légalité politique ; or cette légalité manque au gouvernement actuel, d'après le principe de la
souveraineté du peuple, qu'il a invoqué lui-même pour s'établir : donc il ne peut proscrire les
Bourbons.
Parcourons les exemples que l'on suppose analogues et dont on cherche à s'appuyer.
Les Anglais en 1688, prétendirent rester fidèles à la loi de l'hérédité. La convention du 23
février 1689 déclara que Jacques second du nom, en quittant l'Angleterre avec son fils, avait
abdiqué ; que le trône était vacant, et que Marie, fille de Jacques, princesse d'Orange, était
de droit héritière du trône délaissé : Guillaume III fut associé à sa femme. L'usurpation
s'établit sur une fiction de légitimité. Si le fils de Jacques eût été protestant et remis à la
puissance parlementaire, les Anglais ne l'auraient pas exclu du trône ; jamais il ne leur serait
venu en pensée de punir un enfant innocent des fautes de son père ; en voici la preuve : cet
enfant fut exclu, non pour un soupçon de défaut de naissance légitime, supposition dont les
deux Chambres n'arguèrent pas, et qu'elles abandonnèrent, mais parce qu'il avait été
transporté en France pour y être élevé par les ennemis de la religion d'Angleterre [Rapin de Thoyras,
avec les notes de Tindal et les pièces des actes de Rymer, tom. XI, pag. 42, édit. de La Haye, in-4
o
. (N.d.A.)] .
Marie régna donc comme héritière directe de Jacques ; après elle Anne, sa soeur, monta sur
le trône ; après Anne, vint Georges Ier, petit-fils, par sa mère, de Frédéric V, électeur palatin,
et d'Elisabeth fille du roi Jacques Ier d'Angleterre. Les tentatives des Stuarts pour recouvrer
la couronne, commencèrent sous Jacques II lui-même, qui perdit, le 11 juillet 1690, la bataille
de la Boyne contre Guillaume III. Après sa mort arrivée à Saint-Germain-en-Laye, le 16
septembre 1701, son fils dit Jacques III, ou le chevalier de Saint-Georges, tenta une
descente en Ecosse au mois de mars 1708, et revint en France sans succès, le 7 avril de la
même année. Un parti s'éleva pour lui en 1715, sous Georges Ier, dans le nord de
l'Angleterre. Il passa en Ecosse en 1716, et ne fut pas plus heureux que la première fois.
L'Espagne en 1719 le voulut remettre sur le trône. La flotte castillane fut dispersée ; deux
frégates seulement débarquèrent 300 soldats, qui s'accrurent de 4 700 Ecossais, et qui
s'enfuirent à l'approche des Anglais. Jacques III épousa en 1719, à Montefiascone, Marie-
Clémentine, fille de Jacques Sobieski, et petite-fille de Jean Sobieski.
Charles-Edouard, fils aîné de Jacques III, s'embarqua à Nantes, le 12 juin 1745, prit terre sur
la fin d'août au nord de l'Ecosse, avec sept officiers seulement. Il eut cette fameuse et
brillante aventure d'armes, qui pensa lui rendre la couronne, et qui termina le 27 avril 1746, à
Culloden, la vie royale des Stuarts. Après avoir erré dans les montagnes, les marais et les
îles, Edouard parvint à sortir de l'Ecosse, le 27 septembre 1746, sur un vaisseau malouin, ne
ramenant avec lui que deux compagnons, Sullivan et Shéridan. La France, durant son
entreprise, menaçait les côtes de l'Angleterre avec une flotte et des troupes de
débarquement.
Ainsi, pendant cinquante-six années, à compter de la bataille de la Boyne à celle de
Culloden, les Stuarts ne cessèrent de troubler la Grande-Bretagne ; ils vinrent pendant les
quatre règnes de Marie, d'Anne, de Georges Ier et de Georges II, redemander à un peuple
qui ne les connaissait plus, un pouvoir contre lequel la prospérité publique et le temps
avaient prescrit. La nouvelle nation anglaise et la maison d'Hanovre se défendirent et
triomphèrent. En 1708, la tête du prétendant Jacques III fut mise à prix ; en 1745, une
récompense de 30 mille livres sterlings fut promise à quiconque livrerait mort ou vif le prince
Charles-Edouard, fils du Prétendant. Des échafauds s'élevèrent pour les Irlandais, Ecossais
et Anglais, qui avaient appelé les Stuarts dans les trois royaumes ou qui avaient été pris les
armes à la main. Mais ces proscriptions n'avaient point eu lieu avant l'attaque, elles n'en
étaient que la défense et la suite .