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DES
BREVETS D'INVENTION
DES
MARQUES DE FABRIQUE ET DE COMMERCE
ET D U
NOM COMMERCIAL
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DÉS
BREVETS
D'1NVÉTION
DES
MARQUES DE FABRIQUE & DE COMMERCE
JET DU
NOM COMMERCIAL
CONSIDÉRÉS
AU POINT DE VU E IN TE R NAT I ON AL
PAR
Albert AUGER
AVOCAT A LA COUR D'APPEL DE
PARIS DO C T E U R EN DR OIT
PARIS
L. LAROSE & FORCEL
Libraires-
Editeurs
22, RUE SOUFFLOT, 22
1882
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Se la protection internationale des inventions
brevetées, des marques de fabrique on de
commerce et du nom commercial.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Nous nous proposons d'examiner dans cette étude
quelles sont les règles qui régissent les rapports
internationaux au point de vue dela propriété
industrielle.— Cette propriété comprend les brevets
d'invention, les dessins et modèles de fabrique, les
marques de fabrique ou de commerce et le nom
commercial : telles sont au moins les seules matières
réglées par des lois spéciales. Nous laisserons de côté
ce qui concerne les dessins et modèles, restreignant
notre étude «aux deux autres grandes branches de la
propriété industrielle : brevets d'un côté, marques et
nom de l'autre-— C'est une étude qui, on peut le dire,
est à l'ordre du jour : à peu près partout aujourd'hui
la question présente un
1
2 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
intérêt sérieux, partout où l'industrie est prospère et floris-
sante, partout, les lois protègent ces intérêts, éminemment
dignes de l'attention et de la protection dugislateur, a On
finipar comprendre que cette propriété était, aps tout, aussi
respectable que la propriété des choses physiques et que
l'industrie moderne, avec ses mille découvertes, réclamait
des dispositions législatives nouvelles protégeant des inté-
rêts nouveaux : aujourd'hui les lois sur la matière forment
une partie nouvelle et importante du droit. Un point curieux
particulièrement à étudier, c'est, ce qui concerne les rela-
tions internationales, et c'est, comme nous l'avons dit, celui
que nous nous proposons d'aborder. Là, en effet, les difficul-
tés abondent, parce que dans les relations de peuple à peuple
les obstacles sont plus difficiles à franchir que quand il s'agit
de citoyens d'un même État : il manque en effet ce qu'il
faudrait, un législateur,fit pourtant, pourquoi circonscrire
la propriété industrielle au pays où elle a pris naissance,
aujourd'hui surtout que la rapidité des échanges a atteint
de si prodigieux développements ; pourquoi la protection
va-t-elle s'arrêter à la frontière ? Est-ce que l'intérêt com-
mun des peuples n'est pas de s'entendre et, à défaut de loi
commune, de conclure des traités assurant partout une-
pression énergique contre des entreprises parfaitement assi-
milables à des vols ordinaires. Hâtons-nous d'ajouter que
telle est aujourd'hui la situation: à peu près partout, le com-
merce international est protégé et les droits de chacun sont
respectés : c'est un résultat dont il faut se féliciter, pas tant
peut-être que certaines personnes le font, croyant, sans
doute, que rien n'est plus à faire, mais enfin on est arrivé à
un résultat déjà excellent, et une trop grande activité règne
DES INVENTIONS BREVETÉES 3
en ce moment dans les esprits pour que de nouveaux et
importants progrès ne soient pas encore bientôt
accom-plis.
Des conférences, des congrès se sont unis à
plusieurs reprises pour étudier, élucider les principales
questions re-latives à ces matières, et dans ces congrès
composés à la fois de fabricants, de commerçants et de
jurisconsultes, on a pu fonder pour ainsi dire les bases
d'une législation nou-velle, préparer la voie aux
différents législateurs, en leur montrant dans quel sens
ils devaient diriger leurs communs efforts. A
l'Exposition de Vienne, en 1873, eut lieu un con-grès
spécial des brevets d'invention (1) ; et, en 1878, lors de
l'Exposition internationale qui eut lieu à Paris, un
congrès se réunit encore pour étudier les principales
questions rela-tives à toutes les branches de la
propriété industrielle. Un compte rendu de ce congrès a
été publié auquel nous renver-rons souvent, non pas
évidemment comme à un texte légis-latif, mais comme
à un ouvrage résumant fidèlement l'opi-nion des
intéressés sur les questions que nous aurons à exa-
miner. La plupart des points d'ailleurs y ont él'objet
d'une discussion longue, savante et approfondie et nous
ne pou-vons mieux faire que de nous en inspirer.
Ajoutons de plus que tout récemment, le 4 novembre
1880, une conférence of-ficielle s'est réunie pour se
rendre compte de la situation res-pective des nations
représentées au point de vue de la pro-priété
industrielle, et jeter les bases d'un futur traité inter-
national. Cette idée d'un traité entre les nations
commer-
(1) Voir le compte rendu du congrès do Vienne, par M. Lyou-Caen.
Pataille, année 1873, page 370.
4 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
çanles, protégeant à tous les points de vue la propriéin-
dustrielle, semble aujourd'hui accueillie favorablement par
l'opinion. On verra au surplus dans le cours de notre étude,
à combien de besoins divers répondrait la conclusion de ces
traités, établissant une sorte d'union. L'idée d'union inter-
nationale a fait des progrès et n'est plus considérée comme
utopique : à la conférence de 1880, cette ie fut adoptée
formellement par l'Autriche, la Hongrie, la Belgique, le Bré-
sil, la France, l'Italie, le Portugal, la Suède, la Norvège, le
Venezuela, et, sauf des restrictions de pure forme, par les
l'ays-Bas, la Russie et l'Uruguay. Celte conférence au sur-
plus, faisait remarquer M. Tirard, ministre de l'Agriculture
et du Commerce, ne se proposait pas ainsi de préparer en
une seule fois un traité international complet sur la proprié-
ét industrielle. Un comprenait trop bien les difficultés que
pourrait présenter l'unification immédiate des gisla-
tions de chacun des États contractants; selon J'exprcs-
sion du président de la conférence, M. Bozérian, on n'écri-
vait pour ainsi dire que la préface « d'un livre qui va s'ou-
vrir et qui ne sera fermé peut-être qu'après de longues
années. »
Il est permis d'espérer, nous le répétons, que le mouve-
ment au lieu de diminuer s'accentuera et que bient, com-
me le disait le dégué de la Suisse, M. Kern, « une protec-
tion internationale de la propriété industrielle viendra con-
tribuer à faciliter dans l'intérêt de tous les pays, les rela-
tions commerciales. »
Quoi qu'il en soit, en attendant beaucoup de l'avenir, il
importe de se rendre un compte exact de la situation ac-
tuelle, au point de vue pratique d'abord, au point de vue
DES INVENTIONS BREVETÉES 5
théorique ensuite, afin de pouvoir préciser les réformes
ré-clamées par le commerce.
Mais avant d'entrer dans cette étude, il est peut-être
bon d'émettre une opinion sur une question à peu près
morte il y a quelque temps et ressuscite aujourd'hui ;
nous voulons parler de l'utilité ou de la non-utilité des
brevets d'inven-tion, certains auteurs la niant, en
contestant même la légi-timité. En ce qui concerne en
effet les marques de fabrique ou de commerce, le nom
commercial, on peut faire sans doute, on a fait et nous
ferons quelques critiques de dé-tail ; mais personne n'a
pu «'élever contre l'excellence même des lois
protectrices de ces branches de la propriété
industrielle. Le fabricant appose sa marque ou son nom
sur ses produits ; c'est un droit pour ainsi dire
absolument inat-taquable et auquel on ne s'est pas
attaqué. Au contraire, on a contesté l'utilité des brevets
d'invention, et comme dans le courant de cette étude
nous nous montrerons les champions ardents d'une
protection internationale sérieuse des brevets
d'invention, ainsi que, d'ailleurs, des autres branches de
la propriété industrielle, il importe de réfuter les
arguments qu'on donne pour attaquer les brevets : nous
ferons celte réfutation courte, parce qu'elle trouverait
tout aussi bien sa place dans l'introduction d'une étude
générale sur les bre-vets d'invention ; mais nous
voulons au moins réfuter les principaux arguments
parce qu'enfin, avant de s'occuper de la protection
internationale des brevets, des inventeurs, avant de
réclamer pour eux des droits plus étendus, de solliciter
des différents législateurs des lois réellement ap-
plicables en pratique et non plus seulement des lois
assu-rant une protection quelque peu théorique, il-. est
bon de
6 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
montrer combien est sacré le droit de l'inventeur,
combien il est digne de la protection des lois ; et si nous
ne défendons pas les droits du propriétaire de marque ou
du nom, c'est par cette excellente raison qu'on ne les
attaque pas. C'est seulement quand nous serons
convaincus do l'excellence, do la nécessité de règles
protégeant toutes les branches de la propriété industrielle
sans exception que nous entrerons dans l'étude que nous
nous proposons de faire : Examen de la situation actuelle
au point de vue international, ses vices ; examen des
remèdes à y apporter.
C'est surtout M. Michel Chevalier, qui dans ces
dernières années a attaqué le principe même des brevets
d'invention (Les Brevets d'invention examinés dans leurs
rapports avec le principe de ta liberté du travail et avec
le principe de l'égali
des citoyens, Paris, 1878) ; cet auteur et d'autres encore
sont allés jusqu'à dire que c'était un outrage à la liberté et
à l'industrie, que tous les amis du progrès industriel et
so-cial doivent unir leurs efforts pour délivrer l'industrie
d'en-traves, restes surannés du passé. Et cependant
tout le monde admet bien que l'inventeur rend un service
à la so-ciété, ne fût-ce qu'en divulguant son invention
qu'après tout il pourrait garder pour lui. Ceci, admis, il
semble bien na-turel que l'inventeur a droit à une
récompense quelconque de la société. S'il a droit à une
récompense comment l'arbi-trer, peut-on savoir a priori
si la découverte est d'une im-portance capitale,
secondaire ou nulle ? Le meilleur moyen de le
récompenser c'est de lui accorder le droit? exclusif
d'exploiter seul pendant quelque temps son invention : si
elle est importante au point de vue pratique, il pourra
réaliser ainsi des bénéfices considérables dans un temps
DES INVENTIONS BREVETÉES 7
donné, aucun concurrent ne pouvant venir le frustrer
de son invention. M. Michel Chevalier admet qu'on
donne soit des distinctions honorifiques, soit même des
allocations pécuniaires : c'est une solution qui pour
nous n'en est pas une, ne voyant pas, ainsi que nous le
disions plus haut, sur quelles bases on pourra se
fonder pour arbitrer cette allo-cation. Telle invention
sers superbement récompensée, et, en fait, sera de peu
d'importance, telle autre, capitale, bou-leversant peut-
être une branche de l'industrie, passera ina-perçue. Il
ne faudrait s'arrêter à cette solution que si vrai-ment le
système des brevets d'invention présentait des in-
convénients intolérables et inadmissibles.—Or, à notre
avis, c'est abuser des mots que de considérer les
brevets d'in-vention comme méconnaissant la liberté
du travail et le principe d'égalité: comme le fait
remarquer M. Pouillet dans la pface de son trai: Les
brevets d'invention : « La liberté en quoi est-elle
blessée? L'industrie possédait-elle cette in-vention
avant que son auteur ne lui en fit part. N'était-elle pas
à cet égard dans une ignorance absolue? L'empêche-t-
on de jouir de tout ce qu'elle possédait auparavant. Lui
enlève-t-on un seul des biens qui lui appartenaient ?
Res-treint-on son domaine d'hier ? Non, son champ
n'est pas même amoindri. »
C'est vraiment une singulière manière de répondre
que de dire, qu'en accordant ainsi un monopole au
breveté, on restreint le champ d'industrie pour
l'avenir, un autre ayant pu, comme lui, trouver ce qu il
a trouvé. Sans doute, il y a une part de vérité dans ce
fait, sans doute quand la science en est arrivée à un
point donné sur une partie quelconque, il est des
inventions qu'on attend, qui sont dans l'air, si on
DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
nous passe l'expression, mais enfin, encore est-il qu'on
peut les attendre longtemps, les inventions étant aussi,
sinon plus souvent, le résultat du hasard que de
recherches calculées. Dans ces conditions, ne doit-on pas
récompenser l'inventeur, celui qui, seul, en définitive, a
lait faire cepas à la science, a l'industrie. Sans doule il a
pris quelque chose de son in-vention, la plus grande
partie même de son invention, dans l'ensemble dos
connaissances humaines qui sont le patri-moine commun
de la société, mais encore est-il qu'il a trou-vé quelque
chose d'inconnu jusqu'alors qui doit lui donner, a notre
avis, non pas un droit de propriété perpétuelle, parce que
précisément il Faut tenir compte de cette idée qu'il est
redevable des données de sa découverte a la science an-
térieure, mais au moins une protection temporaire. — Au
surplus qu'on remarque bien ceci : le brevet n'est guère
que e prix au moyen duquel la société achète la
divulgation du secret, Si l'inventeur, dont quelquefois
l'invention est très simple, mais à laquelle d'après le mot
de Christophe Colomb, il fallait penser, sait, qu'aussitôt
la divulgation Faite, une nuée de concurrents vont venir
lui prendre le fruit de sa dé-couverte, quo fera-t-il? Une
chose bien simple, il gardera pour lui le secret. Et s'il
meurt sans avoir eu le temps de le com-muniquer à
quelqu'un, ce sera un secret de fabrique perdu, comme il
y en a eu tant sous l'ancien régime. On s'étonne de voir.
M. Michel Chevalier oublier, sans aucun doute, cette
observation à notre sens capitale, lorsqu'il dit :
« D'ailleurs, c'est une affirmation sans fondement que
de prétendre qu'il n'y a de rémunération possible pour
une dé-couverte industrielle qu'au moyen d'un brevet à
la faveur duquel l'inventeur se fait payer une prime par
quiconque
DES INVENTIONS BREVETÉES 9
veut l'utiliser. On peut citer des découvertes pour
lesquelles il n'a point épris de brevet, et qui n'en ont
pas moins été très profitables à ceux qui en étaient les
auteurs. Dans cer-tains cas, on gardait son secret pour
soi,'et on en recueil-lait le fruit, quelquefois très
largement. C'est ce qui est arrivé pour l'outremer
artificiel, couleur bleue très riche. Il y a aussi une
couleur verte très belle dont l'inventeur s'est réservé le
monopole, au lieu de l'ébruiter par un brevet, et qui est
fabriquée par une maison de Lyon ! » Qui ne voit
qu'en agissant ainsi mille causes peuvent amener la
perto de l'invention déjà faite, ce serait un motif
suffisant pour faire admettre les brevets d'invention.
Sans doute le nombre rapidement croissant des
brevets présente des inconvénients sérieux; sans doute
un certain nombre de fabricants peu scrupuleux et
désireux, pour employer le mot propre, de se faire une
réclame, prennent des brevets pour de prétendues
inventions sans aucune im-portance théorique, sans
aucune utilité pratique, dans le seul but d'intimider
leurs concurrents, quelquefois de les vexer, de les
ruiner par des procès absurdes, dans le but surtout d'en
imposer au public avec ce mot brevet qui. quoi qu'on
fasse, pour les personnes non prévenues, semble être
toujours une garantie plus ou moins officielle du mérite
de l'invention, d'autant plus que l'obligation sont
les brevetés d'adjoindre au mot brevet : « Sans garantie
du gou-vernement « est éludée en pratique, ces mots
étant remplacés comme dit M. Michel Chevalier, par
un hiéroglyphe S. G. D. G. ; sans doute, la loi de 1844
est imparfaite à bien des points de vue, notamment en
ce qui concerne les effets de la chose jugée, mais cette
observation, quelqu'exacte
10 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
qu'elle puisse être, ne peut aller contre le principe même
des brevets, puisqu'il suffirait de remanier la loi.
Quoi qu'il en soit, dans tous les cas, de ces diverses cri-
tiques apportées quelquefois très justement à l'institution
des brevets, nous persistons à croire que les avantages
remportent sur les inconvénients, et, au surplus, en laissant
de côté, dans cette défense des brevets, les raisons qui s'y
appliquent plus directement, ne peut-on pas dire, comme le
fait M. Pouillet (Introduction à son Trai des brevets d'in-
vention) que cette institution a encore le mérite de per-
mettre la lutte au petit fabricant contre les grandes mai-
sons qui aujourd'hui l'écrasent. Avec le brevet, le petit
fabricant est sûr de pouvoir, pendant quinze ans, gérer seul
son industrie aveo le perfectionnement nouveau qu'il a
trouvé; dans ce cas la grande maison ne pourra plus avoir
recours a son arme ordinaire : la vente à perte pendant un
certain temps afin de tuer la concurrence ; il faudra, bon gré
mal g, qu'elle la subisse et quelquefois l'importance de ce
résultat sera considérable. M. Michel Chevalier insiste
sur les vexations auquelles peut donner lieu le brevet, il
compare l'institution des brevets au système protectionniste,
soutenant qu'ils partent de la me doctrine et se révèlent
par les mes abus. A ce point de vue économique encore
nous n'admettons pas le raisonnement du savant profes-
seur; sans insister sur les mérites ou désavantages de la
prohibition ou de la protection, nous croyons qu'il n'est pas
contraire à une saine notion des choses économiques de créer
ce privilège au profit de l'inventeur. Sans doute, nous
l'avons dit plus haut, on invoque la liberté qu'on pré-
tend outragée par l'institution de ce privilège, mais il est
DES INVENTIONS
BREVETÉES
11
trop facile de déclarer que la liberté est violée si on ne
le prouve pas, et nous persistons à penser que la
preuve n'est pas faite. Au surplus, ce qui tend à
prouver que les abus ne se révèlent pas d'une manière
bien choquante dans la pratique, c'est qu'aujourd'hui, á
peu près partout, une législation très complète sur les
brevets d'invention s'est formée, la Suisse elle-même,
si longtemps rebelle à cette idée, a fini par comprendre
que cette institution seule garantissait l'industrie et la
faisait prospérer, et on peut espérer que celle lacune
dans la législation sera comblée prochainement, bien
qu'il faille pour cela modifier la Constitution. Sans
doute les conventions diplomatiques sur ce point sont
tellement rares qu'on n'en peut guère citer qu'une
(Allemagne, Autriche-Hongrie), cela tient non pas à
l'inutilité de ces conventions, mais au moins à ceci,
qu'elles ne sont pas indispensables. Parlout en effet, on
admet que les étrangers peuvent jouir des bénéfices de
la loi nationale et, d'autre part, un brevet pris dans un
pays no peut produire ses effets dans un autre pays,
c'est une idée reçue, il faudra donc prendre un autre
brevet dans tous les pays l'on réclamera la
protection ; on ne peut donc tirer aucun argument de
cette pénurie de conventions diploma-tiques.
L'institution des brevets n'est plus guère, au surplus,
contestée.
Et maintènant que nous avons montré l'excellence
du droit du breveté, nous allons nous attacher
uniquement á la questio internationale, laquelle serait,
au surplus, intéres-sante à étudier dans tous les cas, vu
son incontestable utilité pratique.
DES BREVETS D'INVENTION
Notions générales sur la loi française.
Avant d'entrer dans l'examen des questions
internatio-nales, il est nécessaire, non pas de faire un
commentaire détaillé de la loi française, mais de
rappeler au moins les principes généraux, de faire un
résumé aussi succinct que possible de ses principales
dispositions. — Sans donner des notions historiques
qui nous égareraient, disons que la loi actuelle est une
loi du 5 juillet 1854 ({) remplaçant une loi de 1791 qui
présentait quelques dispositions regret-tables dont
nous aurons à nous occuper par la suite et qui
nécessitèrent son abrogation. — En laissant de côté les
articles 27, 28 et 29 sur lesquels nous nous proposons
de nous étendre plus particulièrement, on peut ainsi
résumer
la loi française :
Les brevets sont accordés pour toute invention ayant
un caractére industriel, sauf quelques exceptions
limitative-ment désignées dans l'article 3
(compositions pharmaceuti-
1) Déclarée applicable aux colonies (arrêté du 21 octobre 1848).
14 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
ques ou remèdes de toute espèce, plans ou combinaisons de
crédit ou de finance). La durée est de 5, 10 ou 15 ans, et la
taxe est de 500, 1,000 ou 1,500 francs se payant par
annuis de 100 francs sous peine de chéance. La deman-
de est faite par l'inventeur au secrétariat général de la pré-
fecture, cette demande contient les pièces nécessaires exi-
gées par les articles 6 et 7 de la loi (durée que le demandeur
entend assigner à son brevet, titre renfermant la désigna-
tion sommaire et précise de l'objet de l'invention, etc.). Les
pièces sont envoyées par les préfets au ministre du Com-
merce: les brevets (art. H), —c'est un principe fondamental
de notre loi, sont délivrés sans examen préalable et aux
risques et périls du demandeur. L'arrêté du ministre remis
au demandeur, constate purement et simplement la régula-
rité de la demande. Un système de publicité est organisé
afin de porter les délivrances de brevets a la connaissance
du public. La loi, dans sa section III, autorise les brevetés
ou Leurs ayants droit à prendre des certificats d'addition
pendant la durée des brevets : il y a même une laveur pour
le breveté et ses ayants droit qui peuvent seuls pendant un
an prendre un brevet nouveau pour un changement, per-
fectionement ou addition à l'invention qui fait l'objet du
brevet primitif.
Les articles 20 et suivants organisent la cession des bre-
vets : la cession doit être passée par devant notaire, et
après le paiement intégral de toutes les taxes, même des
taxes à échoir.
