy qui défendoit que l' on quittast son païs, il f
condamné injustement, et sauvé par miracle, les boules noire
ayant esté changees en boules blanches.
p431
v devant les yeux des hommes qui va droit
est bienheureux, mais il faut estre adroit
quand la loy choque un avis qu' un dieu donne :
au vieux Mycile Hercule en songe ordonne
de s' en aller, le bon homme le croit.
Tout ce que veut le ciel il le voudroit,
la loy défend qu' il sorte, ô quel détroit !
Que d' embaras dont la suite l' étonne.
Devant les yeux !
Il veut partir quand mesme il se perdroit,
le magistrat injuste en son endroit
en le pensant condamner luy pardonne.
Ainsi Thémis s' égare, et s' abandonne
sous le bandeau celebre qu' on luy voit.
Devant les yeux. v
VERTUMNE ET POMONE
p432
Vertumne amoureux de Pomone deesse des jardins et
des fruits, se changea en toute sorte de formes pour luy
plaire, et il ne fut heureux que sous celle d' une vieille, q
persuada par des contes d' amans punis de leur ingratitude.
p433
v il faut se rendre à ce dieu qui petille
dans tes beaux yeux, Pomone, tout fourmille
de soûpirans qui composent ta cour,
l' amour enfin n' aura-t-il point son tour ?
L' honneur auprés n' est rien qu' une vetille.
Aime Vertumne où tant de gloire brille
(c' estoit Vertumne en mere de famille
qui luy parloit) admire son amour.
Il faut se rendre.
L' amorce prend dans la nimphe gentille,
de ses mains tombe, et serpette et faucille,
du blanc au noir soudain fut le retour,
ne commençant d' aimer que de ce jour.
Lors qu' une vieille entreprend une fille.
Il faut se rendre. v
CIPPUS CORNU
p434
Cippus préteur romain revenant victorieux, on s' aper-
ceut qu' il avoit des cornes à la teste comme il estoit sur l
point d' entrer dans la ville de Rome : les devins dirent qu
c' estoit signe qu' il seroit élû roy dés qu' il auroit pasl
tes ; mais luy ne voulant point de la puissance royale, se r
plûtost que d' y faire son entree.
p435
v une couronne est charmante, elle doit
plaire à beaucoup, quelque ferme qu' on soit,
qui court aprés témoigne du courage,
qui n' en veut point en montre davantage,
et dans Cippus un exemple s' en voit.
Il s' aperceut un jour qu' on le suivoit,
parce qu' au front des cornes il avoit,
que pensez-vous que cela luy présage ?
Une couronne.
L' oracle dit, et fit toucher au doigt
qu' à son abord dans Rome on prétendoit
l' élire roy par le commun suffrage,
mais, ô merveille inconuë à nostre âge !
Il refusa d' entrer l' attendoit.
Une couronne. v
PERYCLIMENE EN AIGLE
p436
Peryclimene eut le don de se transformer en tout ce
qu' il vouloit : comme il se battoit un jour avec Hercule,
et qu' il se sentit pressé, il se changea en aigle pour s' éch
ne laissa pas d' estre tué d' un coup de fléche.
p437
v en seureté se crût Peryclimene,
qui se battoit contre le fils d' Alcmene :
quoy qu' en valeur il parut un lion,
pour s' échaper selon l' occasion
il déguisa souvent sa forme humaine.
Comme il sentit qu' il resistoit à peine,
il devint aigle, et sa fierté hautaine
pensoit briller par cette invention.
En seureté.
Mais à la fin son adresse fut vaine,
un trait fatal d' une atteinte soudaine
le renversa plein de confusion.
Il n' y faut pas tant de précaution,
et rarement la prudence nous méne.
En seureté. v
HERSILIE EN DEESSE
p438
Hersilie fut enlevee avec les autres sabines, et tomba
en partage à Romulus qui l' épousa. Ce fut le modelle des
honnestes femmes de son tems, et elle fit autant d' honneur à
son sexe que Romulus en avoit fait au sien. Comme son mari
fut mis entre les dieux aprés sa mort, elle eut aussi des sa
fices à part sous le nom de la deesse Ora.
p439
v d' elle jamais Romulus n' eut d' ennuy,
elle n' avoit de plaisir que celuy
d' estre agreable à son epoux fidelle,
ils exerçoient leur vertu mutuelle,
elle ornoit Rome, il en estoit l' apuy.
Sans se trouver dans les contes d' autruy,
chez elle en paix ; des femmes d' aujourd' huy
souvent il naist bruit, tracas, ou querelle.
D' elle jamais.
Le trop d' éclat au sexe a toûjours nuy,
mais Hersilie aussi l' a toûjours fuy,
un homme agit sur un autre modelle,
il n' en est pas ainsi que d' une belle,
il faut toûjours que l' on parle de luy.
D' elle jamais. v
EGERIE EN FONTAINE
p440
Egerie estoit femme de Numa, et son principal conseil.
