peché, et enfin une veritable disposition dans la
volonté d' abandonner, pere, mere, freres, soeurs,
parens, amis, biens, fortunes, grandeurs, honneur,
estime, plûtost que d' abandonner le service de
Jesus-Christ, et la voye estroitte de
l' evangile : si, disje, sans nous flatter et sans nous
seduire nous-mesmes, nous trouvons toutes
ces dispositions dans nostre coeur, au moins
en quelque degré (ce qui se connoist mieux
par les actions, et par le reglement de nostre
vie que par des sentimens purement interieurs,
qui nous peuvent tromper facilement) nous
avons quelque sujet de croire que nous aimons
Dieu, et de rendre graces à sa misericorde
infinie d' avoir respandu dans nos ames quelques
flammes de ce feu celeste, que Jesus-Christ
est venu apporter du ciel en terre. Mais s' il n' y
a rien de tout cela, c' est en vain que nous nous
persuadons, que pour avoir prononcé certaines
paroles, ou formé certaines pensées nous
avons produit des actes d' amour de Dieu.
(...).
p354
C' est l' instruction que l' evangile
nous donne en cent endroits, et neantmoins
parce que, selon la pensée du mesme saint, (...) ;
cette derniere voye de priere et de travail,
que ce pere propose pour arriver à l' amour de
Dieu, semble trop longue, et trop ennuyeuse
aux penitens de ce siecle, et ils s' arrestent à la
premiere, qu' il condemne. Tout pauvres, et
tout miserables qu' ils sont, ils s' imaginent,
qu' avec l' ayde de certains termes, toutes les fois
qu' il leur plaira ils se donneront à eux-mesmes les
thresors de la charité ; et leur coeur n' estant que
glace, ils pretendent, qu' aussi-tost qu' ils se
voudront exciter à contrition, cette glace se
fondra, et s' embrasera d' elle-mesme, et produira
les flammes de l' amour de Dieu.
Que s' ils reconnoissent (comme ils y sont
obligez, à moins que de se declarer ouvertement
pelagiens) qu' il est absolument impossible
d' aymer Dieu, ou de faire un acte de contrition,
si Dieu mesme ne nous inspire cét
amour et cette contrition par une singuliere
misericorde, d' où ont-ils appris que le Saint
Esprit qui souffle où il luy plaist, ait attaché à