Un système de publici est également organisé pour
porter à la connaissance du public les mutations interve-
nues sur chaque brevet. On communique d'ailleurs égale-
DES INVENTIONS BREVETÉES
15
ment et l'on publie les descriptions et dessins des
brevets, afin d'éviter que des brevets soient pris pour
des inventions qui ne sont plus nouvelles. Les
descriptions (art. 28) et dessins resteront jusqu'à
l'expiration du brevet au minis-tère ou ils sont
communiqués à tout requérant et sans frais. On les
publie après le paiement de la deuxième annuité, et le
recueil des descriptions est posé au ministère et au
secrétariat général de la préfecture, enfin, à l'expiration
des brevets, les originaux sont déposés au
Conservatoire des Arts-et-Métiers.
La loi s'occupe ensuite des nullités et déchéances des
brevets d'invention; dans le cours de cette étude, nous
aurons à revenir sur les causes de déchéances qui pré-
sentent un intérêt considérable au point de vue
internatio-nal. Bornons-nous à dire ici, qu'il y a
déchéance (art. 32 de la loi de 1844 modifiée par la loi
du 31 mai 1856), quand l'annuité n'a pas été payée, en
cas de défaut d'exploitation dans les deux ans, ou
d'interruption d'exploitation pendant le même temps,
en dernier lieu, au cas d'introductioâ en France par le
breveté d'objets similaires à ceux que lui garantit son
brevet et fabriqués à l'étranger. Nous croyons inutile
d'insister sur les causes de nullité ; le brevet est nul
quand l'invention n'est pas nouvelle, etc. (voir l'art. 30
de la oi). Les actions en nullité ou déchéance,
intentées par toute personne y ayant intérêt, sont
portées devant le tri-bunal civil, et au lieu d'avoir force
de chose jugée inter partes seulement, le jugement
produit ses effets erga omnes, si le ministère public
s'est porté partie principale ou inter-venante. Le
dernier titre de la loi s'occupe de la contrefa-çon des
inventions brevetées; c'est un délit passible
16 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
d'amende, et en cas de récidive d'emprisonnement : il va
de soi que c'est le tribunal correctionnel qui prononce ces
peines : ce tribunal peut d'ailleurs connaître des exceptions
qui seraient tirées par le prévenu soit de la nullité ou de la
décance du brevet, soit de questions relatives à la pro-
priété du dit brevet. 11 est admis que le jugement du tribu-
nal correctionnel sur ces exceptions n'a autorité de chose
jugée qu'en ce qui concerne l'affaire actuellement pendante
devant lui. Afin de faciliter la couverte de la contrefaçon,
on permet au breveté, qui soupçonne un contrefacteur, de
faire saisir les objets prétendus contrefaits, et ces objets,
la contrefaçon reconnue, sont confisqués au profit du
breveté, sans préjudice de plus amples dommages-intérêts,
s'il y a lieu.
Voilà le résumé, bien incomplet assurément, de la loi
française sur la matière, mais il nous était possible de nous
étendre sur ces dispositions sous peine d'être entraîné bien
trop loin et de sortir de la question que nous nous propo-
sons d'étudier, à savoir les droits des étrangers.
DROIT INTERNATIONAL
La loi de 1844, consacre à cette matière trois articles
: les art. 27, 28 et 29 :
ART. 27. Les étrangers pourront obtenir en
France des brevets d'invention.
ART. 28. — Les formalités et conditions déterminées
par la présente loi seront applicables aux brevets
demandés ou délivrés en exécution de l'article
précédent.
ART. 29. L'auteur d'une invention ou découverte
déjà brevetée â l'étranger pourrra obtenir un brevet en
France. Mais la durée de ce brevet ne pourra excéder
celle des brevets antérieurement pris à l'étranger.
Disons tout d'abord que dans cette matière, qui n'est
pas sans présenter des difficultés théoriques et
pratiques assez grandes, nous ne nous bornerons pas à
étudier unique-ment les règles qui ne visent que les
étrangers ; il existe, comme on le verra, certaines
dispositions de nos lois qui, s'appliquant à tous les
brevetés sans exception, français ou non, sont
particulièrement intéressantes à étudier au point de vue
international, notamment les règles sur la nulli pour dé-
faut de nouveauté, la déchéance pour introduction, etc.,
etc. Nous les étudierons à leur place, préciment parce
qu'elles rentrent absolument dans notre sujet,
apportant, comme
2
18 DE LA. PR0T. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
on le verra, des restrictions considérables au droit des
étrangers.
Cette remarque faite, tel est le plan que nous nous pro-
posons de suivre.
CHAPITRE I.Principes de la loi française sur le droit
des étrangers en France.
CHAPITRE II. Examen des restrictions apportées en
fait à leur droit (Règles sur la nouveauté de l'invention,
l'obli-gation d'exploitations).
CHAPITRE III. Examen du droit du breveté,
considéré au point de vue de la durée.
CHAPITRE IV. Des règles concernant l'introduction
en France d'objets similaires à ceux que garantit le brevet
et fabriqués en pays étrangers.
CHAPITRE V. Du droit qu'ont les inventeurs
brevetés en France, de se faire breveter ensuite à
l'étranger.
CHAPITRE VI. — Règles spéciales aux expositions.
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES DE LA LOI FRANÇAISE SUR LES DROITS
DES-ÉTRANGERS EN FRANCE
Notro article 27 pose un principe large et tout à fait
libéral : les étrangers peuvent obtenir des brevets
d'inven-tion en France ; on n'exige ni réciprocité
diplomatique ni réciprocilégale. On a compris, ce fut
dit dans l'expodes motifs de la Chambre des pairs
relatif à cette loi, qu'aucun obstacle ne s'oppose à ce
que l'étranger obtienne en France un brevet d'invention
: le pays, a-t-on dit, doit encourage-ment et protection
à ceux qui, apportant des éléments de travail, viennent
l'enrichir des fruits de leurs découvertes. L'intention du
législateur fut constatée une fois de plus par la
circulaire du ministre du Commerce aux préfets, cir-
culaire postérieure de quelques mois à-la loi :
« Les dispositions de la loi s'appliquent
indistinctement à tous les inventeurs français et
étrangers : la loi ne fait aucune différence entre les uns
et les autres, et il était digne de la France de donner
l'exemple du respect pour les droits des inventeurs,
sans distinction de nationalité ». La loi de 1844, admet
sur ce point une disposition différente de celle de la loi
de 1791 : d'après celte dernière loi en effet, il était
permis aux Français d'importer un brevet de l'étranger
en France, et d'obtenir un brevet d'importation, alors
qu'ils
20 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
n'étaient pas les inventeurs. On avait ainsi des brevets
d'importation à dos brevets d'invention. C'était une
des malheureuses dispositions de la loi de 1791 : accorder
un monopole au Français qui introduisait en France une
invention brevetée à l'étranger, c'était favoriser une industrie
peu digne de l'attention et de la protection du législateur,
laquelle industrie consistait à être aux aguets de toutes les
inventions faites à l'étranger et à les introduire le premier
en France. Le service rendu à l'industrie françaiso était
presque nul, puisqu'il était facile, vu l'état des rapports
avec les différents pays d'Europe, de connaître ces inven
lions en France sans accorder pour cela une protection à
des gens dont le mérite était nul. La loi de 1844, abroge
cette disposition de la loi de 1791 : c'est l'inventeur lui-
me breveté à l'étranger qui peut demander en France un
nouveau brevet. Lors de la discussion à la Chambre des
putés (Séance du lundi 15 avril 1844), on admit sans dis-
cussion que les étrangers non encore brevetés à l'étranger,
pourraient se faire breveter en France en remplissant les
conditions impoes aux Français, mais la disposition de
l'article 27, d'après laquelle le breveté a l'étranger pourrait
se faire breveter en France fut vivement discutée. Certaines
personnes approuvant pleinement l'abolition des brevets
d'importation établis par la loi de 1791, ne s'expliquaient
pas comment on accordait à des étrangers un droit qu'on
refu-sait à des Français.
« Voilà un étranger, disait-on, qui, dans son pays, a obte-
nu un brevet, il l'importe en France, il acquiert ainsi un mo-
nopole qu'on refuse à un Français. On empêche un Français
d'aller surprendre son industrie à l'étranger, ou du moins
DES INVENTIONS BREVETÉES 21
s'il l'importe en France, on ne lui accorde pas de
brevet. Pourquoi établir une différence entre l'étranger
et le Fran-çais, pourquoi traiter le Français plus mal
que l'étranger, pourquoi conférer un brevet
d'importation a l'étranger, quand on le supprime pour
le Français. » D'autres personnes ajoutaient dans le
même sens qu'il n'y avait pas besoin d'exciter les
étrangers par la faveur d'un brevet, que les in-ventions
faites dans les autres pays seraient toujours con-nues
au fur et a mesure qu'elles y naîtraient.
On répondait à ces critiques, d'abord à un point de
vue général, c'est qu'il est d'ordre public d'exciter et
d'encoura-ger le génie inventif partout ou il peut se
produire. Il n'est pas absolument sûr d'ailleurs que les
découvertes faites à l'étranger soient ainsi connues en
France si l'inventeur a in-térêt à cacher sa découverte,
sachant qu'il n'en recueillera aucun bénéfice légitime.
Enfin, il n'y a dans la loi aucune espèce de faveur
accordée aux étrangers au détriment des Français. Ce
n'est pas tout étranger qui est autorisé à prendre un
brevet en France, mais l'inventeur seul ou ses ayants
cause : celui-là a le mérite de l'invention, et le bre-vet
est la juste récompense, de ses efforts et de son intelli-
gence ; ce n'est pas, comme pour l'importateur
français, le prix de la course et la rémunération du
voyage, comme le taisait remarquer très justement
Philippe Dupin.
Dans un autre système qui eut aussi ses défenseurs,
on admettait bien que l'inventeur déjà breveté à
l'étranger pouvait se faire breveter en France, mais
sous condition de réciprocité. L'auteur d'une invention
ou d'une découverte déjà brevetée à l'étranger pourra
obtenir un brevet en France s'il appartient à un pays où
les Français Jouissent du
22 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
même droit. Le rapporteur combattit énergiquement cette
proposition : il soutint, et l'expérience lui donna raison, qu'il
fallait donner l'exemple aux autres nations, exemple qui t
ou tard serait suivi ; il rappela que les Chambres de la Res-
tauration, lors de la discussion de la loi du 14 juillet 1819
relative aux successions, avaient repoussé le principe de la
ciprocité, et que cette mesure n'avait eu que d'heureux
résultats. On finit par admettre le droit absolu des étran-
gers sans condition de réciprocité. On doit approuver
pleinement cette disposition de la loi de 1844, disposition
éminemment juste, et qui, les faits l'ont prouvé, n'a nui
absolument en rien au progs et au développement de
l'industrie française. La plupart des législations ont
d'ailleurs admis une règle analogue : les inventeurs étran-
gers peuvent prendre à peu près partout des brevets d'in-
vention sans que les lois locales leur imposent aucune con-
dition, autre du moins que des conditions de pure forme.
On peut citer dans ce sens la loi italienne du 30 octobre
1859, la loi allemande du 25 mai 1877 (art. 12) qui exige
seulement la constitution d'un mandataire si l'inventeur
n'habite pas l'Allemagne, la loi suédoise (ordonnance royale
du 19 août 1856, article 16, ) et la loi autrichienne du 15
août 1852 qui sont à peu près conçues dans les mêmes
termes. Dans un autre ordre d'ies, certaines législations
(Italie, Autriche), exigent une expédition officielle du brevet
pris à l'étranger : certaines autres (Angleterre, États-Unis)
exigent de celui qui demande un brevet le serment qu'il se
croit réellement l'inventeur. Toutes ces législations, on le
voit, sont à peu près analogues à la loi française et con-
sacrent toutes ce principe fondamental que l'inventeur seul,
DES INVENTIONS BREVEES 23
peut prendre un brevet à l'étranger. Deux legislations
importantes font cependant exception ; la loi
espagnole du 30 juillet 1878 et la loi russe : toutes
deux elles admettent des brevets d'importation
proprement dits, dans le sens de la loi française de
1791 : la loi espagnole donne á l'importa-teur un brevet
de cinq ans et la loi russe un de six ans : ce sont deux
malheureuses exceptions expliquées peut-être par l'état
de l'industrie et du commerce dans les deux pays, mais
qui devront un jour ou l'autre disparaître.
Les inventeurs brevetés à l'étranger qui veulent se
faire breveter en France, ont à accomplir les formalités
exigées des Français, les mes règles leur étant
applicables : on peut dire sans inexactitude qu'ils sont
assimilés aux Fran-çais sauf une exception de peu
d'importance. Le président du tribunal civil ne peut
autoriser un étranger à pratiquer une saisie afin de
prouver des faits de contrefaçon sans exiger de lui une
caution : s'il s'agit d'un breveté français la caution est
facultative. En laissant de côté cette disposition
assurément secondaire, il y a assimilation entre les
brevets accordés à des étrangers et les brevets accordés
à. des Français. Toutes les conditions exigées par les
art. 1, 2 et 3 de la loi de 1844, les causes de nullité et
de déchéance, établies par les articles 30, 31 et
suivants leur sont applica-bles, et il est fort important
de faire cette remarque, cette disposition apportant une
restriction énorme aux droits des étrangers, les
supprimant quelquefois absolument. Deux de ces
dispositions surtout sont particulièrement nuisibles aux
étrangers, nous voulons parler de l'obligation de nou-
veauté de l'invention, et de l'obligation d'exploiter dans
les deux ans. Nous allons les examiner, dire un mot des
moyens
24 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
qui ont été proposés pour remédier à cet état de choses, et
il résultera de celte étude la preuve certaine que les droits
des étrangers, admirablement protégés en théorie, le sont
fort peu dans la pratique.
CHAPITRE II
EXAMEN DES RESTRICTIONS APPORTEES EN FAIT AUX
DROITS DES ETRANGERS (REGLES SUR LA NOUVEAUTE
DE L'INVENTION, L'ORLIGATION D'EXPLOITATION).
I.Fin de non-recevoir opposé à l'étranger tirée du
défaut de nouveauté de son invention.
Un principe fondamental de la loi française, c'est que
l'invention doit être nouvelle pour être brevetable, et
une invention n'est plus nouvelle lorsqu'elle a été pu-
bliée, décrite, et, enfin, cette formule peut résumer le
tout, lorsqu'on échange du brevet qu'il reçoit de la so-
ciété l'inventeur ne lui découvre aucun secret, puisque
le secret est connu déjà. Gela posé, on voit
immédiatement á quel obstacle va se heurter l'étranger
qui, ayant obtenu un brevet dans son pays, veut
ensuite en prendre un en France, dans le cas la loi
étrangère exige, comme la loi de 1844, une
description taillée de l'invention. L'inven-tion, ayant
perdu par cela même son caractère de nouveauté, ne
sera plue susceptible d'être brevetée et si, en fait, un
brevet a eté obtenu, il sera entac de nullité. On
comprend s lors combien la question du remède à
apporter à cet état de choses est importante à étudier et
pourquoi diverses solutions ont été proposées. Au
Congrès de la Propriété in-
26 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
dustrielle, en 1878, on proposa pour obvier a cet
inconvé-nient capital d'autoriser des déclarations
simultanées chez les différents consuls. Celui qui
demande un brevet en France, par exemple, en faisant
les déclarations voulues à l'autorité compétente, pourra
se transporter successivement, s'il le juge à propos, dans
les différents consulats, et décla-rant qu'il a fait une
demande de brevet à telle préfecture, demander acte de
sa déclaration. Cette proposition fut vo-tée par le
Congrès, et il est incontestable qu'elle présente un grand
intérêt pratique et est fort simple. On a objecté qu'elle
entraînerait des frais : il suffît, en réponse à cette
objection, de faire remarquer que, dans tous les cas, cette
demande ne sera jamais obligatoire et que, dans ces
conditions, on ne voit pas de raison pour ne pas donner
une protection aussi légitime que naturelle à ceux qui
voudront bien faire la dé-pense. Dans le système du
Congrès, ainsi qu'on le voit, par la déclaration aux
consulats étrangers, on prend date, ce qui ne dispense
nullement de l'obligation d'obtenir posté-rieurement un
brevet dans les formes exigées par la loi du pays on
demande protection : le seul avantage, mais, il résout
toute la difficulté, o'est qu'on ne pourra plus être écarté
par la fin de non-recevoir, tirée du défaut de nou-veauté
(1).
L'intérêt de la question est tellement évident que bien
avant le Congrès de 1878 on s'était efforcé de résoudre
la
question : la loi belge du 24 mai 1854 qui admet comme
la
(1) La Conférence de 1880 a également proposé une solution à
cette question : on accorderait un délai à celui qui aurait fait le dépôt
d'une demande de brevet dans l'un des États formant l'Union (Voir
la discussion, dans la troisième ance. Lundi, 8 novembre 1880).
DES INVENTIONS BREVETEES
27
loi française le défaut de nouveauté comme cause de
nullité fait cependant une exception (art. 24, c).
ART. 24. Le brevet sera déclaré nul par les
tribunaux pour les causes suivantes :
a....
b....
c. Lorsqu'il sera prouvé que la spécification
complète et les dessins exacts de l'objet breveté ont
été produits an-térieurement a la date du dépôt dans
un ouvrage ou recueil imprimé et publié, A moins que
pour ce qui concerne les brevets d'importation, cette
publioation ne soit exclusive-ment le fait d'une
prescription légale.
On voit la restriction contenue dans ces derniers
mots du dernier paragraphe de l'article : c'est une
excellente dispo-sition.
Lors de la discussion de la loi allemande de 1877, le
gou-vernement avait propo « que les descriptions
publiées officiellement à l'étranger ne seraient
assimilées aux impri-més publiés, que trois mois après
leur publication. L'ex-posé des motifs du projet
justifiait sans peine cette dispo-sition, en faisant
remarquer que le demandeur de brevet sprait forcé de
suivre un ordre dans ses demandes, en com-mençant
par les pays la publication ne se fait pas, ou se fait
tardivement, pour finir parles pays où la publication est
immédiate. Plusieurs amendements destinés à
remédier à quelques imperfections de cette disposition
avaient été pro-posés ; mais la disposition elle-même
fut rejetée par le Reichstag, sur la proposition de M.
Lasker, qui faisait re-marquer que si on admettait la
disposition du projet, on enlèverait tout intérêt aux
nations étrangères à faire des
28 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
traités dans ce sens avec l'Allemagne : selon lui, il fallait
recourir uniquement à la voie diplomatique. On peut ratta-
cher à cela une disposition du traité de Commerce entre
l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie, signé à Berlin, le 16
sep tembre 1878, qui, répondant au vœu de M. Lasker,
établit par voie diplomatique le lai de trois mois que le
gouver-nement allemand avait voulu faire passer dans la
loi (i).
On peut hésiter entre ces trois mainères de sortir d'une
difficulté assez embarassante, mais il est de toute
nécessité qu'à défaut de loi, comme en Belgique, les
gouvernements prennent la voie diplomatique, car il est
vraiment scanda-eux de voir un inventeur déchu de toute
protection à l'étranger pour avoir suivi à la lettre les
dispositions impé-ratives de sa loi nationale.
En absence de lois et de traités, vu l'importance
considé-rable de la question, la jurisprudence a essayé de
tirer les inventeurs d'embarras. On a cherché à distinguer
deux sortes de publicités : il y a, a-t-on dit, deux
hypothèses :
L'invention a pu être portée à la connaissance du
public, et, deuxième hypothèse, l'invention a été en fait
portée à la connaissance du public. Cette seconde
publicité seule ferait perdre à l'invention le caractère de
nouveauté. Cette juris-prudence qui est de tout point
inadmissible a été admise par plusieurs arrêts,
notamment un arrêt de la Cour de Paris du 1
er
décembre
1863, et un arrêt de rejet du 8 mars 1865. Il s'agissait
d'une demande de patente en Angleterre et du
,(1) Voira ce sujet le texte de la loi allemande avec notes explica-
tives de M. Lyon-Caen. Annuaire de la Société de gislation
com-parée, 1878, pp. 106 et suivantes.
DES INVENTIONS BREVETÉES 29
dépôt des pièces nécessaires opécinq jours avant la
demande en France : on cida que le défaut de
nouveauté ne pouvait pas être invoqué s'il n'était pas
établi qu'en fait certaines personnes avaient eu
connaissance du brevet, attendu, disait le jugement de
1
re
instance, « que, s'il est « établi que la demande de la
patenle en Angleterre porte « la date du 25 septembre,
et que le môme brevet pris en « France porte celle du
1
er
octobre suivant, il résulte des « documents de la
cause que le dépôt qui a été fait dans ce « court
intervalle entre les mains des autorités anglaises, « par
suite d'une prescription légale, ne peut constituer une «
publicité appartenant à tout le monde;
« Attendu qu'il n'est pas établi qu'en fait, une
comMuni-« cation quelconque du brevet qui fait
l'objet de la contes-« tation ait été donnée à qui que
ce soit, etc. ;
Et la Cour ajoutait :
« En ce qui louche la divulgation, considérant que
la « demande d'une patente en Angleterre et le dépôt
des « pièces n'ont pas fait perdre à l'invention son
caractère de « nouveauté, qu'on ne saurait induire de
cette prétendue « divulgation une publicité suffisante
pour l'exécution du « procédé breveté,' etc. »
La jurisprudence cependant semble plutôt fixée
dans le sens contraire, et, sans vouloir nous étendre
trop longue-ment sur ce point, nous citerons un
jugement du 26 janvier 1839, de Lille (tribunal
correctionnel), qui réfute d'une manière absolue les
raisons mises en avant par cette juris-prudence plus
équitable que juridique.