Quand ce roy fut mort, elle le pleura tant qu' elle se di-
stilla toute en larmes, et devint une fontaine.
p441
v dans le besoin Egerie adorable
servoit Numa son époux venerable,
il faisoit tout avec ordre, avec poids,
et ce grand homme acheva par ses loix
de Romulus l' ouvrage incomparable.
Quand il mourut sa perte irreparable
fut de ses pleurs la source inépuisable,
en vain la Parque elle apella cent fois.
Dans le besoin.
Sans une femme on seroit miserable,
pourveu, s' entend, qu' elle soit agreable,
sage, sans bruit, commode en tous endroits,
de bon conseil, propre à divers emplois,
et je ne voy rien de plus secourable.
Dans le besoin. v
TAGES
p442
un païsan en labourant son champ vid un enfant se for-
mer d' une motte de terre, et ce mesme enfant fut en son
tems un grand devin. Il se nommoit Tages.
p443
v en labourant un jour sous sa char
un homme vid une chose peu cruë,
du guéret frais un enfant singulier
vint à sortir, se mouvoir, et crier,
en un moment sa personne fut druë.
Elle parla de maniére congruë,
mesme exposa l' avenir à la veuë,
surpris du cas il fut le publier.
En labourant.
C' est labourer d' une tasche assiduë
que cultiver une enfance ingénuë,
la terre doit sous le ctre plier,
au maistre doit obeïr l' escolier,
de part et d' autre il faut qu' on s' évertuë.
En labourant. v
LE DARD DE ROMULUS EN ARBRE
p444
Romulus ayant planté son dard en terre, il y prit ra-
cine et devint un arbre. Les romains crûrent que c' estoit
un présage de la grandeur de leur estat.
p445
v à ses voisins Romule en étalage
met le plus grand prodige de son âge,
et dont contr' eux finement il se sert.
Son dard planté devient un arbre vert
qui dessus Rome étendoit son feuïllage.
De sa grandeur c' est l' infaillible gage,
et ses sujets acceptent le présage,
à contresens l' augure en est offert.
à ses voisins.
Par cét exemple un roy puissant et sage
du sceptre doit faire le mesme usage,
et quand il est en politique expert,
dedans ses mains florissant à couvert
il tient son peuple, et donne de l' ombrage.
à ses voisins. v
PYTHAGORE
p446
Pythagore enseigna la metempsycose, et voulut per-
suader que son ame avoit passé en plusieurs corps avant
que de venir dans le sien, se ressouvenant mesme, à ce qu' il
disoit, d' avoir esté autrefois au siége de Troye sous le no
phorbus, et d' y avoir esté tué par Menelaüs.
p447
v qu' un philosophe est creux, vague et confus !
L' un veut sonder le flux et le reflux,
avecque luy son vaste orgueïl se noye,
l' autre prétend suivre la bonne voye,
et ne va point par des chemins battus.
De tout le monde il se met au dessus
par ses raisons, comme par ses vertus,
c' est une teste aux chimeres en proye.
Qu' un philosophe.
à Pythagore est-ce un leger abus
de nous conter qu' il estoit Euphorbus,
se souvenant d' estre mort devant Troye ?
Quand il le croit, et qu' il veut qu' on le croye,
il faut qu' il soit quelque chose de plus.
Qu' un philosophe. v
VIRBIUS
p448
Hipolite fut ressuscité sous le nom de Virbius : il n' a-
voit point voulu répondre à la passion de Phédre femme
de son pere Thésee, et il fut déchiré par un monstre marin.
p449
v ce garçon chaste, et qui sçeût resister
avoit vint ans, ou moins à bien conter,
il plût aux yeux d' une reine fort belle
qui déploya tout ce qui fut en elle
de plus charmant, afin de le tenter.
Mais n' ayant jamais le surmonter,
elle se mit à le persecuter,
et fit rir par une mort cruelle.
Ce garçon chaste.
Plus d' une fois essaya Jupiter
d' en faire un autre, et si bien l' imiter
que sa figure enfin fut toute telle,
mais en ayant égaré le modelle,
le plus court fut de le ressusciter.
Ce garçon chaste. v
ESCULAPE EN SERPENT
p450
on alla chercher Esculape jusques à Epidaure, suivant la
prétenduë réponse de l' oracle, pour faire cesser la peste
qui estoit à Rome, et on l' amena changé en serpent ; c' esto
dieu de la médecine.
p451
v comme un serpent Esculape passa,
et des prudens la prudence effaça,
desdecins il eût le patronage,
parmi les gens faits à son badinage
à quantité les jours il avança.
Entre les dieux son sçavoir le plaça,
grand, et fameux depuis mille ans en ça,
et l' on révere encore son image.
Comme un serpent.
Qu' en un métier peu seûr il s' exerça !
On dit que Rome aprés luy s' empressa,
fut au devant, mais Rome estoit trop sage
pour se vouloir charger du personnage.
Aparemment le drosle s' y glissa.
Comme un serpent. v
JULES CESAR EN COMETE
p452
Jules César ayant esté assassiné dans le sénat, fut changé
en comete.
p453
v aux grands estats d' une ardeur martiale
Jule a fait voir sa force sans égale,
ce divin Jule, unnie agissant,
et de bien loin les autres surpassant,
dont la puissance estoit plus que royale.