« Attendu, dit le jugement, qu'il n'y a pas à
distinguer entre une publicité légale et une publicité
effective. »
30 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
La Cour d'appel confirma le jugement, et la Cour de
cassation rejeta le pourvoi contre l'arrêt.
Il nous semble qu'il suffit pour montrer à quel point la
jurisprudence contraire à ce dernier arrêt est inadmissible,
d'indiquer les innombrables embarras pratiques on sera
conduit. En cette matière des brevets d'invention les
procès déjà abondent, que sera-ce quand il s'agira de
rechercher s'il y a eu ou non une publicité de fait ! N'est-il
pas évident qu'en bien des circonstances, il sera impossible
de prononcer en oonnaissance de cause ? D'ailleurs, ce
qui achève de montrer à quel point cette jurisprudence est
antijuridique, c'est que les rédacteurs de la loi savaient
bien que le droit qu'ils accordaient aux étrangers serait le
plus souvent lettre morte, et cependant la Chambre passa
outre. Il suffit de rappeler les paroles significatives pro-
noncées à ce sujet par le rapporteur Philippe Dupin.
Cette question, capitale, on le voit, au point de vue inter-
national, se présente à propos de l'application des lois
étrangères. Mais toutes les législations ne s'accordent pas
relativement à la question de savoir quels sont les faits de
publicité qui sont destructifs de la nouveauté. La loi
française, nous venons de le voir, ne distingue pas, ne
considère ni le pays les faits de publicité se sont ac-
complis, ni la nature de ces faits. Certaines législations
admettent bien que l'impression de la description de l'ou-
vrage constitue une publici suffisante pour être une cause
de non brevetabilité, en quelque lieu que cette impression
ait été faite, mais distinguent au contraire en ce qui
concerne la publicité résultant de l'application : l'application
de l'invention pour être destructive de la nouveauté doit
DES INVENTIONS BREVETÉES 31
avoir é faite dans le pays (loi allemande art. 4, loi
belge art. 24, loi des États-Unis d'Amérique art. 6). 11
y a même certaines législations (loi des Indes) qui
exigent pour que l'invention soit non brevetable que la
description par voie d'impression ait eu lieu dans le
pays même. D'autres questions se présentent à ce sujet
dont l'étude nous mène-rait trop loin : l'usage public de
l'invention fait-il perdre seul le droit de demander un
brevet, ou faut-il en dire au-tant de l'usage secret?
Dans le sens de la première solution on peut citer la loi
allemande, et la loi anglaise dans le sens de la
deuxième : pour toutes ces questions et d'autres
analogues, il faut se reporter au texte même des lois
étran-gères. Quoi qu'il en soit, on peut voir confirmée
ici l'opinion que nous émettions plus baut à savoir que
1e droit des brevetés est singulièrement diminué par
cette condition de nouveauté de l'invention plus ou
moins rigoureusement, mais toujours sérieusement
exigée : en fait on apporte ainsi des entraves a
l'exercice du droit, et il est à souhaiter, comme nous le
disions, que les législations internes ou, à défaut, des
conventions diplomatiques viennent remédier à cet
état de choses.
II. — Déchéance prononcée contre l'étranger pour
défaut d'exploitation dans les délais de la
loi.
La loi de 1844, semblable en cela, ainsi que nous le
ver-rons, à la majorité des lois étrangères, dans
l'intérêt de l'industrie nationale, exige l'exploitation en
France : c'est encore une prescription qui apporte
une certaine gêne
32 DU LA PROTECTION INTERATIONNIALE
dans les relations internationales. Trop souvent en effet,
l'inventeur ne pourra pas, pour des causes souvent indé-
pendantes de sa volonté, exploiter son invention partout
il voudrait : trop souvent la misère, par exemple, les
événements politiques, des crises commerciales, bien d'au-
tres causes encore, viendront l'entraver dans son industrie,
l'empêcher de commencer l'exploitation ou de la
continuer. Mais hâtons-nous d'ajouter qu'ici les
inconvénients sont beaucoup moins grands qu' ence qui
concerne la nouveauté : les tribunaux ont en effet un
pouvoir discrétionnaire pour prononcer ou ne pas
prononeer la déchéance suivant que le breveté a ou n'a pas
d'excuses suffisantes. Lors de la guerre de 1870-1871. on
prorogea môme de six mois (décret du 25 janvier 1872), le
délai ordinaire de deux ans, et, en règle, on peut dire que
la jurisprudence se montre très large dans l'admission des
excuses. Nous n'avons pas à entrer ici dans l'examen des
excuses qui ont été ou n'ont pas. été admises par les
tribunaux : c'est avant tout une question de fait, citons
seulement entre autres un arrêt de la Cour de Caen du 27
juin 1866 (Annales de la Propriété industrie lie, 1867,
290) : « Considérant, dit l'arrêt, qu'il est constant que L. a
construit depuis la délivrance de son brevet un certain
nombre de métiers perfectionnés d'après son système, et
que la crise cotonnière qui est survenue explique le peu de
développement qu'a eu son exploita-tion. » La
jurisprudence est d'ailleurs formelle sur ce point. et par
conséquent les étrangers ne se verront frappés de
déchéance que si vraiment ils sont inexcusables : cette dis-
position de notre loi est donc bonne et doit être maintenue.
On a cependant critiqué cette disposition de la loi
française
DES INVENTIONS BREVETÉES 33
au Congrès de la Propriété industrielle, M. de Rosas
(Au-triche) a fait observer qu'il lui semblait impossible
de réaliser une loi de ce genre, qu'il ne croyait pas
qu'on pût constater la non-exploitation ou l'insuffisance
d'exploitation. De deux choses l'une, en effet, ajoutait
un autre membre du Congrès, ou bien l'administration
est chargée de vérifier s'il y a exploitation ou non, ou
bien, et c'est le cas de la France, les tribunaux ont un
pouvoir discrétionnaire, et alors, dans les deux cas,
commissions administratives et tribunaux se montrent
tellement indulgents dans l'apprécia-tion des faits que
l'obligation inscrite dans la loi est à peu près lettre
morte. Le même orateur faisait observer que dans les
pays pareille obligation n'existe pas, l'industrie n'en
a pas moins pris un essor considérable et le nombre des
brevets n'en a pas été diminué.
Quoi qu'il en soit de la force de ces raisons, nous
persis-tons à croire qu'il est impossible de sacrifier
l'intérêt public pour protéger uniquement le breveté.
11 a un monopole, qu'au moins il fasse profiter le
public de sa découverte, le tout, bien entendu, sous la
réserve expresse que les tribu-naux auront un large
pouvoir d'appréciation pour l'admis-sion des excuses
présentées par les inventeurs. C'est, après un assez
long débat, celte proposition qui fut adoptée par le
Congrès de 1878, après une épreuve douteuse. La
même idée fut admise lors de la Conférence de 1880,
L'obligation d'exploiter se retrouve, d'ailleurs, dans
la plupart des législations étrangères : on ne peut
guère citer que l'Angleterre (1) (loi générale du 1
er
juillet 1852) et les
(1) La loi canadienne de 1872 est moins lirale que celle de la
3
34 DE LA PROT. INTERN. DES
INVENTIONS BREVTEÉES
États-Unis (loidu 8 juillet 1870 modifiée en 1874) qui
n'aient pas une règle analogue. L'obligation existe dans la
loi autri-chienne, dans la loi belge (art. 23), la loi
allemande (art. 11, 1°) exige une exploitation suffisante,
dans certains pays me, l'obligation est plus stricte :
d'après la loi espagnole (art. 38), le breveté doit lui-
môme faire la preuve de son exploitation par devant le
directoire du Conservatoire des Arts et dans un délai de
deux ans établir qu'il a mis en exploi-tation son invention
et que le pays a ainsi été doté d'une industrie nouvelle. La
loi suédoise (art. 10, et 3°) est encore plus rigoureuse;
la preuve de l'exploitation doit être faite tous les ans par
le breveté lui-même. En Russie, enfin, l'exploitation doit
avoir lieu dans le premier quart du temps pour lequel est
demandé le brevet et le breveté doi indiquer le lieu
d'exploitation.
métropole : il y a obligation d'exploitation au Canada dans les deux
ans, sauf les cas de force majeure.
CHAPITRE III
EXAMEN DU DROIT DU BREVETÉ CONSIDÉRÉ AU POINT
DE VUE DE LA DURÉE
Nous avons ainsi fini d'examiner les deux obstacles
réels apportés au développement des brevets pris au
sujet d'in-ventions déjà brevetées à l'étranger. En
laissant de côté maintenant cette partie de la question,
en supposant qu'un inventeur a rempli les conditions
nécessaires, nous allons étudier la portée et l'étendue
de son droit.
L'art. 29 de la loi du 8 juillet 1844 décide que ces
brevets n'auront pas de vie propre ; ils n'auront pas un
délai tou-jours le même comme les brevets obtenus en
France ; ils prendront fin avec le brevet étranger qui les
a précédés un inventeur anglais a pris une patente
d'abord en Angleterre, où la durée maximum est de
quatorze ans, ou bien un Russe a pris un brevet en
Russie, où la durée maximum est de dix ans, il ne
pourront pas jouir en France de la protection accordée
par la loi française dont le maximum est de quinze
ans. La conséquence de ceci est qu'au lieu d'avoir une
durée invariable de cinq, dix, quinze ans comme les
brevets des inventeurs français, les brevets des
inventeurs brevetés à l'étranger pourront avoir toutes
les durées infé-rieures à quinze ans admises par les lois
étrangères. Cette disposition de la loi française qu'on
retrouve souvent dans les autres législations, soulève
dans la pratique d'assez
36 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
grandes difficultés que nous allons avoir à examiner, et
môme en laissant de côté ces difficultés, on peut dire har-
diment qu'au point de vue théorique elle ne se justifie pas.
On a dit, lors de la discussion de la loi, qu'il est
impossible dans un pays qu'une invention soit l'objet d'un
monopole, alors que dans les autres États elle est déjà
tombée dans le domaine public. Ce raisonnement, on l'a
fait observer bien dos fois, ne porte pas : en effet, si
l'inventeur avait com-mencé par prendre un brevet en
France, qui l'eût forcé d'en prendre un ensuite à
l'étranger? Si le raisonnement qu'on a proposé pour
établir et soutenir la solidarité des brevets français et
étrangers, était exact, il conduirait tout droit les
inventeurs à se faire breveter partout ou à ne réclamer de
brevet nulle part. En 1878, au Congrès de la Propriété in-
dustrielle, un vœu fut émis dans le sens de la suppression
de cette solidarité.
« Les droits sultant des brevets demandés dans les «
pays contractants doivent être indépendants les uns des «
autres, et non pas solidaires en quelque mesure que ce «
soit ».
Si le principe admis par la loi française est contestable,
à combien plus forte raison est-il critiquable quand il est
la cause de difficultés insurmontables et journalières.
Et d'abord on voit bien quelle sera la durée du brevet
quand un seul aura é pris à l'étranger : c'est l'espèce
pré-vue, on peut dire la seule prévue par le législateur;
mais on n'a pas prévu le cas deux brevets auraient é
pris dans deux pays étrangers avant la demande en
France. De quelle législation faudra-t-il s'occuper pour
fixer la durée du brevet en supposant bien entendu,
autrement la ques-
DES INVENTIONS BREVETÉES
37
lion ne présenterait aucun intérêt, que les deux
législations étrangères n'admettent pas le même délai
pour la protec-tion des brevets ? On ne voit pas en
droit de bonne raison de choisir, a priori, l'une plutôt
que l'autre, et il est certain que la question est délicate.
Dans une première opinion fort raisonnable et fort
équitable, on admet que, dans ce cas, la raison
juridique de décider manquant, il faut adop-ter la
solution qui protège le plus le droit des inventeurs»
autrement, il faut s'occuper exclusivement de la loi qui
donne la protection lu plus longue aux inventeurs. Cette
ma-nière de voir serait évidemment la meilleure au
point de vue législatif, mais à défaut de texte, nous
sommes forcés d'admettre la solution opposée qui
résulte jusqu'à l'évi-dence de l'esprit de la loi. Le but
de l'art. 29 est en effet d'empêcber que les brevets,
tombés dans le domaine pu-blic à l'étranger, jouissent
de la protection française, et nous avons eu déjà à
critiquer cette manière de voir, mais sous peine de
refaire la loi, il est impossible de ne pas ad-mettre que
dès que l'invention brevetée dans deux pays étrangers
tombe dans le domaine public, d'après une de ces lois
étrangères, elle y tombe anssi en France : c'est mauvais
en législation, et un texte formel aurait trancher la
question : le texte existe dans quelques gislations : la
loi belge et la loi italienne admettent que dans ce cas, il
faut s'occuper uniquement de la loi accordant la
protection la plus longue : chose assez curieuse, la loi
des États-Unis a un texte formel en sens contraire : on
doit considérer uni-quement la loi assurant la protection
la plus courte ; une dif-ficulté s'est même élevée sur ce
point. Le Patent-Office a décidé (règle 91) qu'un
inventeur dont l'invention était déjà
38 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
protégée à l'étranger par un ou plusieurs breveta devait
fournir lui-même tous les renseignements nécessaires,
afin que par l'examen comparatif des brevets étrangers,
on pût fixer d'une manière certaine la fin du brevet. Cette
préten-tion du Patent-Office ne fut pas admise sans
difficultés ; on lui contestait le droit, cela fut dit, de
demander au breveté des armes contre lui-même ; on
ajoutait que c'était faire une distinction aujourd'hui
repoussée par les mœurs entre les nationaux et les
étrangers. Le Patent-Office finit par triom-pher : il
répondait notamment à la dernière objection que nous
avons indiquée qu'elle ne portait pas, puisque cette
disposition devait s'appliquer et aux nationaux et aux
étran-gers ; il n'en est pas moins vrai que le premier
argument reste, et il dut être pris en considération.
Dans l'application de la loi française, une autre
difficulté se présente, difficulté dont la solution a un
grand intérêt pratique. Dans quel cas s'appliquera
exactement cet art. 29. Le cas le plus simple et à coup
sûr celui qui s'est présenté le premier à la pensée du
législateur est celui le brovel étranger arrive au terme
normal de sa durée. Dans ce cas-là, pas de difficulté,
mais que faut-il décider au cas le brevet étranger est
frappé de déchéance, par exemple pour défaut do
paiement de la taxe. Paudra-t-il dire que, même dans ce
cas, le brevet français prend fin en même temps que le
brevet étranger. La Cour de cassation admet ce système.
Un arrêt du 14 janvier 1864 (Journal du Pa-lais, 1864,
727) pose le principe.
« Attendu qu'étant admis que l'art. 29 ne puise sa
raison d'être que dans la considération que la France ne
doit pas rester sous l'empire du monopole, alors que Fin-
DES INVENTIONS BREVETÉES 39
dustrie est devenue libre à l'étranger, il faut nécessaire-
ment conclure de cette volonté formelle du législateur
que l'extinction du brevet étranger pour quelque cause
qu'elle survienne doit emporter celle du brevet
français, puisque que le résultat qu'il s'est proposé ne
pourrait être atteint si par un motif quelconque celui
délivré en France conti-nuait d'exister après
l'expiration du brevet étranger.
« Attendu que soit donc que le brevet périsse
légalement ou accidentellement, il y a dans l'un et
l'autre cas même raison pour prononcer l'annulation du
second brevet. — Casse, etc. »
Nous avons cité ces considérants de l'arrêt de
Cassation parce qu'ils résument bien la question et les
motifs que l'on invoque dans le sens de l'opinion
admise par la Cour. Nous nous rangeons d'ailleurs du
côté de cette opinion toujours pour la même raison : il
est contraire à l'intention du législateur de 1844 de
continuer de protéger en France une invention tombée
dans le domaine public à l'étranger. Ce n'est pas à dire
pour cela que cette manière d'entendre l'art. 29 n'ait
point des inconvénients pratiques sérieux. Il arrivera
qu'un inventeur ayant pris des brevets en plusieurs
pays étrangers et n'exploitant par exemple qu'en
France à peu près exclusivement, verra son brevet
français annulé parce que, tantôt pour défaut de
paiement de la taxe, tantôt pour défaut d'exploitation,
l'annulation aura été prononcée en pays étranger. Ce
résultat qui restreindra forcément sa production en
France, puisqu'il sera obligé de produire à l'étranger,
est contraire évidemment au vœu de la loi qui a mis le
défaut d'exploitation en France parmi les causes de
déchéance. Il arrivera que l'inventeur qui a pris deux
bre-
40 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
vets, l'un à l'étranger et l'autre en France, et a cédé son
brevet français, pourra très simplement préjudicier à son
cessionnaire en faisant tomber le brevet, objet de la cession :
il lui suffira de se mettre dans un des cas de déchéance
prévus par la loi étrangère. Il y aura enfin une dernière
conquence fâcheuse, c'est qu'un contrefacteur, assig
devant les tribunaux français, soutiendra qu'il n'y a pas
délit, le brevet étant tombé dans le domaine public en
vertu de la loi étrangère, et on donnera ainsi un développe-
ment tout nouveau à une chose mauvaise en elle-même,
l'obligation pour les magistrats d'un pays d'appliquer des
lois étrangères. Malgré la gravité incontestable de ces
motifs qui suffisent et au delà pour demander uu remanie-
ment législatif, au point de vue de l'interprétation du texte
il semble impossible d'admettre l'opinion contraire à l'art
de 1864. Dans le rapport fait a la Chambre des pairs par
M. de Barthélemy, ou voit formellement dit : « Qu'on a
voulu que le brevet, pris en France par un étranger, t
recevoir dans sa durée une restriction dans le cas où
l'étranger serait déjà breveté dans un pays autre que la
France, et que, par conséquent, la durée du brevet pris en
France ne pût dans aucun cas exder la durée du brevet
antérieurement pris dans un autre pays. »
Et d'ailleurs ce qui prouve bien que telle était l'intention évi-
dente du législateur, c'est que si on consulte les
commentaires sur la matière faits peu de temps après la
promulgation de la loi, la question est résolue dans ce sens
sans même qu'il y ait doute. « Le brevet pris en France
cesserait d'exister si celui qui a d'abord été pris à l'étranger
pour le même objet
DES INVENTIONS BREVETÉES 41
venait à y être frappé de nullité ou de déchéance »
Dalloz, Alphabétique, verbo Brevets d'invention, nº
241).
La majorité des auteurs semble cependant contraire
à cette opinion et M. Bozérian (Journal du Droit
international privé, 1877, 217) déclare que la question
ne ferait pas de doute, sans la haute autorité de la Cour
de cassation. En dehors des motifs généraux qu'on
peut invoquer, il fait remarquer que l'article 29 ne
parle et ne pouvait parler que de la durée normale
puisqu'il s'occupait de la prise du bre-vet et non des
causes de déchéance qui pourraient l'atteindre
ultérieurement. Il invoque les précédents législatifs, et
fait remarquer que l'article 29 n'a été fait que pour faire
revivre la disposition du décret du 31 décembre 1791,
attribuant au brevet d'importation une durée égale au
brevet étranger : Dans cette législation, abrogée
momentanément en 1810, ajoute M. Bozérian, on n'a
jamais songé à faire dépendre l'existence de l'un de ces
brevets de celle de l'autre. Ces considérations ne
peuvent aller contre l'intention du législa-teur qui parait
certaine : que le brevet étranger disparaisse
normalement ou non, le brevet français doit tomber.
Disons d'un mot que dans certaines législations, un
texte formel résout la question : la loi anglaise déclare
l'invention tombée dans le domaine public, quelle que
soit la cause qui ait fait tomber le brevet. D'autre part
la jurisprudence belge admet le système contraire à la
loi anglaise et à la jurispru-dence française.
Faut-il admettre la même solution au cas où le brevet
est frappé de nullité? A la différence do la déchéance,
la déclaration de la nul-
42 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
lité a comme on sait, on effet rétroactif, et on peut faire le
raisonnement suivant : le brevet étranger est censé n'avoir
jamais existé puisqu'il est annulé troactivement, donc
nous ne sommes plus en présence d'un
brevetditd'importation, mais en présence d'un brevet pris
en France sans qu'un autre ait été pris à l'étranger, nous
sommes en présence de l'article 27 et non de l'article 29 :
la conséquence se tire toutt seule : le brevet pris en
France ne tombera pas en même temps que le brevet
frappé de nullité à l'étranger. On arri-verait alors
logiquement à lui donner la durée ordinaire des brevets
français, soit quinze ans comme maximum : ce serait
un résultat mauvais qu'on n'admet pas générale-ment; le
publio, en effet, qui connaissait la durée maximum du
brevet telle qu'elle était fixée par la loi étrangère, serait
induit en erreur par cette prolongation de délai que rien
ne peut lui faire connaître. On admet donc, et nous leus
fal-lions à l'opinion générale que les brevets dits d'in
portation ne tombent pas quand les brevets étrangers sont
frappés de nullité, mais que leur durée ne peul dépasser
en France celle qui avait éprimitivement fixée. On ne
voit pas d'ail-leurs que la question ait une importance
pratique considé-rable ; sans doute elle peut se présenter,
et il serait facile d'en donner la preuve, mais la
controverse est moins importante qu'en ce qui concerne
la déchéance : aussi les auteurs, en général, la passent
sous silence : un seul, à notre connaissance, dans un
passage déjà cité admet que la nul-lité prononcée à
l'étranger fait tomber le brevet en France (Dalloz,
Alphabétique, vide supra).
Il nous reste deux questions de peu d'importance pour
finir notre étude sur ce point.
DES INVENTIONS BREVETÉES
43
Un inventeur demande un brevet à l'étranger, et
avant de l'avoir obtenu, en demande un en France. Y
aura-t-il so-lidarité entre les brevets, autrement dit,
faudra-t-il s'atta-cher strictement au texte qui parle
exclusivement de brevets obtenus en pays étranger ou
bien faut-il assimiler aux bre-vets obtenus les brevets
seulement demandés ? C'est évi-demment cotte
dernière opinion qu'il faut admettre, puis-qu'autrement
la disposition del'art. 29, serait lettre morte, tant il
serait facile d'y échapper.
On a soulevé également une question qui semble,
celle-là, purement théorique et de nature à ne se
présenter ja-mais.
On suppose un inventeur qui après avoir pris un
brevet à l'étranger en demande un en France, le brevet
étranger étant déjà expiré : Quid de la durée du brevet
? La ques-tion, comme nous le disions, n'est pas de
nature à se pré-senter souvont, en effet, s'il est déjà
difficile aux étrangers de se faire breveter en France
pendant la durée du brevet, parce qu'on leur oppose le
défaut de nouveauté, à combien plus forte raison la
même difficulté se présentera-t-elle après un temps
toujours relativement long. La publication offi-cielle
de l'invention est en effet toujours ordone, et l'obten-
tion d'un brevet valable serait difficile. Au cas
l'espèce se présenterait, il ne faut pas hésiter à dire
qu'un brevet ordinaire pourrait être pris en France,
puisqu'il n'en existe plus à l'étranger. La loi anglaise
dit formellement que dans ce cas, le brevet serait nul.
Disons d'un mot, qu'il peut se faire qu'un individu
bre-veté à l'étranger, prenne un brevet en France sans
avertir de ce fait l'autorité compétente française dans
le but d'être
44 DE LA PROTECTION INTERNATIONA LE
protégé pendant la durée maximum du brevet français. Il
va sans dire que ceux qui ont intérêt à Taire proclamer que
le brevet est expiré, n'auront qu'à prouver l'existence an-
térieure d'un brevet étranger lequel est expiré, ou a é
frappé de décance, qu'en conséquence il y a lieu d'appli-
quer lºart. 20 : cela ne semble pas pouvoir faire difficulté.
Telles sont les principales questions qui se présentent,
quand un étranger protégé dans son pays réclama la
protection de la loi française. Qu'arriverait-il si un Français
commençait par se faire breveter à l'étranger, faudrait-il lui
appliquer art. 29 ? Et d'abord, il faut dire que la question
n'est pas sans présenter un intérêt pratique sérieux : sans
doute le Français sidant en France commencera par se
faire breveter en France, cela est d'évidence ; mais on peut
très bien supposer des Français exploitant des établisse-
ments importants à l'étranger et ayant un intérêt évident se
faire protéger sur place : les Français pourront-ils en-suite
se faire breveter en France et comment ?
Lors de la discussion à la Chambre des députée, un
membre de la Chambre demanda qu'on rédigeât ainsi
1ºart. 29 :
Art. 29. L'auteur français ou étranger d'une
invention ou couverte déjà brevetée à l'étranger pourra
obtenir un brevet en France.
Le rapporteur répondit que c'était inutile et maintint ta
rédaction : on faisait pourtant remarquer que 1 º art. 29
étant compris dans un litre dont la rubrique Hait : Du droit
des étrangers, la jurisprudence pourrait refuser d'étendre
cela aux Français, on passa outra, et l'adjonction
réclamée ne fat pas volée comme inutile et superflue. Il
est fort imper-
DES INVENTIONS BREVETÉES 43
tant de rappeler ce passage de la discussion :
l'expérience a donné raison à ceux qui réclamaient un
texte formel, et des questions se sont posées
relativement à l'application de l'article. Il ne semble pas
d'abord que l'on puisse soutenir d'une façon sérieuse
que le Français ne pourra d'aucune manière se faire
breveter en France, mais la question déli-cate est de
savoir si l'article 29 lui est applicable, c'est-à-dire si le
brevet qu'il prendra en France, tombera avec le brevet
pris à l'étranger ou en sera indépendant. La Cour de cas-
sation admet (arrêt de Cassation. Chambre Crim., 44
jan-vier 1861. Sirey, 1864, 1,200, que lºart. 29
s'applique aussi bien aux Français qu'aux étrangers, «
attendu, dit l'arrêt, que s'il est vrai que cet article figure
au titre III de la loi intitulée : Du droit des étrangers, on
ne saurait inférer de sa situation sous cette rubrique,
qu'il ne soit applicable qu'au seul cas de l'étranger
prenant en France un brevet pour une découverte ou
invention déjà brevetée à l'étranger, qu'il résulte au
contraire, tant du texte que de la nature môme de cette
disposition, qu'elle régit aussi bien les régnicoles que
les étrangers. »
Et l'arrêt fait en outre remarquer que la loi ne parle pas
des brevetés étrangers, mais des brevetés à l'étranger.
On pourrait cependant soutenir l'opinion contraire,
d'abord en se fondant sur la rubrique du titre qui est
formelle, et surtout sur certaines paroles prononcées
lors de la discus-sion de la loi, qu'il serait téméraire de
présenter comme concluantes, mais qui cependant ne
doivent pas être négli-gées. Il est bien vrai que le
rapporteur a déclaré que l'ad-jonction réclamée à l'art.
29 était inutile, mais pourquoi?
« Le principe général, a-l-il dit, posé au commencement
46 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
de la loi, veut que tout Français puisse être breveté pour
toutes inventions ou découvertes nouvelles dont il est
l'au-teur en quoi qu'elles consistent. Le Français est sous
la tu-telle de ce principe général, qu'il soit breveté ou non
en pays étranger. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait
une pro-hibition qui n'existe pas. Il était donc inutile de
le com-prendre dans l'art. 29. Cet article a été fait pour
l'étranger seulement, il est donc bien placé sous le litre
qui traitait du droit des étrangers ».
Nous avons cité en entier cette réponse du rapporteur,
parce qu'elle est importante ; on pourrait peut-être
conclure de ces paroles que dans son intention,
l'inventeur français, quoique déjà breveté à l'étranger,
peut avoir en France, un brevet indépendant du brevet
étranger, durant quinze ans en un mot, l'art. 29 ne le
visant pas.
Nous admettons cependant la doctrine de la Cour de
cassation par cette raison surtout que le Français qui va
d'abord porter son invention à l'étranger n'est pas
favorable : il ne doit pas se plaindre, lui qui a agi en
étranger, qu'en le traite comme tel ; et d'ailleurs cette
opinion seule cadre bien avec la préoccupation constante
du législateur de ne pas laisser sous l'empire du
monopole en France des industries déjà libres à
l'étranger (1).
Cette solidarité, nous l'avons déjà vu, est critiquée et
n'a
(I) Une difficulté ts curieuse s'est présentée récemment à l'occa-
sion de ce principe de la solidari des brevets. D'aps la législa-
tion anglaise, avant d'obtenir un brevet définitif, il faut faire une
demande de protection provisoire de six mois, en accompagnant
cette demande d'une scification complète ou provisoire de l'in-
vention au choix de l'inventeur lui-même dont les droits et la pro-
tection varient pendant les six mois suivant qu'il a pris le premier
DES INVENTIONS BREVETÉES
47
pas les avantages qu'on lui supposait devoir avoir : la loi
ou le second parti. Dans les deux cas d'ailleurs, il lui faut
pour obtenir une patente publier un avis au journal officiel
(notice to proceed) indiquant qu'il veut en obtenir une. Après
l'accomplisse-ment des formalités exigées par la loi,
Pattoraey général donne un ordre ou warrant pour faire
sceller les lettres patentes.
Ceci posé, voici ce qui arriva. M. P. avait obtenu en France
un brevet le 6 septembre 1871 ; mais auparavant il avait
déposé en Angleterre une demande de patente accompagnée
de spécification provisoire le 17 mars 1871, et n'avait pas
rempli dans les six mois les formalités exigées par la loi
anglaise pour la délivrance d'une patente. Il poursuivit en
France les contrefacteurs qui soutinrent que son brevet jetait
tombé dans le domaine.public le (7 septembre 1871, six mois
après la demande de protection provisoire en Angleterre,
prétention qui restreignait singulièrement son droit puisque
son brevet franc lis datait du 6 septembre seulement. La
prétention des contrefacteurs consistait donc à dire que la
spécification provisoire eu Angleterre était l'équivalent d'un
brevet dont la déchéance par suite dudéfaul
d'accomplissement des formalités dans les six mois, entraine
la déchéance en France. La question est très délicate.
Dans un premier sysme, on soutient que la spécification
pro-visoire équivaut au brevet. On argumente de ce fait que,
les six mois de la protection provisoire comptent dans les 14
ans du brevet (durée de la loi anglaise) ; donc la protection
provisoire fait partie intégrante du brevet : c'est le brevet lui-
même considéré dans ses six premiers mois, et qui sera
restreint à cette durée, si les forma-lités exigées par la loi ne
sont pas accomplies. On fait remarquer en outre que la
protection provisoire ressemble au brevet par bien d'autres
côtés-La protection provisoire empêche, par exemple, qu'on
puisse op-poser plus tard à l'inventeur le défaut de nouveauté
: on argumente enfin des idées générales de la loi française de
1844, et on conclut que le dépôt de la spécification
provisoire, notamment équivalant au moins à la demande
d'un brevet, l'art. 29 est applicable.
On répond, dans une autre opinion, qu'on ne peut pas plus
com-prendre une patente existant en Angleterre sans
l'obtention du grand sceau, qu'un brevet en France sans
l'arrêt ministériel : donc la protection provisoire ne fait pas
partie du brevet. En cas de scification provisoire (c'était
l'espèce), on peut ajouter que la pro-tection accordée pendant
les six mois ne donne pas le droit essentiel du brevet, celui
d'agir en contrefaçon : elle n'assure même pas la priorité
d'une manière absolue. La question est fort délicate et dans
l'espèce que nous indiquions
48 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
allemande qui la rejette a réalisé ainsi un incontestable
progrès.
plus haut elle a été diversement résolue par le tribunal et par la
Cour : nous admettons que la protection provisoire ne doit pas
être assimilée au brevet, partant que les brevets obtenus en
pays étranger ne tombent pas avec elle, quand les formalités
pour obte-nir une patente en Angleterre ne sont pas remplies
dans les six mois. Le motif qui nous décide surtout, c'est
qu'entre la patente et la spécification provisoire, il y a une
différence de fond, une diffé-rence capitale; la protection
provisoire se métamorphose en brevet lors de l'obtention du
grand sceau ; mais auparavant c'est un état de chose, un fait
que ne vise pas la loi française de 1844.
Nous critiquons donc l'arrêt de la Cour de Paris qui avait
admis l'opinion contraire (Sirey, 1880, 2, 33); c'est cependant
cette dernière opinion qui a été admise encore par la Chambre
civile de la Cour de cassation (arrêt du 18 juin 1881, Sirey,
1881, page 409). Sans revenir sur la question de droit elle-
même évidemment soutenue et combattue par les mêmes
raisons, il importe de faire remarquer que l'arrêt de la Cour de
cassation est critiquable à un autre point de vue : la Cour
considérait en effet qu'elle n'avait pas à examiner l'arrêt de la
Cour de Paris en tant qu'il assimilait la personne qui a déposé
une spécification provisoire en Angleterre à un breveté, la
décision des juges du fait étant souveraine. On fait
remarquer contrairement à la doctrine de l'arrêt, que s'il est
vrai qu'en règle générale les juges du fait statuent
souverainement sur les lois étrangères invoquées devant eux,
il n'en est plus de même, et la Cour de cassation devient
compétente lorsque, sans que l'observa-tion de la loi étrangère
soit prescrite expressément par la loi française, il y a un lien
tel établi entre ces deux lois qu'on applique mal la loi
française en interprétant mal la loi étrangère : c'est bien
précisément notre espèce: les brevets français dans un cas
unique ont une durée qui dépend des législations étrangères :
pour que l'art. 29 s'applique, il faut qu'il y ait eu délivrance du
brevet a l'étranger, autrement on fait retour au droit commun.
Dans les conditions du pourvoi on soutenait qu'il y avait
violation de la loi française par suite d'une mauvaise
interprétation d'une loi étran-gère : on était dans les conditions
exigées de droit commun pour les pourvois et la Cour de
cassation à notre avis était compétente.
Voir sur cette question de la compétence de la Cour de
cassation un article de M. Lyon-Caen, sous l'arrêt (Sirey,
1881, 409 et 410). Voir un article du même auteur sur la
question générale sous l'arrêt de la Cour de Paris (Sirey, 1880,
2.33) Voir enfin, la Propriété indus-trielle, plusieurs articles
parus en mai et août 1880 et en 1881.
CHAPITRE IV
DES RÈGLES CONCERNANT L'INTRODUCTION EN FRANCE
D'OBJETS SIMILAIRES A CEUX QUE GARANTIT LE
BREVET ET FABRIQUÉS EN PAYS ÉTRANGER.
Il y a encore une autre prescription de la loi
française qui restreint les droits des inventeurs
brevetés à l'étranger, prescription qui, elle aussi, a été
critiquée et que nous allons examiner : c'est la défense
faite dans ces cas d'introduir en France des objets
similaires à ceux que le brevet garan-tit. C'est
d'ailleurs une mesure qui n'est pas spéciale aux
étrangers': elle s'applique à tous les inventeurs sans
distinc-tion de nationalité, mais on comprend qu'elle
est particuliè-rement intéressante à considérer en ce
qui concerne les étrangers, puisque c'est voir ainsi son
côté réellement pratique.
Le législateur de 1844, en provoquant cette cause de
dé-chéance s'est laissé guider par le mobile que nous
avons eu déjà à relever : il a considéré, à raison ou à
tort, c'est ce que nous examinerons, qu'il était de
l'intérêt du pays qu'en échange du monopole concédé,
le breve fit profiter le travail national de la main-
d'œuvre résultant de l'exploita-tion de son industrie.
Puisque l'introduction en France d'objets fabriqués en
pays étranger et semblables à ceux garantis par le
brevet est une cause de déchéance, il
4
50 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
importe essentiellement de bien fixer la portée de cet article.
Nous aurons d'ailleurs à entrer dans un certain nombre de
difficultés.
Il y aura d'abord déchéance, et ceci ne fait pas de diffi-
culté, quand le breveté aura lui-môme introduit en France
des objets similaires à ceux que garantit son brevet. La
question se sout dans le môme sens et avec la me évi-
dence au cas l'introduction a été faite par un tiers auto-
ridu breveté, dans les deux cas il y aura déchéance.
D'autre part, si l'introduction était faite par des personnes
qui n'agissent pas d'après les ordres du breveté, par
exemple, si elle est fait par des acheteurs des produits, il est
manifeste que le breveté n'est pas responsable : ce n'est
pas le fait d'introduction en lui-môme qui est puni par la
loi, mais le fait d'introduction par le breveté, la disposition
de la loi serait autrement inexplicable, puisque les con-
currents du breveté pourraient le mettre dans un cas de
chéance. Mais il faut admettre ici la restriction que font
tous les auteurs : on protègera le breveté tant qu'il sera de
bonne foi, mais s'il était prou qu'il a eu connaissance de
cette intervention la déchéance serait encourue.
On s'est deman ce qui arriverait au cas d'introduction
quand deux personnes ont un droit de copropriété sur le
brevet. Un des deux copropriétaires introduit en France
des objets fabriqués à l'étranger, faudra-t-il prononcer la
chéance? La question est excessivement délicate; pro-
noncer la chéance du brevet, c'est frapper d'une peine in-
juste le copropriétaire innocent, ne pas prononcer la dé-
chéance c'est permettre de violer facilement et impument
la loi. M. Blanc pense que dans ce cas la raison commande
DES INVENTIONS BREVETÉES
5
1
de préférer l'impunité, M. Pouiliet pense, au contraire, qu'il
y aurait lieu à déchéance, sauf recours contre l'introducteur
de la part des copropriétaires innocents. On répond facile-
ment que les droits de ces derniers ne sont nullement sau-
vegars en cas d'insolvabilité de l'introducteur : la -
chéance alors frappera d'une manre définitive des inno-
cents. C'est pourtant celte opinion que nous admettrons,
parce qu'autrement la disposition de la loi de 1844 serait
trop facilement violée; mais c'est là une des conquences
fâcheuses de cette prescription de la loi qui fend l'intro-
duction en France, et nous verrons plus loin que ce n'est
pas la seule. Plusieurs questions concernant ce me
point, se psentent en ce qui concerne les sociétés.
La difficul ne semble pas bien grande en ce qui con-
cerne les soctés en nom collectif : on prononcera la dé-
chéance s'il y a introduction en France par un des coasso-
ciés, soit qu'il soit gérant, soit qu'à faut de gérants nom-
més, il ait le droit qu'ont tous les autres d'administrer;
celui qui a en effet la signature sociale, engage tous les
biens de la soc, et on ne voit pas pourquoi on ferai
exception pour le brevet.
La question s'est présene pour le cas où l'introduction
aurait é faite par le gérant d'une socté en commandite,
lorsque le breveté n'est dans cette société que simple com-
manditaire. La question ici pourrait être très sérieusement
débattue. N'est-il pas exorbitant de rendre le commanditaire
responsable des actes du rant, lui qui ne peut pas les
empêcher : d'autre part, n'est-il pas vrai de dire, que si
l'introduction n'est pas faite par lui, elle est laite pour son
compte, puisqu'elle profite à la société dont i1 fait partie.
52 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
C'est cette dernière opinion, un peu rigoureuse, il faut le
re-connaître, qui a été admise par un jugement du
tribunal de Toulon confirmé par la Cour d'Aix.
« Attendu que vainement D. allègue qu'il ne figurait
danS le dit acte de sociéque comme commanditaire, et
non comme indéfiniment responsable et en nom
collectif, que cette circonstance est indifférente au point
de vue de la res-ponsabilité qui lui incombe ; que, siMple
commanditaire, il n'en est pas moins membre de la
société, participant à ses bénéfices, et que l'introduction
de ses produits en France est son fait comme celui du
gérant responsable, etc. »
C'est cette opinion que nous admettrons, quoiqu'elle
soit un peu rigoureuse pour le commanditaire, les raisons
don-nées par l'arrêt semblant concluantes. Les mômes
motifs au surplus amèneront à un résultat analogue dans
toutes les sociétés.
Après avoir examiné ainsi la question en ce qui
concerne les introducteurs, il nous faut l'examiner au
point de vue des choses introduites. Quelles sont
exactement les choses dont la loi prohibe l'introduction
en France sous peine de déchéance ?
Évidemment on peut introduire des matières
premières, le contraire serait absurde ; tellement une
pareille prohibi-tion serait exagérée. Mais y aura-!- il
déchéance s'il y a in-troduction, non pas des objets
similaires à l'objet breveté, mais des pièce» détachées
nécessaires à sa confection. La question peut paraître
douteuse, et on la résout générale-ment en fait. Si les
pièces détachées sont sans importance, ne constituent
pas la partie nouvelle du produit, ce pour quoi il y u eu
obtention du brevet, il n'y aura pas évidemment
DES INVENTIONS
BREVETÉES
53
déchéance encourue : si au contraire ces pièces tachées
constituent la partie capitale de l'invention, il y aura
dé-chéance. Un arrêt de la Cour de cassation du 17
juin 1863 (Sirey, 1865, 1,465), sout la question dans
ce sens et les considérants de l'arrêt sont très courts
comme si la ques-tion n'avait pas fait doute. L'arrêt de
la Cour de Paris contre lequel le pourvoi a été formé se
contente de dire :
« Considérant que, frappant de déchéance le brevet
d'in-vention, lorsque le bénéficiaire du brevet introduit
en Franco des objets fabriqués à l'étranger et
semblables à ceux qui sont garantis par le brevet, la loi
a voulu protéger l'indus-trie française et a voulu que
tout ce qui faisait l'objet du monopole fût fabriqué en
France, etc. » La déchéance serait prononcée dans ce
cas quand même un des organes de la machine
brevetée aurait été fabriqué en France, si cet or-gane
est insignifiant. Cela allait d'ailleurs pour ainsi dire de
soi. Un jugement du tribunal de la Seine se prononce
dans ce sens à peu près sans donner de motifs,
tellement g'est évident. Il se contente de faire observer
que lorsque l'objet fabriqué en France est, relativement
à la machine entière d'une valeur de fabrication
insignifiante, la déchéance doit être prononcée,
autrement il y aurait là un moyen facile d'éluder laloi.
Par application du principe, que la chéance est
pronon-eté uniquement quand les objets introduits
représentent une certaine valeur et sont d'une
importance suffisante, il a éjugé que l'introduction
en France de produits, d'ailleurs en petite quantité et
devant servir d'échantillons, ne faisait pas encourir la
déchéance (Douai, H juillet 1846. Dalloz, 1846, 2,
194). Nous admettons sans difficulté cette solu-
54 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
tion éminemment juste et parfaitement conforme à l'esprit
de la loi de 1844. La généralité des termes de l'art. 82,
ne fait pas en effet obstacle à l'examen des circonstances
dans lesquelles l'introduction a été faite, et cela avec d'au-
tant plus de raison qu'il s'agit ici de décance, matière de
droit strict, et que par conséquent il faut interpréter stricte-
ment la loi. Le jugement du tribunal de première instance
avait cependant été contraire à cette manière de voir, ce
qu'on ne peut s'expliquer que difficilement. Il faut même
aller plus loin, et décider que toutes les fois que l'intention
commerciale n'existera pas, l'introduction peut se faire
sans danger. Ainsi, par exemple, en laissant de côté l'intro-
duction d'échantillons, nous ciderons que la chéance ne
sera pas encourue quand on aura introduit en France des
objets fabriqués à l'étranger, non pas pour les y vendre,
mais pour leur faire les réparations nécessaires (Paris, 17
juillet 1869. Pataille, 1870, page 110).