La renommee encore au monde étale
cette valeur si célebre à Pharsale,
doux est le joug qu' il impose en passant.
Aux grands estats.
En pleinnat il tombe froid et pâle,
non sans chagrin sa grande ame s' exhale,
et dans le ciel en s' y réünissant
trace sur Rome un long feu menaçant,
estant changee en comete fatale.
Aux grands estats. v
CHIFFRE
p455
les lettres capitales de chaque vers
du rondeau qui suit, composent un
sens mystérieux, et qui porte ailleurs que
sur Monseigneur Le Dauphin : les lecteurs
tâcheront, s' il leur plaist, à le trouver, et
l' auteur est trop discret, pour oser l' expli-
quer luy-mesme.
p456
v m-a passion est que ton nom chan
a-ille bien loin dans la postérité,
d-auphin charmant, du monde, et de la France
a-imable, heureuse, et solide esperance,
m-on but est tel quant à la vanité.
E-t cependant disons la verité,
d-' autres motifs m' en ont sollicité,
e-ncore est-il besoin que je l' encense.
Ma passion.
L-' amour s' y mesle, et cét enfant gasté
v-eut ce qu' il veut avec autorité,
d-e n' en rien dire, ha quelle violence !
R-espect, icy tu m' imposes silence,
e-t je me tais, mais lisez à costé.
Ma passion...
p458
m-oy n' ay-je pas dequoy le disputer
a-ux beaux esprits ? Et que n' ay-je à conter
d-u rejetton de ce puissant monarque
a-qui les dieux ont confié la barque,
m-aistre du monde, et presque Jupiter ?
E-nfin je croy m' en pouvoir acquiter
d-u fils ayant, non du pere à traitter,
e-t d' un génie assez bon qu' elle marque.
Moy n' ay-je pas ?
L-e siécleait jusqu' où je puis porter
v-n nom célébre, et j' ose me vanter
d-e l' affranchir du tems, et de la Parque,
r-ien n' eut resté de Laure sans Petrarque,
e-t s' il avoit cette belle à chanter.
Moy n' ay-je pas... v
AUTRE PLUS AUGUSTE NOM
p459
comme il n' apartient pas à toute
sorte de gens de loüer le roy, dont
la delicatesse n' est que trop souvent fati-
guee de beaucoup d' eloges mal aprestez,
celle de l' auteur va jusques à n' oser pas
seulement proférer son nom, et il sem-
ble montrer par là qu' il seroit à propos
que bien des personnes en fissent de mes-
me, et y aportassent une pareille circon-
spection.
p460
L-as de loüange en tant d' écrits divers,
o-ù prophané souvent dans l' univers,
v-ole son nom d' un meilleur encens digne,
i-l marche, il campe, et du repos s' indigne,
s-oit les estez, soit au fort des hivers.
Q-uand d' ennemis il voit les chams couverts
v-oulant toûjours donner tout au travers,
a-imant la gloire, et par fois c' est bon signe.
Las de loüange.
T-el, et plus grand est ce fleau des pervers,
o-quel amas de lauriers toûjours verds !
R-oy n' eut jamais cette bravoure insigne :
s-ans le nommer mon respect le désigne,
e-stant couc de son long dans ces vers.
Las de loüange...
DERNIER RONDEAU
p461
je suis dehors d' une pénible affaire,
dieu gard' de mal qui n' en sçauroit tant faire,
il est pourtant d' habilles travailleurs,
de fins, de forts, de tendres, de railleurs,
illustres noms à qui le mien fere.
Il ne faut pas me chercher dans leur spre,
encore moins dans le bas caractére
se renferme un tas de rimailleurs.
Je suis dehors.
Par un tour peu connu du vulgaire,
seul à l' écart je marche en volontaire,
les grands chemins ne sont pas les meilleurs,
pourveu qu' on puisse ariver par ailleurs,
trop frequentee est la route ordinaire.
Je suis dehors.
RONDEAU REDOUBLE POUR CONCLUSION
p462
Voila ma tasche arivée à sa fin,
la muse en est moins lasse qu' étonnee
d' avoir esté par un nouveau chemin
devant moy nul ne l' avoit menee.
à tant d' effort elle s' est obstinee,
et je voulois amuser ce dauphin,
chéri du ciel, et de la destinee.
voilà ma tasche arivée à sa fin.
pour un génie à la franchise enclin,
cette carriére est contrainte et gesnee,
j' y suis entré, je l' ay fournie enfin,
la muse en est moins lasse qu' étonnee .
Si l' entreprise en est peu fortunee,
et si l' envie y répand son venin,
la gloire au moins me doit estre donnee
d' avoir esté par un nouveau chemin .
p463
Icy la fable est d' un goust assez fin,
de quelque sel estant assaisonnee,
et la menant du rivage latin
devant moy nul ne l' avoit menee .
Pouvoir servir une enfance bien nee,
qui des vertus suit le sentier divin,
et qu' une teste auguste et couronnee
sur mon labeur jette un regard benin.
voilà ma tasche . v
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