Il a été jugé de môme que l'art. 32, 3°, ne s'appliquant
qu'au cas l'introduction a eu lieu en vue de livrer au
commerce les objets introduits, ne concernait pas le cas
cette introduction n'avait eu d'autre but que de faciliter la
fabrication en France de produits pareils. Nous admettons
parfaitement cette manière d'interpréter la loi : en s'inspi-
rant du but toujours le même de la loi de 1844, on voit sans
difficulté que l'art. 32, , est simplement fondé sur l'intérêt
du pays qui veut qu'en échange du monopole qui lui est
concédé, le breveté fasse profiter le travail national de la
main-d'œuvre résultant de l'exploitation de son industrie
(Paris, 8 juin 1855, Dalloz, 1856, 2, 108). — Cette solution
toutefois, n'est pas universellement admise, et un argument
DES INVENTIONS BREVETÉES
très sérieux, il faut le reconnaître, est donne contreda
doc-trine de la jurisprudence. On kit remarquer qu'aux
de l'article 32, dernier alinéa de la loi de 1844, le
ministre du Commerce pouvait autoriser l'introduction
en France des objets brevetés, dans un seul cas : celui
cette introduc-tion était nécessaire pour l'obtention
du brevet d'importa-tion (art. 29), la description de
l'invention étant insuffisante à faire comprendre
l'invention : or cette disposition de la loi a été modifiée.
Une loi du 31 mai 1856 étend à d'autres cas, sur
lesquels nous aurons à revenir, le droit qu'a le ministre
de permettre cette introduction. Un de ces cas
précisément est l'introduction d'un modèle de
machines fabriquées à l'étranger. C'est donc qu'un
texte formel a éjugé ces-saire en 1856 pour aller
contre la loi de 1844, c'est donc que cette loi est
formelle, et que dans tous les cas, sans qu'il y ait à
distinguer s'il y a eu but mercantile ou non, l'intro-
duction entraîne déchéance. Pour ne prendre qu'un des
exemples que nous avons indiqués plus haut, s'il était
licite d'introduire en France un objet à titre
d'échantillon sous l'empire de la loi de 1844, pourquoi
a-t-on considéré qu'en 1856 un texte était nécessaire?
Certaines personnes se rendant à ces raisons ont
déclaré que l'art. 32, 3°, était absolu et ne souffrait
aucune restriction. En présence d'une antinomie
apparente on pourrait d'abord interpréter la loi de 1844
telle qu'elle est, en considérant la loi de 1856 comme
sur une superfétation sans utilité. Mais il est un moyen
très simple de lever l'antinomie et de concilier les deux
textes. L'inventeur peut très bien, d'après la loi de
1844, introduire en France des objets brevetés à
l'étranger, s'il n'y a pas but commercial, mais la
question de savoir
56 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
s'il y oui ou non intention commerciale pouvant donner lieu
à des difficultés, on lui permet pour se mettre à l'abri de
demander une autorisation au ministère du Commerce. Il
est inutile d'ajouter que le ministre ne pourrait pas accor-der
le droit d'introduire des objets fabriqués à l'étranger Si le
but réel était commercial : cette autorisation, par impos-
sible accordée, ne pourrait avoir aucun effet. Pour la même
raison d'ailleurs, l'objet introduit en France avec une desti-
nation spéciale n'en peut pas être détourné par la suite, On
l'a bien contesté, mais cette opinion nous semble de tous
points incontestable.
Cette disposition de la loi française a été vivement criti-
quée, notamment au Congrès de la Proprié industrielle en
1878. M. Th. Givpy demanda purement et simplement
l'abrogation de cette disposition prétendant qu'il était maté-
riellement impossible de la mettre à exécution. Il faisait
remarquer que l'inventeur breveté à l'étranger cherchera
tout d'abord à savoir si son produit nouveau et breveté en
France aura le succès qu'il attend. D'après la loi, le breveté
doit commencer par créer des établissements en France,
par fonder des usines, en un mot immobiliser des capitaux
considérables, et pourquoi faire si l'invention n'est pas
goûtée en France, si le breve est obligé de renoncer à
l'exploitation ? Nous n'sitons pas à reconnaître qu'il y a
beaucoup de vrai dans ces observations, et on voit se con-
firmer de plus en plus, à mesure que nous avançons dans
notre étude ce que nous avons eu occasion de dire plusieurs
fois déjà, à savoir que les droits des étrangers sont fort
bien protégés en théorie, mais fort peu en pratique. Et
cependant qu'importe que le breveté introduise des objets
DES INVENTIONS BREVETÉES 57
fabriqués à l'étranger? Il faut pond-on, protéger
l'indus-trie nationale, mais n'est-elle pas suffisamment
protégée par cette obligation est le breveté étranger
d'exploiter son industrie en France, disposition de loi
que nous avons approuvée tout en y apportant les
restrictions nécessaires. Si le breveté importe
beaucoup d'objets en France, c'est vraisemblablement
qu'il n'y exploite guère et alors il y aura déchéance
pour défaut d'exploitation. Certainement on peut
supposer qu'un breveté soit dans une situation
tellement prospère, trouve tan d'acheteurs de l'objet
breveté qu'il en introduira un grand nombre en France
tout en exploitant suffisamment aussi pour éviter la
déchéance. Il nous suffira de répondre que c'est dans
tous les cas l'exception, et, d'ailleurs cette importation
qu'on parait tant re douter n'est guère à craindre en
France les droits de douane sur cer-taines matières
sont suffisamment élevées pour garantir tout le monde.
Nous concluons donc à la suppression de cet article 32,
3°, disposition qui n'a pas d'avantages sérieux, mais a
beaucoup d'inconvénients pour les brevetés et pour le
consommateur qui souffre de l'obligation où est le pro-
ducteur de fabriquer en France, quand il pourrait le
faire à meilleur compte en pays étranger.
Le Congrès de 1878 vota la suppression de cette
cause de déchéance. Résolution 8, sur les Brevets
d'invention :
« L'introduction dans le pays le brevet a été
délivré, de la part du breveté, d'objets fabriqués à
l'étranger ne doit pas être interdite par la loi. » Cette
proposition fut votée après quelques paroles de M.
Droz, disant que l'idée de protection à outrance due à
L'industrie d'un pays était bien surannée et presque
gothique, qu'il fallait s'occuper du bre-
38 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
veté et du consommateur, et avoir plus de confiance dans
la liberté ; c'est absolument notre avis.
La conférence de 1880 vota d'ailleurs dans le même sens,
et M. la président Bozérian n'hésitait pas à déclarer qu'il
considérait cette disposition de la loi française comme bar-
bare et inutile : cette disposition ne se retrouve pas d'ail-
leurs dans les lois étrangères; qu'il nous suffise de citer la
loi la plus récente sur la matière, c'est-à-dire la loi espa-
gnole de 1878 qui n'admet pas cette cause de déchéance et
doit être en cela pleinement approuvée.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs du mérite de cet art. 32, 3º, il
importe de ne rien exagérer. Nous avons vu plus haut comment
la jurisprudence l'entendait, nous avons vu que la loi de 1844,
elle-même, faisait une exception au principe dans le cas de
l'art. 29 : la loi du 31 mai 1856 à laquelle nous avons fait
allusion est venue atténuer dans une certaine mesure ce que
celte disposition avait de mauvais.
Sous l'empire de la loi de 1844, l'administration combi-
nant d'une façon littérale et rigoureuse l'art. 32 in fine et
l'art. 29 avait admis que l'introduction ne serait permise
que dans l'espèce me prévue, c'est-à-dire lorsque l'in-
troducteur déjà breveté à l'étranger demande à produire
son modèle à l'appui d'une demande en France. L'exposé
des motifs met bien en lumière, ce qu'il y avait de singulier
dans la loi de 1844 telle que l'interprétait la jurisprudence :
il arrivait que l'autorisation du ministre ne pouvait pas être
obtenue dans des cas elle aurait été nécessaire ; úh indivi-
du exploitant dans les deux pays, et ayant été breveté dans
les deux pays ne se trouvait pas dans les conditions exigées
et ne pouvait jamais obtenir l'autorisation nécessaire. Ce
DES INVENTIONS
BREVETÉES
59
fut la loi du 31 mai 1856 qui permit au ministre
d'autoriser d'une façon générale l'introduction en
France des modèles de machines, et des objets
fabriqués à l'étranger destinés à des expositions
publiques ou à des essais faits avec l'as-sentiment du
gouvernement. — Nous ne reviendrons pas sur les
modèles, et nous allons consacrer un assez long
chapitre à ce qui concerne les expositions : examinons
tou-tefois dès maintenant ce qu'il faut entendre par ces
mots : essais faits avec l'assentiment du gouvernement.
Dans la commission qui fut réunie pour préparer le
vote de la loi, on parut craindre que les autorisations
pour ce motif, ne fussent données trop facilement. Il
faut entendre ceci, comme l'entendait le rapporteur lui-
même : « Cette latitude est donnée au gouvernement
non pas pour l'étendre d'une façon absolue, mais
seulement à l'intervalle des concours, expositions et
toujours exceptionnellement ».
Malgré cette assurance du rapporteur, il n'en est pas
moins certain que le ministre a un pouvoir à peu près
discrétionnaire pour autoriser l'introduction d'une
machine, d'un modèle, d'une invention quelconque
dont la connais-sance promplement acquise peut
d'ailleurs avoir pour résultat heureux comme il fut dit
plusieurs "fois, de tenir notre industrie et notre
agriculture au niveau le plus élevé.
Après avoir examiné le cas de déchéance résultant
de l'introduction en France d'objets similaires a ceux
que garantit le brevet et fabriqués à l'étranger, il
importe
60 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
d'examiner un autre côté de la question. Nous savons que
l'introduction faite par un tiers, sans le consentement du
breveté bien entendu, est assimilée à la contrefaçon (art. 41
de la loi de 1844) : on comprend, sans qu'il soit besoin d'insis-
ter, combien il importait de prohiber ces introductions qui
auraient cauun préjudice considérable au breveté, mais
une question qui n'a pas été tranchée d'une manière for-
melle par la loi et qui est encore discntée dans la pratique,
c'est celle de savoir si l'introduction en transit est assimilée
elle aussi à la contrefaçon. La question se présente égale-
ment en ce qui concerne l'entrepôt.
Objets introduits en transit. Deux opinions se sont
produites sur ce point. Dans un premier système adopté
par un arrêt de la Cour de Rouen du 12 février 1874
(Journal du palais, 1874, page 1165), on assimile absolu-
ment l'introduction en transit à la contrefaçon, «attendu,
dit l'arrêt, que l'art. 41 ne distingue pas, et qu'il punit, à
l'égal de la contrefon, tout fait d'introduction en France
d'objets contrefaits, pourvu qu'il ait été commis sciemment,
attendu que la fiction légale, en vertu de laquelle les mar -
ohandises transportées en transit sont réputées voyager en
dehors des frontières de l'État n'a d'effet que par rapport
aux droits de douane, mais que cette fiction ne saurait être
opposée aux particuliers, etc. »
L'objection qu'on fait immédiatement est qu'il ne doit pas
y avoir assimilation à la contrefaçon, vu l'absence de préju-
dice pour le breveté : les partisans du système précédent
répondent que cette manière d'agir est de nature à tromper
les acheteurs sur l'origine de la marchandise, et à donner à
cette marchandise le caracre d'une fabrication française au
DES INVENTIONS BREVETÉES 61
détriment du breveté. On peut citer dans le sens opposé
à l'arrêt de Rouen un jugement du tribunal de la Seine
du 23 juin 1860 (Annales de la Proprié industrielle,
1860, p. 30). On peut hésiter d'autant plus que la
doctrine de la Cour de Rouen est excellente en
législation. Nous admettrons néan-moins l'opinion
contraire, la loi de 1844 ne nous semblant pas
susceptible d'une pareille interprétation. D'ailleurs une
comparaison trè simple nous montrera combien
l'interpré-tation de la Cour de Rouen force le sens de
l'art. 41. Le fait d'introduction qui est assimilé à la
contrefaçon) quand il provient d'un individu étranger
au brevet, est une cause de déchéance quand il provient
du breveté : il faut absolument, le contraire serait
insoutenable, prendre le mot introduc-tion dans le
même sens, dans les doux cas, or, on n'a jamais
soutenu que le breveté ne pouvait pas introduire en
transit en France des objet fabriqués à l'étranger.
Soutenir cela ce serait nuire sans profit aucun à nos
industries de transport. Personne n'en profiterait,
puisque le breveté pourrait tou-jours fabriquer à
l'étranger et envoyer ses produits il voudrait en
leur faisant faire un détour pour qu'ils ne pas-sent pas
par la France. Si donc, dans ce cas, l'introduction en
transit n'est pas considérée comme une introduction
réelle, on ne peut pas décider autrement dans l'autre
espèce qui est absolument analogue. Tout ce qu'on peut
admettre, et ce que nous admettons, c'est que si le
breveté éprouve un dommage sérieux de ce que les
marchandises, ayant passé par le territoire français,
sont vendues comme étant d'origine française, il pourra
demander des dommages-in-térêts (Code civil, art.
1382) ; ceci, c'est le droit commun et on ne peut pas ne
pas en faire profiter le breveté, mais il
62 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
nous semble que c'est aller trop loin que d'assimiler cette
introduction en transit à la contrefaçon (Voir une note de
M. Lyon-Caen, sous l'arrêt de Rouen (Journal du Palais,
1874, p. 1165), et Sirey (1874, 2, 281).
La même question, nous l'avons dit, se présente pour
les entrepôts : généralement les auteurs et les arrêts
solvent ici la question dans le sens opposé. On peut citer
notamment un jugement du tribunal de la Seine du 30 mai
1861 qui tait la distinction. La raison qu'on en donne, et
que nous admettons, est que les marchandises en entrepôt
ne sont pas nécessairement expédiées à l'étranger,
pouvant être retirées de la douane quand les droits sont
acquittés. Il serait en effet exorbitant que le propriétaire
d'objets les tienne dans un entrepôt quelconque, en ayant
la liberté de les retirer au fur et à mesure des besoins de son
commerce, Si la question a pu paraître douteuse pour les
introductions en transit, elle ne semble pas l'être ici : ces
introductions sont assimilées à la contrefaçon et punies
comme telles.
CHAPITRE V
DU DROIT QU' ONT LES INVENTEURS BREVETÉS EN
FRANCE DE SE FAIRE BREVETER ENSUITE EN PAYS
ÉTRANGER.
Après avoir exami les dispositions de nos lois
concer-nant la protection accordée aux étrangers en
France, il nous faut examiner la question du droit des
brevetés à un autre point de vue : la loi française
autorise-t-elle un inven-teur breveté en France à se
faire breveter en pays étranger. La loi de 1844 le
permet, dérogeant en cela à la loi de 1791. On avait cru
à cette époque réserver à la France par cette
prohibition le fruit exclusif de l'invention qui y avait
été brevetée : ce but que se proposait ainsi le
«législateur n'avait pas été atteint, l'invention étant
vite connue à l'étranger : on arrivait à ce résultat
singulier que la décou-verte était placée en France
sous l'empire du monopole et qu'elle était dans le
domaine public à l'étranger, ce qui nuisait a la fois à
l'inventeur et & l'industrie nationale. La loi de 1844 a
eu raison d'abolir cette disposition.
CHAPITRE VI
DES EXPOSITIONS
Nous venons de voir que d'après la loi du 31 mai 1856,
le ministre peut permettre l'introduction en France
d'objets fabriqués à l'étranger, afin qu'ils figurent dans
une exposi-tion : c'est une disposition qui ne souleva pas,
et qui ne pouvait soulever de difficultés. Mais cependant
on se heur-tait à plusieurs inconvénients : qu'on suppose
un inventeur étranger non breveté en France, et exposant,
on voit immé-diatement quel danger il encourt; son
invention ne sera plus nouvelle partant plus brevetable,
puisqu'elle aura été divulguée par le seul fait de son
exposition en public ; il faut supposer d'ailleurs, cela va
de soi, pour qu'il y ait eu perle de nouveauté, que
l'invention ait pu être comprise ainsi sans nécessité
d'aucune explication : autrement l'in-venteur est
pleinement sauvegardé. —Dans ces conditions, il y aura
des gens qui auraient exposé et qui ne le pourront pas.
Sans doute, pourrait-on objecter, ils peuvent prendre un
brevet, mais on répond que peut-être on aura affaire à des
inventeurs ne disposant pas des sommes nécessaires, et
que, dans tous les cas, certains inventeurs pourraient ne
pas se presser de prendre un brevet en France, attendant
précisément le jugement du public avant de faire la
dépense et voulant voir, par expérience, comment leur
invention sera accueillie. Il y avait intérêt pour le
gouvernement à aviser,
DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVEES
65
d'autant plus que l'inconvénient existait le même pour
les français et les étrangers. — Une loi du 23 mai
1868, règle aujourd'hui la matière ; il convient de
l'étudier ici, car si la question qu'elle tranche, présente
un intérêt sérieux en ce qui concerne les nationaux,
elle en présente un plus consi-dérable encore peut-être
en ce qui concerne les étrangers ; comme le disait
excellemment en effet au Congs de la pro-priété
industrielle, M. Ambroise Rendu : La question à
l'égard des étrangers a un intérêt plus grand encore ;
quand on fait appel à toutes les nations, quand on les
invite à faire assaut de merveilles et de magnificences,
il serait indigne de la France, de ne pas offrir une
hospitalité complète et gra-tuite. « Et l'honorable
membre du congrès ajoutait : Sa protection doit être
complète,'parce que vous ne pouvez pas obliger
l'étranger qui vient, à prendre un brevet qui le ga-
rantisse pendant l'exposition : il pourrait n'être pas
dans les conditions nécessaires pour le prendre, mais
remplacer ce brevet par un certificat provisoire, c'est
faire œuvre vrai-ment libérale. »
La loi de 1868, qui est générale, avait éprécédée
de deux autres lois votées lors des deux expositions
précé-dentes (loi du 2 mai 1855 et loi du 3 avril 1867),
qui, sauf des divergences de détail dans lesquelles il
est inutile d'entrer, avaient organisé un système
analogue au sien. Le but qu'on poursuivait et qui a été
atteint était de dispenser les exposants à l'aide de
simples certificats délivrés gratui-lement des formes
relativement lentes et surtout de la con-| signation
préalable de la première annuité de la redevance
exigée par la loi du 5 juillet 1844. Les formalités sont
ré-
5
66 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
duites autant qu'il est possible de le faire. L'auteur,
français étranger, admis Sans une exposition autorisée
par l'administration, peut se faire délivrer par le préfet ou
le sous-préfet dans le département ou l'arrondissement
duquel cette exposition est ouverte, un certificat descriptif
de l'objet expo (art. 1
er
): la demande de ce certificat pro-
visoire est faite dans les formes exigées pour les demandes
de brevets : il faut, cela est d'ailleurs d'évidence, une des-
cription détaile de l'invention, etc. ; cette demande doit être
faite dans le premier mois de l'ouvertvre de l'exposition.
La livrance du certificat est gratuite, sans examen préa-
lable, et le certificat ainsi obtenu assure à celui qui l'obtient
les mômes droits que lui conférerait un brevet d'invention
jusqu la fin du troisième mois qui suivra la clôture de
l'exposition sans préjudice du brevet qui peut être pris
avant l'expiration de ce terme.
Cette loi, sur laquelle nous n'avons pas l'intenàon de
no' is étendre longuement, a réellement comblé une lacune,
et a permis à beaucoup d'inventeurs étrangers de prendre
part aux expositions : grâce à cette mesure, on ne pourra,
plus dans les délais utiles leur opposer le défaut de nou-
veauté, quand ils prendront ensuite un brevet conformé-
ment à la loi de 1844, bien qu'en fait leur invention ait été
rendue publique par l'exposition. Mais il va de soi etcelaa
à peine besoin d'être dit, que toute divulgation qui provien-
drait d'une autre cause que l'exposition resterait sous l'ap-
plication de la loi de 1844 et rendrait impossible l'obtention
d'un brevet valable. Ce qui prouve d'ailleurs, mieux que
tous les raisonnements, l'excellence de cette disposition,
c'est que le nombre des exposants qui en ont profité est
DES INVENTIONS
BREVETÉES
67
relativement considérable, 800 en 1855, 330 en 1867
et 850 en 1878.
Cette loi de 1868 a été cependant critiquée dans
quelques-uns de ses détails. On fait remarquer que
l'Inventeur qui demandait un certificat provisoire et
qui, dans les délais de la loi, demandait ensuite un
brevet, tournait en fait la loi qui fixe comme durée
maximum des brevets en France quinze ans. En effet,
le droit de protection provisoire court du jour de
l'admission à l'exposition, et, trois mois, après la fin de
l'exposition sont encore accordés pour l'obtention du
brevet. Au Congrès de 1878, on demanda que la durée
pendant laquelle sont protégées ainsi les inventions
figurant aux expositions internationales soit déduite de
le durée totale de la protection légale ordinaire et ne lui
soit pas ajoutée. Cette proposition fut adoptée par le
Congrès après quel-ques observations fort
intéressantes de M. Lloyd Wise (Angletti-re). Il
s'opposait au vote de la proposition, faisant remarquer
que les expositions étaient destinées, en somme, à faire
connaître au public les inventions les plus nouvelles, et
qu'un inventeur, afin de faire connaître son invention
com-modément, demandait un certificat provisoire,
alors que, sans l'exposition, il n'aurait pas demandé
peut-être de bre-vet attendant un moment plus
opportun.
Selon l'honorable M. Lloyd Wise, l'adoption de la
pro-position avait pour but immédiat d'éloigner des
expositions beaucoup d'inventeurs sérieux qui
aimeraient mieux attendre. — On peut hésiter entre ces
deux manières de voir, car indubitablement il y a
quelque chose de vrai dans les observations que
nousvenons de résumer ; nous nous rallions cependant à
l'opinion qui prévalut dans le Congrès de la
68 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
Propriété industrielle, poussé surtout par ce motif qu'il
n'est pas d'une bonne législation de poser d'une manière
fixe et invariable un maximum de durée de protection, et
de donner ensuite un moyen commode de dépasser ce maxi-
mum. Aujourd'hui, en effet, que les expositions se multiplient
presqu l'infini, cette diversidans la longueur des brevets
ne doit pas exister : on ne doit pas admettre que la protec-
tion durant, en fait, a peu près deux ans, comme cela eut
lieu lors de l'Exposition de 1878, on ait des brevets qui
durent dix-sept ans.
Une autre lacune existe qui, celle-là, n'est pas combe et
qui devrait l'être : il faudrait déoider, et le Congrès de 1878
cida, que la protection provisoire accordée aux inventeurs
prenant part aux expositions devait être étendue à tous les
pays qui sont représentés à ces expositions. Cette cision
était la suite naturelle et logique de la liration du Con-
grès, d'aps laquelle l'inventeur qui a demandé un certifi-
cat provisoire pourra demander ensuite un brevet sans
qu'on lui oppose le défaut de nouveauté ; en effet, pourquoi
cet effet éminemment juste se produirait-il seulement dans le
pays l'exposition a lieu tandis que dans les autres pays
on opposera à la demande de brevet une exception tirée
d'une divulgation antérieure. — On demandait donc au
Congrès de voter, et le Congrès vota, qu'une entente entre
les divers pays serait à désirer, entente qui permettrait do
compléter l'heureuse institution des certificats provisoires.
Il ne faut pas siter à approuver pleinement cette délibé-
ration du Congs qui est simple, pratique, et qui, mise à
exécution, répondrait à un réel besoin.
On s'est demandé si les exposants munis d'un certificat
DES INVENTIONS
BREVETÉES
69
provisoire, avaient exactement les mômes droits que
s'ils étaient protégés par un brevet. On s'est demandé
notam-ment s'ils pourraient poursuivre les
contrefacteurs en vertu de leur certificat. La question
présente un intérêt pratique des plus sérieux sur lequel
il est inutile d'insister. La ques-tion est très vivement
discutée : il semble préférable d'ad-mettre qu'ils auront
dans leur plénitude les droits des bre-vetés, et le plus
important de tous : celui de poursuivre les
contrefacteurs ; puisque ces certificats provisoires, en
effet, sont faits pour favoriser la participation des
étrangers aux expositions, il faut étendre les avantages
qui leur sont con-férés le plus qu'il est possible.
D'ailleurs dans le but de favoriser les exportions, on
les fait jouir de dispositions de faveur : lors de
l'Exposition interna-tionale de 1878 une loi vint
déroger à l'art. 32, et , pendant la durée de
l'exposition, et nous trouvons, dans l' Officiel du 23
juin 1881, une loi analogue concernant l'expo-sition
d'électricité quiaeulieurécemmentà Paris. Du 1
er
août
au 15 novembre 1881, on a pu introduire en France
librement les objets fabriqués à l'étranger sans avoir à
craindre la chéance à condition de les expédier dans
le délai de trois mois àpartirde la clôture officielle del'
exposition. L'art. 32,2°, n'étant pas applicable pendant
la durée de l'exposi-tion, la déchéance pour défaut
d'exploitation, a é inter-rompue. La saisie par
description seule a été possible (1)
(1) C'est d'ailleurs une question gérale que de savoir si on peut
saisir les objets, soit en cours de voyage, soit dans, l'exposition. On
en comprend l'importance, surtout en ce qui concerne les étrangers
puisqu'il pourront être détournés de toute ie de participation aux
expositions. Nous n'hésitons pas à admettre, qu'en principe, la saisi
70 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
et encore s'il s'agit d'étrangers, il fallait que le saisissant
fût protégé dans le pays du saisi.
Ces dispositions de faveur no sont pas d'ailleurs sans
précédent : le système de la protection provisoire fut
inau-guré en Angleterre lors de l'Exposition universelle
de 1851 : on peut citer aussi un acte du 14 juillet 1870
pour la pro-tection des inventions exposées aux
expositions interna-tionales du Royaume-Uni. Cette loi
(art. 2) dispose que l'exposition d'une nouvelle invention,
la publication, la
est possible, d'abord c'est le droit commun et aucun texte ne peut
être invoqué qui aille contre les principes généraux. On a argu-
men que les objets voyageaient en transit, ou à destination d'eu
trepôt ; mais on pond très simplement que les décrets qui font
des locaux de l'exposition des entretsels, ont une portée fiscale
et n'ont pas d'autre but. Dans l'intention d'attirer le plus possible
d'étrangers, on les dispense des impôts ordinaires ; le droit civil, les
droits des particuliers, n'en restant pas moins intacts. On ne peut
s'arrêter à l'objection tie de ce fait que, d'après les règlements en
vigueur, il est défendu dans un intét d'ordre d'enlever das objets
exposés : comme on l'a fait remarquer avec raison, le glement a
été accep par les oxposants qui s lors sont liés par leur accep-
tation ; mais les créanciers sont des tiers pour qui le règlement n'a
pas et ne peut avoir force de loi. La saisie réelle, effective, suivie de
la vente aux enchères est donc possible : c'est un sultat peuttre
exagéré qui, outre ses inconvénients, au point de vue des étrangers,
pourrait nuire au bon ordre de l'exposition : la loi de 1881, dont nous
parlons plus haut a fait la part de tout le monde, en établissant dans
son article 5, que la saisie par description serait seule possible dans
l'intérieur de l'exposition : c'est une disposition qu'il faut approuver
en faisant une exception pour le cas cette saisie par description
no présenterait pas de garanties suffisantes (Voir plus loin : Marques
de fabrique).
(Voir sur cette question une étude ts complète de M.. Edouard
Clunet, suivie d'un examen approfondi des questions de procédure.
Voir aussi une étude de M. Lyon-Caen, Journal du droit interna-
tional pri, 1878, page 446, sur la saisie-arrêt des objets figurant à
une exposition internationale, d'après la jurisprudence autri-
chienne.)
DES INVENTIONS BREVETÉES 71
description et l'usage ne pourront préjudicier aux
droits de l'exposant, s'il est le premier et véritable
inventeur, pendant les six mois du temps de
l'ouverture de cette exposition.
On peut citer aussi une loi autrichienne du 13
novembre 1872 lors de l'Exposition de Vienne, qui a
consacré lo principe de la protection temporaire des
objets exposés. Nous n'avons pas à entrer dans les
détails de cette loi analogue d'ailleurs à la loi française
: comme elle, elle pose le principe du certificat
gratuitement délivré par le directeur général de
l'exposition et fait produire à ce certi-ficat, sauf des
différences négligeables, les mêmes effets. On peut-
affirmer que ces lois sont nécessaires lorsqu'une
exposition doit avoir lieu dans un pays (voir pour les
détails la traduction de la loi : Annales de la Proprié
in-dustrielle, année 1873, page 49).
Une dernière question s'est présentée relativement
aux expositions : on s'est demandé si le fait par un
tiers d'intro-duire en France des objets fabriqués en
pays étranger et si-milaires à ceux que garantit un
brevet français est assimi-lé à la contrefaçon quand
c'est à une exposition que ces objets sont destinés.
Nous admettrons sans siter la so-lution que nous
avons admise en ce qui concerne les entre-pôts. C'est
en effet abuser des mots que venir dire que les locaux
de l'exposition ne sont pas légalement en France ; cela
n'est rigoureusement vrai qu'en ce qui concerne les
droits de douane, mais on ne peut pas raisonnablement
sou-tenir que celle solution doit être admise en ce qui
concerne les droits privatifs des particuliers. Et comme
on l'a fait remarquer avec raison, le tiers qui expose
ainsi, n'expose pas sans une arrière-pensée de vente,
au moins à terme,
72 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
puisque les règlements des expositions prohibent la livrai
son imMédiate. Admettre donc une solution contraire à
la nôtre, c'est, en fait, encourager les contrefacteurs (Voir
à cesujet une étude de M. Lyon-Caen, Journal du droit
international privé, année 1878, page 17, suivie d'un
article de M. Bozérian).
On peut citer cepEndant en sens contraire un juge-
ment du tribunal de la Seine (jugement du 9 janvier
1867). Il a été décidé que les objets ayant Figuré à
l'Exposition universelle de 1867, ne pouvaient être
considérés comme ayant été mis en vente dans le sens de
l'art. 41 de la loi du 5 mai 1844. Le jugement admet
même, ce qui est assez ex-traordinaire, que si la vente
des objets exposés a été auto-risée dans une certaine
mesure, cette tolérance ne peut avoir pour effet de faire
assimiler à un bazar, les timents affectés à l'exposition
(Annales de la Propriété industrielle; Desouches contre
Taurax, 1868, p. 455).
Il va de soi d'ailleurs, que pour que la question ait
unintérêt pratique, il faut supposer que le tiers
introducteur a fabri-qué ces objets dans un pays le
breveté n'a pas pris de brevet, autrement il pourrait le
poursuivre directement de-vant les tribunaux de ce pays.
En résumé, toutes les dispositions admises dans l'intért
des expositions internationales sont pleinement à
approuver en tant que les droits privatifs des particuliers
n'ont pas à en souffrir ; dépasser cette limite nous paraít
une chose mauvaise en soi et injustifiable.
MARQUES DE FABRIQUE & DE COMMERCE
Nous n'avons plus à nous préoccuper ici de la
protection à accorder aux produits de l'intelligence
humaine se mani-festant par des inventions ou
découvertes quelconques : nous entrons dans un ordre
d'idées plus modeste, mais qui n'en est pas moins pour
cela intéressant et digne de fixer l'attention. Qu'on
suppose des fabricants n'ayant pas in-venté de procédé
nouveau, de produit nouveau, mais appor-tant un soin
tout spécial à leur fabrication, qu'on suppose des
commerçants connus pour vendre des objets générale-
ment bons, parce qu'ils savent eux-mêmes les bien
choisir et ne ? ; allèrent pas, on comprendra facilement
que ces gens ont un intérêt très grand à ce que le
public puisse les reconnaître et leur conserver sa
confiance; aussi depuis longtemps, les industriels et
les commerçants ont pris l'habitude d'apposer sur leurs
produits leurs noms, ou, sinon leurs noms, une marque
emblématique quelconque : en pra'.ique même ces
marques emblématiques ou figura-tives sont plus
employées que les noms eux-mêmes, elles présentent,
en effet, des avantages spéciaux et très rieux, étant
le plus souvent, si elles sont bien choisies, faciles à
reconnaître, et protégeant le fabricant ou commerçant,
ce
74 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
que ne fait pas l'apposition simple du nom, contre des
concurrents homonymes.—La protection due à ces
marques, à ces noms, rentre, comme l'étude des brevets,
dans le droit industriel proprement dit, et c'est une des
faces les plus importantes du problème, surtout quand on
se place au point de vue international. Les pays
d'exportation, en effet, comme la France, ont un intérêt
immédiat évident à ce que les marques de leurs nationaux
soit protégées à l'étranger, puisqu'autrement, les marchés
pourraient être inondés de marchandises de basse qualité
revêtues de marques fran-çaises, ce qui ne tarderait pas à
déprécier ces marques elles-mêmes. Aussi, importante
déjà en ce qui concerne le pays même, cette qnestion
présente un intérêt non moindre au point de vue
international. Avant d'entrer dans l'examen même do ces
questions diverses au point de vue des étran-gers, il
convient de présenter rapidement un résumé des lois
françaises sur la matière. Sans entrer d'ailleurs dans une
historique qui ne serait pas ici à sa place, bornons-nous à
dire que la législation française sur ce point estdouble : il
y a une loi sur le nom commercial et une loi sur les
marques de fabrique et de commerce. C'est d'ailleurs là,
nous pouvons le dire s maintenant sauf à y revenir plus
tard, une bizarrerie inutile, et il serait à souhaiter qu'une
seule et même loi réglât deux matières absolument identi-
ques. Quoi qu'il en soit, nous sommes forcés de diviser
notre étude en deux, nous occuper d'abord des marques de
fabrique et ensuite du nom commercial.
DES INVENTIONS BREVETÉES 75
NOTIONS GÉNÉRALES SUR LA LOI
FRANÇAISE
Résumé de la loi du 23 juin 1857 sur les marques de
fabrique et de commerce.
L'article i" pose le principe que les marques sont
facul-tatives : on sait sans qu'il soit besoin d'insister
sur ce point, combien les idées étaient différentes sous
l'ancien régime : la fabrication étant alors réglementée
par l'autorité, la mar-que était, suivant une expression
exacte, un certificat de garantie de l'autorité publique.
Cet état de choses devait finir à la Révolution : il avait
môme été adouci auparavant en 1779 et 1780. Lors du
vote de la loi de 1857, beaucoup de personnes avaient
demandé, ce qu'on a vraiment de la peine à
comprendre, que les marques fussent obligatoires. Le
principe contraire fut adopté, mars afin de donner
satisiac-tion dans une certaine mesure à ces
réclamations, on donna au gouvernement le droit de
déclarer la marque obligatoire dans certains cas. Le
projet de loi n'avait pas défini ce qu'il fallait entendre
par marque. Un amendement de la commission du
Corps Législatif donna la définition : on entend par
marques : les noms sous une forme distinctive, les
dénominations, emblèmes, empreintes, timbres,
cachets, vignettes, reliefs, lettres, chiffres, enveloppes
et tous autres signes servant à distinguer les produits
d'une fabrication, ou les objets d'un commerce. Il
convient de remarquer ici que dans cette énumération
on trouve le nom lui-même ; comme le faisait
remarquer le rapporteur, le nom est une
76 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
marque, et même une des plus sûres et des plus claires,
mais à la condition seulement qu'il affectera une forme dis-
tinctive et qu'il aura satisfait aux dispositions spéciales de
la présente loi : La loi de 1857 n'exige pas que la marque
soit adhérente ou apparente. La première formalité à rem-
plir est le dépôt de la marque, lequel dét se fait sans exa-
men préalable : deux exemplaires de cette marque doivent
être (article 2) déposés au greffe du tribunal de Commerce,
du domicile du fabricant ou du commerçant. On exige deux
modèles, parce qu'il y a une centralisation à Paris au con-
servatoire des Arts-et-Métiers : le dépôt qui n'est d'ailleurs
que déclaratif de propriété, n'assure la protection de la
marque que pendant quinze ans, ce qui ne veut pas dire
que le droit n'est pas perpétuel, c'est, pour rappeler une
comparaison heureuse, ce qui se passe pour l'hypothèque
qui est bien perpétuelle, mais dont l'inscription doit être re-
nouvelée au bout de dix ans : le but qu'on a poursuivi dans
les deux cas, est d'éviter de trop longues recherches. Le -
t doit à peine de nullité précéder les poursuites : le pro-
priétaire qui poursuivrait correctionnellement sans avoir
posé serait repoussé : ceci est d'ailleurs très juste, puisque
le dépôt a essentiellement pour objet, comme on l'a dit, de
notifier officiellement au public, la prise de possession de la
marque et, par suite, de constituer les tiers en état de mau-
vaise foi. Les droits à payer sont peu importants, un franc
pour la rédaction du procès-verbal de chaque marque, non
compris les frais de timbre et d'enregistrement peu prés
10 f'ranes au total).
Nous laissons de côté le titre II relatif aux étrangers.
Le titre III fixe les pénalités : les articles 7 et 8 font une
DES INVENTIONS BREVETÉES 77
distinction entre les contrefacteurs de marque et ceux
qui en ont fait une imitation frauduleuse : on punit en
faisant la môme distinction ceux qui ont sciemment
vendu des objets portants une marque contrefaite, ou
seulement frau-duleusemenl imités. Quand il y a
imitation frauduleuse, la peine est de 50 fr. à 1,000 fr.
et la prison de un mois à un an : quand il y a
contrefaçon proprement dite, l'amende va-rie de 50 fr.
a 3,000 fr., et la prison de trois mois à trois ans : dans
les deux cas, d'ailleurs, le juge peut prononcer une des
deux peines seulement. — L'article 9 prononce des
peines contre ceux qui n'auraient pas apposé des
marques obligatoires. L'art. 463 du Code pénal
(circonstances atté-nuantes) est applicable, mais à
l'inverse, en cas de réci-dive, c'est-à-dire, quand il y a
eu condamnation depuis moins de cinq ans pour un des
faits prévus par la loi, la peine est doublée. L'article 13
prononce en outre, des déchéances spéciales (droit de
vote aux élections consu-laires, etc.). L'art. 14 autorise
la confiscation par le tribu-nal, même en cas
d'acquittement : les objets revêtus d'une marque
déclarée fausse peuvent être remis au vrai proprié-taire
de la marque, sans préjudice, bien entendu, de plus
amples dommages-intérêts, s'il y a lieu. — C'est le
tribunal civil qui est compétent pour connaître des
actions civiles : le tribunal correctionnel peut
néanmoins connaître des exceptions invoquées lors des
poursuites. Une procédure de description et de saisie
est organisée, analogue à celle qui concerne les
brevets. En laissant de côté l'article 19 qui rentre dans
le droit international, et que nous aurons à com-menter
par la suite dans le courant de nos explications, il ne
reste pour terminer cette analyse sommaire de la loi
que
78 DE LA PR0T. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
la disposition de l'article 20, qui, tranchant formellement
une controverse, dispose que la présente loi s'applique aux
vins, eaux-de-vie, et autres boissons, aux bestiaux, grains,
farines, et ralement à tous les produits de l'agriculture.
Les articles 24, 22, 23, contiennent des dispositions transi-
toires aujourd'hui dépourvues d'utilité, et n'engageant d'ail-
leurs aucun principe juridique.
DROIT INTERNATIONAL
CHAPITRE PREMIER
Avant la loi de 1857, aucun texte spécial ne prévoyant
for-mellement la question du droit des étrangers, la
jurispru-dence appliquait l'art. 11 du Code civil, c'est-
à-dire que les étrangers étaient protégés seulement,
quand il y avait entre la France et leur pays des traités
établissant la réciprocité diplomatique. Dans tous les
autres cas, sauf encore cepen-dant, celui l'étranger
avait été autorisé à établir son-do-micile en Frarce
(art. 13) les étrangers ne pouvaient faire respecter
leurs marques en France. Plusieurs arrêts de la Cour
de cassation avaient établi cette jurisprudence, on
avait môme admis que l'étranger résidant en France,
mais n'étant pas autorisé par le gouvernement à y
établir son domicile, ne pouvait revendiquer la
protection de la loi. On pourrait discuter au point de
vue théorique, la question de savoir si la propriété des
marques est de droit naturel ou n'est qu'Ane création
du droit civil,: un texte formel résol-vant aujourd'hui la
question, elle a perdu de son intérêt : nous admettons,
sans discussion, qu'il y a là plutôt une création du droit
civil qu'une propriété du droit des gens ;
80 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
c'est d'ailleurs le principe admis par la loi de 1857 qui
n'accorde la protection fraaise aux étrangers que dans
certaines conditions et dans certains cas.
ART. 5. — Les étrangers qui posdent en France des éta-
blissements d'industrie ou de commerce, jouissent pour les
produits de leurs établissements du bénéfice de la présente
loi, en remplissant les formalités qu'elle prescrit.
ART. 6. — Les étrangers et les Français dont les établis-
sements sont situés hors de France jouissent également
des bénéfices de la présente loi, pour les produits de ces
établissements, si dans les pays où ils sont sits, des con-
ventions diplomatiques ont établi la ciprocité pour les
marques françaises.
Il faut ajouter à cet article 6, l'article 9 de la loi du 26 no-
vembre 1873.
ART. 9. Les dispositions des autres lois en vigueur
louchant le nom commercial, les marques, dessins ou mo-
dèles de fabrique seront appliquées au profit des étran-
gers, si, dans leur pays, la législation ou des traités inter-
nationaux assurent aux Français les mes garanties.
Il est facile, a priori, de montrer quelle a é l'intention du
gislateur lors du vote de ces dispositions : on a consi
que l'étranger dont les établissements sont en France con-
tribue, comme les nationaux eux-mêmes, à la prospérité
du pays, et que, dès lors, il doit comme eux être protégé
par la loi. Mais d'un autre côté, on n'a pas voulu accorder
ces avantages à ceux dont les établissements sont situés à
l'étranger, qu'ils soient d'ailleurs étrangers ou Français. La
réciprocité diplomatique seule, en 1857 (la ciprocité légale
aussi en 1873), est la condition, sine qua non, de toute pro-
DES INVENTIONS BREVETÉES 81
teclion. On pourrait, sans doute, faire observer,—nous
avons déjà fait allusion à cette question législative,
que la pro-priédes marques semble plutôt dériver du
droit naturel; on pourrait dire, et on a bien souvent
formulé ces critiques, que celte propriété doit être
respectée partout, et qu'en exigeant certaines
conditions, en se montrant moins libéral que le
législateur de 1844, le législateur de 1857 a peut-être
moins bien compris les els intérêts et besoins du
com-merce qui doit en somme être loyal et bonnête.
Nous croyons que le législateur a eu raison en théorie
d'admettre ces restrictions, et au surplus, la question ne
présente pas d'inconvénients pratiques sérieux,
puisqu'en fait, la protec-tion internationale des marques
existe et est sérieuse : quelle que soit l'opinion qu'on
adopte sur la question théorique c'est un résultat auquel
il était indispensable qu'on arrivât dans l'intérêt
réciproque des commerçants de tous les pays. si le cas
se présentait un commerçant étranger verrait sa
marque usurpée, la bonne renommée de sa maison
compro-mise sans qu'il puisse se plaindre, ce serait un
résultat tout à fait choquant et contraire à la morale
publique : heureu-sement cela n'arrive guère, grâce aux
lois nationales et aux conventions diplomatiques.
Quoi qu'il en soit, il importe de dire que le législateur
français place les nationaux et les étrangers sur le
même pied. La loi, en effet, ne s'occupe pas, pour
parler exac-tement, des marques des étrangers, mais
des marques appartenant à des commerçants dontles
établissements sont situés à l'é tranger. Il importe donc
de préciser exactement quel cas prévoit l'article 5 de
notre loi.
6
82
DE LA PROTECTION
INTERNATIONALE
Le principe à poser est que la protection est plutôt accor
dée à l'établissement de commerce qu'au propriétaire lui-
même, d'où cette conséquence que les marques ne seront
utilement apposées que sur les produits fabriqués en
France, d' cette autre conquence que non seulement on
n'exige pas du fabricant ou commerçant qu'il ait l'autorisa-
tion d'établir son domicile en France, mais qu'on n'exige
même pas qu'il y réside. Il va de soi que l'établissement
situé en France doit avoir une importance raisonnable, et
n'ôtre pas purement fictif. La question s'est présentée de
savoir si un étranger, ayant seulement des correspondants
ou des positaires en France, pourrait faire le dépôt de sa
marque et être protégé. On admitla négative, attendu, comme
le fait remarquer excellemment M. Bédarride (882), que
la loi n'accorde et n'a entendu appliquer le bénéfice de ses
dispositions aux étrangers, qu'en échange du contingent
qu'ils fournissent à la richesse et à l'activité du pays : or,
évidemment, ce n'est pas le cas, puisque dans notre espèce
l'étranger fabrique chez lui et ne vient en France que pour
écouler ses produits : il ne rentre donc pas dans l'applica-
tion de l'article S. De plus, si on admettait une pareille
solution, l'article 6 serait lettre morte, puisque tous les
étrangers pourraient avoir ainsi des dépositaires en France :
les gouvernements étrangers n'auraient aucun intérêt à faire
des traités avec la France, et c'est pourtant le vœu de la loi.
M. Huart faisait remarquer avec raison : « Lorsqu'une mai-
son étrangère n'est pas dans les conditions requises pour
obtenir en France une marque de fabrique, son correspon-
dant fraais ne peut valablement déposer une marque for-
mée du nom de la maison étrangère et des signes à l'aide
DES INVENTIONS BREVETÉES 83
desquels cette maison caractérise ses produits. Que
pro-tégerait-on, en effet, dans ce cas? un intérêt
étranger et pas autre chose. Que croirait acheter le
public? un produit étranger. Et si cette Marque venait à
être usurpée, qui pro-fiterait en réalité, de la répression
apportée par les tribu-naux français à cette concurrence
frauduleuse ? le fabricant étranger. Or c'est
précisément et incontestablement ce que la loi n'a pas
voulu. » Mais il va de soi, ainsi que le font
remarquer tous les auteurs, que le correspondant fran-
çais ne sera pas pour cela déchu de toute protection : il
a lui aussi le droit d'avoir une marque personnelle, et,
comme il est Français, il sera protégé sans aucune
difficulté. Cer-tains auteurs, et M. Huart notamment,
ont prétendu que dans ce cas le dépositaire pourrait
bien indiquer, s'il vou lait la provenance des
marchandises, mais qu'il n'y com-prendrait pas le nom
et les emblèmes spéciaux du fabricant étranger.
Comme le fait judicieusement remarquer M. Pouil-let
(nº 329), cela est vrai en un certain sens seulement et
qu'il faut soigneusement préciser : « Il est
incontestable, dit-il, que le dépositaire français ne sera
pas tenu d'effacer sur les produits la marque du
fabricant étranger et qu'il pourrayjoindre sapropre
marque, mais c'est celle-ci seule qui lui appartiendra
privativement, et que seule il pourra reven-diquer en
justice. »
Disons d'un mot, cela ne faisant point difficulté,
que si, non seulement des individus, industriels ou
commer-çants, peuvent réclamer la protection de la loi
française, notamment s'ils ont des établissements en
France, cela s'applique aussi bien aux sociétés de
commerce, personnes
84 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
morales, se trouvant dans les mêmes conditions : cela
d'ailleurs est tout naturel.
Quelles sont les formalités à remplir par ceux qui
peuvent se faire protéger en France, soit d'ailleurs qu'ils
invoquent l'article 5, l'article 6 de la loi de 1857, ou l'article
9 de la loi de 1873?
Le pôt de la marque est une condition essentielle pour
que les poursuites correctionnelles puissent avoir lieu : il
doit être fait dans les formes exigées des Français eux-
mes, au greffe du tribunal de la Seine, ou bien au tribu-
nal du lieu est situé l'établissement dans le cas de l'ar-
ticle 5. Le nombre le plus considérable de dépôts se fait
tout naturellement à Paris. Le décret du 26 juillet 1858
prévoit d'ailleurs ce dépôt : « Le greffier du tribunal de
commerce de la Seine, chargé, dans le cas prévu par l'article
6 de la loi de 1857, de recevoir le dépôt des marques des
étrangers et des Français dont les établissement sont situés
hors de France, doit en former un registre spécial, et men-
tionner, dans le procès-verbal de dépôt, le pays est
situé l'établissement industriel, commercial ou agricole du
proprtaire de la marque, ainsi que la convention diploma-
tique par laquelle la réciprocia éétablie. »
Plusieurs questions fort importantes s'élèvent sur l'éten-
due du droit des étrangers en France. Et d'abord il importe
de dire qu'en absence de tout dépôt, l'étranger étant assi-
mi à un Français a comme lui l'action civile en dommages-
intérêts de l'article 1382 (Code civil).
Un étranger peut-il faire protéger en France une marque
qui, dans son pays, est dans le domaine public, alors qu'elle
est nouvelle en France. La question a été formellement -
DES INVENTIONS
BREVETÉES
85
solue par un grand nombre de traités ; mais il convient
néanmoins de la résoudre d'après les principes, au
point de vue théorique d'abord, certain traités, en outre,
par exemple le traité avec l'Angleterre, étant muets
surla question. D'ans un premier système, on soutient
que l'étranger n'a pas à se préoccuper de ce qui existe
dans son pays : puisqu'il se trouve dans les conditions
normales exigées, pour être protégé en France, il doit
avoir tous les droits d'un Français or, un Français peut
prendre une marque vulgaire à l'étranger, mais
nouvelle en France, le cas de fraude excepté l'étranger
dès lors assimilé au Français doit être protégé par la loi
française alors même qu'il ne l'est pas par la sienne.
Dans un second système, qui nous parait bien pré-
férable, on pond que les étrangers ne peuvent pas
raisonnablement demander plus de protection en
France qu'ils n'en ont dans leur propre pays : aller plus
loin serait leur accorder une faveur imméritée et
dépourvue d'utilité générale.
D'ailleurs, et c'est une règle qu'il faut constamment
ap-pliquer, les marques étrangères même réunissant en
appa-rence toutes les conditions nécessaires pour être
protégées par la loi, ne le seront pas si, en fait, il y a
fraude, si, en fait, le dépôt et l'usage de la marque par
l'étranger tendent simplement à établir une confusion
entre ses produits et ceux d'une maison connue en
France : c'est le cas de répéter l'adage romain : Fraus
omnia corrumpit. Le cas s'est pré-sente devant le
tribunal de la Seine, qui, le 3 juin 1863, a fait jus'tice de
ces prétentions exorbitantes. Il s'agissait d'un armurier
établi à Liège, qui avait pris pour marque : E. Ber-nard,
canonnier de Paris. Par suite d'une saisie pratiquée
86 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
par lui, le tribunal admit, et il fallait admettre qu'encore,
que Bernard fut réellement son nom, l'adjonction des
mots « canonnier de Paris » avait uniquement pour but d'é-
tablir une confusion entre ses produits et ceux de la maison
renommée Bernard de Paris, et que dès lors la loi n'était
pas faite pour couvrir et protéger de telles marques et de
telles fraudes (Voir sur cette question, Pouillet, page 260;
voir aussi un article du même auteur (Journal du droit in-
ternational pri, 1875, page 25 et suiv.) ; voir enfin le juge-
ment (Annales de la Propr industrielle 1864, page 375).
A l'inverse, on s'est demandé si un Français, ou plus gé-
néralement, un industriel dont l'établissement est siten
France, pourrait prendre une marque employée déjà à l'é-
tranger, le cas de fraude bien entendu excep. Si on admet
l'affirmative, on arrive à des conséquences très importantes,
notamment à celle-ci qu'il faudra aller jusqu'à interdire au
fabricant étranger l'usage en France de cette marque qu'il
a possédée le premier dans son pays. C'est pourtant l'opi-
nion généralement admise : M. Pouillet fait remarquer que
cela n'a rien que de très naturel : pourquoi, en effet, a-t-il
tant tardé à apporté ses produits sur le marché français ?
La plupart des auteurs sont de cet avis, M. Bozérian
entre autres et M. Pataille, M. Pataille dit à ce sujet : « En
l'absence de toute preuve d'usurpation, nous croyons que
le fabricant établi en France, et qui y a accompli les|forma-
lités gales, a le droit de s'opposer à toute introduction des
produits étrangers revêtus d'une marque semblable à la
sienne, quelle que soit la date de son emploi en pays étran-
ger, si le Français ou l'étranger qui prétend en avoir fait
usage antérieurement n'établit pas que cet usage a eu lieu
DES INVENTIONS
BREVETÉES
87
en France môme. C'est ce que nous avons soutenu et
qui a été consacré par le tribunal de la Seine en 1865 et
1866, à l'occasion de la marque Royal Victoria, dont
M. Sargent avait fait le dépôt gulier en France et que
l'on voulait in-firmer par un prétendu usage antérieur
en Angleterre et en France. Le tribunal ne considérant
pas l'usage en pays étranger comme suffisant pour
infirmer un titre français a ordonné d'office une
enquête pour rechercher uniquement s'il y avait eu
usage antérieur en France, et comme cet usage n'a pas
été établi, il a condamné l'introducteur. »
Nous avons cité ce passage assez long de Pataille,
parce qu'il résume bien la question, et les principaux
motifs que l'on peut donner en faveur de l'affirmative.
La jurisprudence est d'ailleurs fixée dans ce sens et
nous n'hésitons pas à l'approuver pleinement : le choix
d'une marque par un com-merçant est déjá entouré
d'assez de difficultés sans qu'on l'oblige \ aller
s'informer dans tous les pays, si le signe qu'il a
intention d'adopter n'a pas déjà été choisi : exiger cela,
ce serait absurde, c'est respecter suffisamment les
droits de tout le monde que d'exclure le cas de fraude.
A défaut de réciprocité, les marques étrangères
peuvent être impunément usurpées en France,
cependant la question a fait doute dans un certain sens.
Sans doute, une pour-suite correctionnelle n'est pas
possible de la part de l'étranger, mais n'aura-t-il pas au
moins la ressource de l'article 1382 du Gode civil ? La
question est délicate et con-troversee. Dans un premier
système, on peut dire que les étrangers, se trouvant en
dehors des cas prévus par la loi de 1857, ne peuvent
pas intenter une poursuite correction-nelle, mais
gardent toutes les ressources du droit commun :
88 DE LA PRODUCTION INTERNATIONALE
il n'y a pas, dit-on, de bonne raison pour refuser aux étran-
gers la protection accordée à tout le monde au nom de la
loyauté commerciale. Cependant, c'est l'opinion contraire
qui a prévalu devant la Cour de cassation. On a sans nul
doute considéré que si les étrangers pouvaient à défaut de
toute réciprocité, intenter une action civile fondée sur
l'article 1382, cette faculté restreindrait singulièrement l'in-
térêt qu'ont les gouvernements à faire des traités avec la
France. L'argument que donne l'arrêt est toujours celui de
l'article il. « Attendu que l'action privée nécessaire pour
obtenir des tribunaux français la paration pécuniaire du
dommage sultant d'une concurrence commerciale, cons-
titue un droit civil de la nature de ceux que l'article 11 du
Code civil n'accorde aux étrangers en France qu la condi-
tion de réciprocité stipulée dans les traités, » attendu,
continue l'arrêt, « que la proprté des marques de fabrique
est garantie par les lois françaises en vue de protéger l'in-
dustrie nationale, et que ce but serait manqu si les com-
c merçants étrangers trouvaient à cet égard en
France, pour
leurs intérêts privés, une protection refue aux Français
dans les pays auxquels ils appartiennent. » Sans entrer
bien entendu ici dans l'interprétation de l'article il du
Code civil, il importe de dire que si cette interptation tou-
jours done par la jurisprudence concorde bien avec la loi
de 1857, elle n'en est pas moins regrettable au point de vue
gislatif, C'est un véritable déni de justice. D'après la
jurisprudence, en effet, l'étranger est absolument sans pro-
tection en France, il n'a pour lui ni l'action correctionnelle,
ni l'action civile ( Voir dans l'Appendice une question ana-
logue).
DES INVENTIONS BREVEES 89
Que va, dans ces conditions, devenir sa marque? Un
point qui nous semble certain, c'est qu'elle peut être
impu-nément prise partout le monde ; nous admettons
avec la généralité des auteurs que celui qui de
mauvaise foi prend la marque d'un étranger non
protégé en France, n'acquiert aucun droit sur cette
marque et ne peut empêcher d'autres fabricants ou
commerçants d'en faire usage : il peut s'en servir
comme les autres, parce que l'étranger n'a aucune arme
légale pour l'empêcher d'agir ainsi, mais c'est là un
simple fait non générateur d'un droit. Et la première
consé-quence que nous voulions tirer de ceci, c'est que
si un traité intervenait par la suite entre la France et le
pays de l'étran-ger, le droit de ce dernier, d'inerte qu'il
était, produirait effet et deviendrait utile. Aussi nous
trouvons très criti-quable un arrêt de la Cour de
cassation du 4 vrier 1865 (Pataille, 1865, 81) qui
admet que l'étranger dans ce cas même est dépourvu
de toute action. Sans doute, il ne pourra poursuivre
pour les usurpations antérieures, mais il peut du moins
en empêcher de nouvelles. Les raisons don-nées par
l'arrêt ne sont pas le moins du monde concluantes.
« Attendu, en droit, dit l'arrêt, qu'aux termes de l'art.
2 de la loi du 23 juin 1857, le dépôt légal autorisant
seul les commerçants à revendiquer la propriété
exclusive de leurs marques, et le fabricant (dont s'agit)
n'ayant eu aucun droit au bénéfice de cette loi, tant que
la législation ne lui recon-naissait pas la faculté
d'effectuer utilement en France le dépôt de sa marque,
le dépôt récent effectué par lui en vertu de la législation
nouvelle n'a pu lui donner le droit de dessaisir le
domaine public, etc. » Nous préférons de beau-coup un
arrêt de la Cour de cassation belge du 20 juin 1865
90 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
(Pataille, 1866, 427), la question se présente, en effet la
même en Belgique.
« Attendu, dit excellement l'art, quant aux droits que le
demandeur invoque au nom du domaine public belge,
qu'avant le traité du 15 mai 1861 (avec la France), la
partie civile s'est trouvée de l'impossibilité d'agir en
Belgique d'où il suit que le domaine public belge n'a pu
acquérir contre elle aucun droit (voir dans ce sens M.
Lyon-Caen à son cours, Pouillet, Calmels, les conclu-sions
de M. l'avocat néral Bédarride, voir enfin pour l'n-
dication d'autres arts : Pouillet, Traité des marques de fa-
brique, page 263),
CHAPITRE II
PROTECTION DES PROPRTAIRES DE MARQUES EN CA'S
D'INTRODUCTION D'OBJETS REVÊTUS DE MARQUES
CONTREFAITES, ETC.
Des questions assez délicates se sont posées au sujet
de l'introduction en France d'objets revêtus de
marques con-trefaites.
ART. 49. — «Tous les produits étrangers, portant,
soit la marque, soit le nom d'un fabricant résidant en
France, soit l'indication du nom ou du lieu d'une
fabrique française sont prohibés à l'entrée et exclus du
transit et de l'entrepôt, et peuvent être saisis en
quelque lieu que ce soit, soit à la dili-gence de
l'administration des douanes, soit À la requête du
ministère public ou de la partie lésée. »
Cet article 49, qui n'est pas situé, il est vrai, dans la
partie formellement consacrée aux droits des étrangers,
rentre évi-demment dans le droit international : il
tranche une ques-tion qui est douteuse en ce qui
concerne les brevets d'in-vention. Evidemment
l'introduction en France de marques contrefaites,
l'introduction pure et simple, doit être un délit, ceci ne
nous semble pas contestable, il y a usage en France,
mais fallait-il prohiber aussi l'introduction en tran-sit
et en cas d'entrepôt ? Nous avons discuté la question à
propos des brevets, elle est très discutable au surplus,
et sans y revenir, nous avons admis que l'introduction
en cas
92 DE LA PRODUCTION INTERNATIONALE
d'entrepôt était défendue, mais permise au contraire en cas
de transit. La même distinction (art. 19) n'est plus à faire ici :
dans les deux cas la fense existe, et cela se comprend.
Comme le faisait excellemment remarquer l'expo des mo-
tifs*, on combat ainsi un abus qui avait soulevé de vives ré-
clamations dans divers centres manufacturiers. « Il arri-
vait fréquemment que des produits étrangers, portant frau-
duleusement soit la marque, soit le nom d'un fabricant ré-
sidant en France, soit l'indication du lieu d'une fabrique
française, sont présentés pour le transit et gagnent le bu-
reau de sortie sans que l'administration des douanes puisse
agir, et avant que les intéressés aient pu intervenir. Ces
fraudes qui ont pour but d'enlever des débouchés à notre
commerce, peuvent avoir'des effets d'autant plus cheux
que les produits sont souvent de mauvaise qualité et
servent a discréditer les marques et les noms dont ils sont
revêtus : afin de combattre cet abus, l'art. 19 autoris la
saisie de tout produit de cette nature à la requête du minis-
tère public ou de la partie lésée, ces motifs se comprennent
sans difficul: on pouvait peut-être craindre de compro-
mettre ainsi les intérêts d'ordre supérieur qui se rattachent
au développement du transit étranger envers la France ;
mais on pondait facilement à l'expression de ces craintes
qu'il n'y avait sérieusement à redouter de la douane aucune
recherche particulièrement soigneuse, et qu'il ne pouvait
en définitive en résulter aucune gêne pour le commerce et
qu'ainsi on arriverait au contraire à un résultat que tout le
monde devait chercher, à savoir porter un coup mortel à des
entreprises commerciales qu coup sûr, disait l'expodes
motifs, on ne devait craindre ni de dé tourner ni de décourager.
DES INVENTIONS BREVEES 93
Cette disposition excellente a d'ailleurs été admise
sans difficulté par le Congrès de la Propriété
industrielle de 1878. On avait proposé au Corps
législatif de dire que la poursuite ne pourrait avoir lieu
que sur la plainte de la par tie lésée : ce fut repoussé et
avec raison : qui arrêterait, en effet, en transit, si le
ministère public n'avait pas d'action générale ? La
plupart du temps, on ignore qu'il passe en transit des
objets lictueux ; —l'administration et le minis tère
public seuls le savent, quand les intéressés pourraient
l'apprendre, il serait trop tard, il était donc
particulière ment utile ici de donner une action
générale au ministère public. Il est à remarquer, au
surplus, que les agents de la douane, quand ils
procèdent à la saisie, agissent dans un intérêt d'ordre
public, et sont considérés comme officiers de police
judiciaire et auxiliaires du procureur de la Répu
blique. Le procès-verbal, qui est dressé doit, dans tous
les cas, décrire exactement les marchandises arrêtées
et, la sai sie faite, le procès-verbal est transmis au
parquet. La saisie peut, au surplus, être faite en tous
lieux, le délit étant con sommé dès que la marchandise
a été trouvée en territoire français.
En dehors de ces questions, qui à la vérité n'en sont
pas, il est certains points douteux qui ont été la cause
de plu sieurs difficultés devant les tribunaux.
Il est bien certain, la loi étant générale, que tout
individu sidant en France, Français ou étranger,
pouvait invoquer l'art. 19 lorsque sa marque à lui avait
été usurpée et qu'il éprouvait ainsi un dommage direct.
Que fallait-il décider au cas la marque était
imaginaire. C'est un délit qui, paraît-il, se
commettait assez souvent, et cela se comprend,
94 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
l'intention frauduleuse se comprenant parfaitement elle-
même. Le but de l'introducteur étant uniquement de per-
suader à ses acheteurs que la marchandise est d'origine
française, il arrive aussi bien à ce résultat en apposant sur
ses produits une marque fausse qu'une marque vraie,
pourvu qu'il prenne des noms à apparence française. La
poursuite sera-t-elle possible dans le cas oh 11 n'y a pas de
particulier lésé. Le doute ne vient pas de ce que personne
ne pourra intenter l'action. Il y a toujours le ministère pu-
blic auquel la loi donne une actionrale ; mais elle vient
de ceci que la loi bien évidemment a été faite dans l'intérêt
privé des commeants, et qu'ici cet intérêt privé no samble
aucunement sé. Nous ne nous laisserons pas arrêter par
ces raisons; comme l'admettent la grande majorité des
auteurs et la jurisprudence, il faut admettre qu'ici encore,
il y a délit, qu'ici une action est possible. Qu'on songe, en
effet, que si on admettait l'opinion contraire, l'art. 49 serait
lettre morte, puisque les étrangers pourraient, comme sous
l'avons montré, arriver en fait, à déprécier l'industrie fran-
çaise à l'étranger sans qu'aucune poursuite soit possible.
Au surplus, ainsi que le fait remarquer M. Pouillet (nº 310).
« Il y a un principe de morale qui domine la pensée de légis-
lateur ; il ne veut pas que grâce à une sorte de complicité
tacite de l'administration, et, empruntant à ce passage l'ap-
parence d'une origine française, les produits de celte
industrie aillent se répandre dans tous les coins du
monde. Tel est le but moral de la loi et voilà pour-quoi
elle prohibe ces produits à l'entrée, les exclut du tran-sit et
de l'entrepôt, et charge l'administration de la douane de
veiller à l'exécution des mesures qu'elle prescrit. » Les
DES INVENTIONS BREVETÉES 95
arrêts qui ont été rendus en ce sens vont même très
loin : non seulement on a jugé que l'art. 19 était
applicable au cas les produits étrangers portent une
marque ou éti-quette indiquant une fabrique
imaginaire, mais qu'il y a encore lieu à l'application de
l'art 19 au cas il y aurait Une seconde étiquette, en
langue étrangère, indiquant la véri-table origine s'il est
établi que cette seconde étiquette peut être facilement
retirée. Le ministère public avait même agi d'office
dans cette dernière affaire, chose rare, paraît-il,
puisqu'au Congrès de la Propriété industrielle M. de
Maillard de Marafy avouait ne connaître que trois
exemples de ces poursuites d'office, et M. Pataille n'en
connaissait que quatre. C'était même en se basant sur
ces renseignements de fait, que quelques personnes
n'admettaient pas en principe qu'on donnai une action
générale au ministère public, ce qui ne fut pas admis.
Une autre difficulté très curieuse et très pratique s'est
pré-sentée. On peutsupposer un cas des
marchandises venant de l'étranger entrent en France
sans qu'il y ait aucun acte répréhensible commis,
aucune fraude, ce serait le cas où un fabricant français
voudrait s'approvisionner sur les mar-chés étrangers.
Pourrait-il dans ce cas y avoir poursuite du ministère
public. Il semble bien que non : comme nous avons
eu, en effet, l'occasion de le dire, ce qui fait qu'on a
confiance à Un commerçant et que sa marque repré-
sente pour lui une valeur souvent de grande
importance, c'est peut-être parce qu'il est renommé
pour sa fabrication, et peut-être aussi simplement
parce qu'il choisit lui-même mieux que les autres les
objets qu'il revend et ne les altère pas : dans ces
conditions le public n'est guère intéressé a
96 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
ce que cette introduction soit défendue. Il a confiance au
propriétaire de la marque et n'est pas trompé, puisque
c'est réellement à lui qu'il a affaire. Au surplus, une
circulaire ministérielle du 8 juin 1864 confirme cette
opinion : c'est une circulaire adressée par le ministre de
l'Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics, aux
présidents des Chambres de commerce. La Cour de
cassation ayant décirappelle la circulaire, que l'art. 19
n'était applicable qu'à l'usurpation frauduleuse faite à
l'étranger, il importe de mettre la pratique d'accord avec
cette doctrine. En consé-quence, « l'importation et le
transit de produits portant la marque ou le nom d'un
fabricant français peuvent s'effec-tuer sous les conditions
du tarif, pourvu que la déclaration d'entrée soit
accompagnée d'un certificat spécial signé de ce fabricant,
et constatant que ces produits ont été fabriqués sur sa
demande et qu'ils lui sont destinés. » La jurisprudence,
nous l'avons dit, était dans ce sens, et en vérité, il ne
pouvait guère y avoir doute ; certainement, courue le fai-
sait remarquer un arrêt, on doit, par tous les moyens,
saisir et réprimer cette fraude dans toutes ses
combinaisons et. dans toutes les formules que saura
varier l'esprit de lucre, mais enfin, il ne faut pas étendre
non plus cet article 19 à des cas pour lesquels il n'est pas
fait, et rien n'autorise à penser qu'en édictant cette
disposition les auteurs de la loi, préoccupés surtout des
usurpations de la concurrence étran-gère, aient entendu
disposer pour ces cas (arrêt de Rouen, 29 janvier 1861.
Annales de la Propriété industrietie et litté-raire, 1864,
71).
Telles sont les deux principales difficultés qui se sont
présentées : nous serons plus brefs sur quelques points
de
DES INVENTIONS BREVETÉES
97
de détail assurément secondaires, sur lesquels d'ailleurs
on semble s'être mis d'accord. Ainsi, en cas de
confiscation à la douane, les objets saisis sont remis à
la partie lésée ; quid en cas d'indication frauduleuse d'un
lieu de fabrication? Nous admettons dans ce cas que les
objets sont saisis au profit de l'État; à qui, en effet, les
remettrait-on? et la même solution doit être admise par
analogie et, a fortiori, quand il y a eu emploi d'une
marque imaginaire. Cela ne semble' point faire
difficulté. Au surplus, et c'est une remarque- à faire en
passant, la partie lésée à qui on remet ainsi les objets
saisis doit acquitter les droits de douane : c'est tout
naturel puisqu'elle pourra les employer pour les besoins
de son commerce ou en tirer parti d'une autre manière.
Telles sont les principales remarques que nous
avions à faire au sujet de cet article 19, ajoutons
cependant que dans sa dernière partie il déroge à l'art
18 en prolongeant le dé-lai établi par cet article;
d'après l'article 18, en effet, à défaut par le requérant de
s'être pourvu soit parla voie civile, soit par la voie
correctionnelle, dans le délai de quinzaine, la
description ou saisie est nulle de plein droit sans préju-
dice des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés
s'ily a lieu : d'après notre article 19, in fine, ce délai est
porté à deux mois.
Avant de terminer ce que nous avons à dire
relativement a la protection accordée aux propriétaires
de marques fran-çaises dans leurs rapports avec
l'étranger, il nous faut parler de la loi de 1873 qui a eu
pour but d'accorder une protec-tion efficace à ces
propriétaires dans des cas la législation antérieure
était réellement insuffisante.
L'idée générale qu'on peut donner de cette loi, c'est qu'elle
7
98 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
autorise les propriétaires de marques à faire apposer par
l'État sur les objets, un timbre ou signe spécial destiné à
affirmer l'authencité de cette marque. L'intérêt pour eux
est très grand ; en effet, il suffit de rappeler les articles 5, 6
et 7 du code d'Instruction criminelle pour montrer que les
fabricants français ne pouvaient pas poursuivre devant les
tribunaux ffançais les contrefacteurs étrangers ; un cas spé-
cial, la poursuite d'un étranger devant les tribunaux fran-
çais est possible, est préciment celui où il a imité le sceau
de l'État ; il suffisait donc d'autoriser les fabricants, les
producteurs français à faire apposer par l'État, un signe
distinctif sur leurs produits, de cette manière, le producteur
français est pleinement sauvegar: si le contrefacteur est
un étranger, il pourra être poursuivi en vertu de cette dis-
position nouvelle; si c'était un Français (mais ceh existait
avant la loi de 1873), il pourrait être poursuivi à la condition
habituelle que la loi du pays la contrefaçon a eu lieu,
punisse ce fait comme lictueux. Au surplus le but de la
loi était surtout fiscal; on était à cette époque il fallait à
tout prix établir de nouveaux impêts, et on s'attendait à un
très fort rendement de la part de cette contribution vo-
lontaire des commerçants. On avait calculé, ainsi que le fait
remarquer M. Wolowski, dans le rapport qu'il fit au nom
de la commission du budget, que la parfumerie à elle seule,
quand même le droit de timbre spécial apposé au moyen du
poinçon de ltat ne serait que de un centime, fournirait au
Trésor une recette de 210,000 francs. Le législateur pressé
d'abord par la préoccupation dtablir de nouveaux impôts et
aussi par le souci de protéger les marques fraaises à
l'étranger, usurpées plus que jamais, vota la loi de 1873.
DES INVENTIONS BREVETÉES
99
C'est tout naturellement le propriétaire de la marque,
qui en réclame le poinçonnage en se conformant à des
ferman-tes assez nombreuses et compliquées, établies
par un règle-ment joint à la loi et dans l'étude
desquelles nous n'entre-rons pas; nous ferons
seulement observer que la loi s'est bornée à établir un
maximum et un minimum pour le prix du timbrage ou
du poinçonnage, s'en remettant au règle-ment
d'administration publique du soin de déterminer les
prix : les prix qui ont été fixés sont évidemment trop
éle-vés et c'est ce qui explique qu'en fait on a peu usé
de la loi.
Quelques difficultés cependant se sont présentées
dans l'examen desquelles il convient d'entrer
sommairement.
L'article 7 de la loi accorde au propriétaire de la
marque le droit direct de poursuite, au cas l'État ne
poursuivrait pas. Ainsi qu'on le fait toujours
remarquer, cette disposi-tion ne se comprend guère ;
s'il s'agit en effet d'un délit (usage frauduleux), il était
inutile d'accorder au fabricant lésé un droit de
poursuite directe que le Code d'insl ruction criminelle
lui reconnaît d'avance, s'il s'agit au contraire d'un
crime (contrefaçon du timbre de l'État), faut-il
admettre que la loi de 1873 dérogeant à toutes les
règles, a entendu lui accorder un droit de poursuite
directe devant la Cour d'as-sises : si on admet? cela,
on explique très facilement le sens et l'utilité de cette
disposition nouvelle, mais personne ne va jusque-là ;
on reconnaît simplement au propriétaire de la marque
le droit de déposer une plainte et de se porter par-tie
civile ; comme c'est encore le droit commun, l'utilité
de l'article n'apparaît vraiment pas.
La question s'est posée de savoir si le procès ayant
été jugé par la Cour d'assises, et tranché
négativement, si, en
100 DE LA PROT. INTERN. DBS INVENTIONS BREVETÉES
d'autres termes, le prévenu ayant été acquitté, il pourrait
être cité dans les conditions ordinaires devant un tribunal
correctionnel. A notre avis c'est impossible, la Cour d'as-
sises ayant statué souverainement ; Me Pouillet fait obser-
ver que « la Cour d'assises est une juridiction d'impression,
et qu'il n'est pas téméraire de supposer que plus d'une fois
le contrefacteur du timbre ou du poinçon de ltat sera ac-
quitté par le jury. » Peu importe à Dotre sens, la décision
n'en est pas moins rendue souverainement, il n'y en a pas
moins chose jugée. Il est difficile de comprendre comment
la Cour d'assises pourrait sans statuer sur l'ensemble de la
marque, statuer sur l'usurpation du timbre de l'État.
Telle est cette loi de 1873, sur laquelle nous n'aurions rien
de plus à ajouter, s'il n'était curieux de faire remarquer
que c'est cette loi même qui, dans son article 9, y met sur le
me pied la réciprocité diplomatique et la réciprocité -
gale, disposition évidemment inattendue, et n'ayant aucun
rapport avec les autres, qu'on s'étonne de trouver [là, mais
qui n'en a pas moins une importance considérable en pra-
tique ainsi que nous l'avons constaté à diverses reprises.
Avec cette loi de 1873, nous avons fini d'étudier les règles
établissant des pénalis contre ceux qui usurpent des mar-
ques de fabrique ou de commerce.
CHAPITRE III
DES EXPOSITIONS INTERNATIONALES.
Des questions analogues à celles que nous avons
eues à examiner pour les brevets d'invention se
présentent, en ce qui concerne les marques de fabrique
ou de commerce. Nous ne reviendrons pas sur ces
questions, nous conten-tant de renvoyer pour les
principes généraux à ce qui a été dit plus haut. Au
congrès, on admit pour les marques ce qu'on avait
admis pour les brevets, nous n'y reviendrons pas
davantage, disons seulement que la loi du 23 mai
1868, ne visait pas les marques de fabrique. Elle est
intitulée en effet : « Loi relative à la garantie des
inventions susceptibles d'être brevetées et des dessins
de fabrique qui seront admis aux expositions
publiques, autorisées par l'administration dans toute
l'étendue de l'Empire. »
Les questions de safsie pendant la durée des
expositions se présentent ici encore et peut-être, avec
un intérêt par-ticulier. Comme le fait très bien
remarquer M. Bozérian, en matière de marques de
fabrique qui sont composées sou-vent du nom du
fabricant, et aussi de figures, d'emblèmes enchevêtrés
& dessin la saisie par description est impos-sible, la
saisie réelle seule présente une garantie suffisante. Et
M. Bozérian rappelle qu'en ce qui concerne toutes les
saisies, pendant les expositions, on s'est heurté au
mauvais vouloir de l'administration et à une théorie
juridique qu'il
102 DE LÀ. PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
qualifie d'énormité. Nous ne pouvons que répéter à cesujet ce
que nous avons dit plus haut. La saisie par description peut
être admise à condition qu'elle ne présente pas d'incon-
nients, à l'extrême rigueur pour les inventions brevetées,
mais au risque de bouleverser l'économie générale de l'ex-
position, comme le dit l'administration, ce qui semble un
peu exagéré, il faut autoriser la saisie réelle non pas de
tous les objets expos et revêtus de marques contrefaites,
mais au moins d'un de ces objets. M. Bozérian rappelait ce
fait singulier qu'on avait refusé de laisser opérer la saisie
d'une bouteille revêtue d'une marque contrefaite. Quant à
la théorie juridique qui veut considérer les locaux de l'ex-
position comme n'étant pas en France, elle est évidemment
insoutenable, et on ne s'explique vraiment pas ces sortes de
faveurs accordées à des contrefacteurs. Aucun abus l'est à
craindre puisqu'il faut commencer par obtenir l'autorisation
d'un magistrat : si on peut trouver des cas, même en ma-
tière de marques, la saisie par description garantira
suffisamment les droits du propriétaire, qu'on s'en contente,
mais qu'on ait le droit de saisir réellement quand il le faut.
Le Congrès adopta la rédaction suivante :
« Le fait qu'un objet figure dans une exposition interna-
« tionale ne saurait faire obstacle au droit de saisir réelle-
« ment cet objet, s'il est argdo contrefaçon. »
CHAPITRE IV
CONVENTIONS DIPLOMATIQUES
Après avoir ainsi terminé l'examen des questions qui
se présentent, quand les marques étrangères sont
protégées en France, et celles qui se présentent quand
l'action correc-tionnelle n'est pas donnée au
propriétaire de la marque, il convient d'examiner en
fait quels sont les pays dont les na-tionaux peuvent
revendiquer la protection française. La pro-tection
résulte, nous l'avons vu, ou de traités établissante
réciprocité diplomatique, ou depuis 1873, de lois
étrangères établissant la réciprocité légale. Il résulte de
ceci que, depuis 1873 tout au moins, si on se trouve en
présence de propriétaires de marques dont la loi
nationale protège les Français, les traités diplomatiques
sont, non pas inutiles, mais perdent de leur importance
: ils ne servent plus qu'à préciser certaines formalités,
accorder des facilités plus grandes, et plus souvent
enfin à trancher des questions dou-teuses : il est bien
entendu, et c'est la règle générale, qu'ils créent une
obligation contractuelle entre les deux pays, et que
dans ces conditions, la protection est indépendante des
changements dans la législation.
Nous n'entrerons pas d'ailleurs dans l'énumération
des conventions diplomatiques que la France a pu
passer avec les différents pays d'Europe et
d'Amérique : la règle géné-rale à poser est
qu'aujourd'hui, à peu près partout ou la
104 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
question présente un intérêt quelconque, la protection
existe. Nous nous contenterons de résumer rapidement ce
qu'on peut appeler le droit commun de ces traités, résumé
laconique par la force des choses, la plupart des traités,
même les plus récents, par exemple celui avec le Dane-
mark d'avril 1880, posant uniquement le principe général
d'après lequel les Français en Danemark et les Danois en
France sont traités comme des nationaux, et n'entrant pas
dans le détail des questions licates qui se posent dans
l'application. Certaines conventions cependant, sont plus
explicites et nous les résumerons, et cela fait, nous dirons
un mot de quelques difficultés d'une importance pratique
considérable qui se sont élevées dans l'application de ces
traités et qui touchent de très près au droit international.
Les conventions que la France a conclues avec les
diffé-rents pays étrangers ne sont pas la plupart du temps
iso-lées : on les trouve souvent contenues dans un trai
de commerce (Allemagne, Autriche-Hongrie) ;
quelquefois elles sont jointes à des traités sur la proprié
littéraire; quel-quefois, enfin, le gouvernement français
s'est contenté d'échanger des déclarations, comme cela
eut lieu avec l'Espagne en 1876.
La plupart des législations étrangères, comme la loi
fran-çaise exigent, pour que les marques françaises
soient proté-gées, qu'il y ait réciprocité : on ne peut
guère citer que l'An-gleterre qui, se montrant plus
libérale, accorde sa protection sans aucune condition. La
Belgique exige la réciprocité di-plomatique, et ne se
(contente pas- de la réciprocité légale.
Nous avons eu à examiner plus haut la question de
savoir si une marque étrangère peut être protégée en
France lors
DES INVENTIONS BREVEES 105
même que le signe qui la constitue est, à l'étranger,
dans le domaine public. Le traité avec l'Autriche,
comme nous a-vons eu occasion de le dire, résout
formellement la ques-tion, et il est inutile au surplus
d'y insister longuement, cette solution négative étant
sans difficulté étendue dans les cas les traités ne
sont pas prononcés (Voir plus haut).
Une autre question est résolue formellement par
plusieurs traités. — Les lois des différents pays ne
concordent pus absolument au point de vue des signes
qu'on peut emplo-yer ; ces différences entre les
législations peuvent quelquefois donner lieu à des
difficultés. Un Français, par exemple, peut prendre
sans aucun doute une lettre pour marque en France ;
dans certains pays, ce serait impossible ; la ques-tion,
dès lors, se pose de savoir si pour déterminer les cas
une marque sera protégée, il faut prendre pour type
la loi du pays d'origine, ou bien la loi du pays l'on
pour-suit. La question était très délicate ; si en effet, il
est très bon que les fabricants et commerçants soient
protégés par-tout, et s'il est bon dans ces conditions de
s'attacher unique-ment à la loi du pays d'origine, il ne
faut pas se dissimuler non plus qu'en agissant ainsi, on
arrivera placer, dans le pays l'on poursuit, les
Jétrangers dans une situation meilleure que celle qui est
faite aux nationaux. Le traité avec la Russie contient
cette clause, il s'attache au pays d'ori-gine et une
convention additionnelle du 7 février 1874 avec
e la Belgique dit la même chose : — La
question s'est pré-sentée devantles tribunaux allemands,
la gislation allemande (art. 3 de la loi de 1874)
interdisant de prendre une lettre de l'alphabet pour
marque. Un arrêt de la Cour d'appel de
106 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
Leipzig du 16 cembre 1878, a admis l'opinion qui avait
triomp dans le trai franco-russe et dans plusieurs autres
Le tribunal de commerce dont le jugement était attaqué
avait fait remarquer dans son motivé qu'il ntait pas vraisem-
blable quele législateur allemand ait voulu concéder une situa-
tion exceptionnelle et privilégiée dans l'empire aux étrangers.
La Cour de Leipzig, tout en reconnaissant que la question est
douteuse, se laisse surtout cider parce que la tendance
de l'art. 28 est d'accorder la protection en Allemagne aux
puissances étrangères, or ce serait évidemment porter une
grave atteinte à la protection légale accore aux marques
étrangères en Allemagne que de ne leur accorder cette pro-
tection qu'à la condition de ne pas enfreindre les conditions
de l'art. 3 (de la loi allemande), puisque la plupart des lois
étrangères ne contiennent pas de pareilles restrictions. La
Cour admet dono que la clause restrictive de l'art. 3 n'est
pas applicable, en ral, aux marques de fabriques étran-
gères. L'arrêt fait une seule et bien naturelle exception, quoi
qu'elle soit invraisemblable, c'est pour le cas l'emploi
de la marque étranre impliquerait un acte passible de
nalités dans l'empire (Pataille 1878, p. 216. Traduction de
t'art de la Cour de Leipzig, par M. Tolhausen, consul de
France).
Au surplus, une question très importante s'est présentée
concernant ces traités. On a prétendu que ces traités, dé-
clarations étaient nuls, quand les Chambres ne les avaient
pas ratifiés. Cette question, ainsi qu'il est facile de le com-
prendre, a une importance capitale : si on admet en effet la
nullité des traités, quand les étrangers poursuivront en
France, on pourra se retrancher derrière l'irrégularité, la
DES INVENTIONS BREVETÉES 107
nullité des conventions : il importe donc que nous
résolvions cette question. Au reste, c'est avant tout une
question de droit constitutionnel : il s'agit de savoir
comment on inter-prétera l'art. 8 de la loi
constitutionnelle qui dispose que le président de la
République négocie et ratifie les traités : l'alinéa 4
énumère les traités que les Chambres doivent vo-ter :
parmi ceux-là se trouvent les traités relatifs à la pro-
priété de Français à l'étranger : les traités, déclarations
con-cernant les marques de fabrique rentrent-ils dans
cette der-nière catégorie ou non ? En fait, la question
s'est posée au sujet des conventions conclues par le
gouvernement fran-çais le 12 août 1876 avec le Brésil,
et le 30 juin 1876 avec l'Espagne. s que la question
fut discutée, l'Union des fa-bricants qui s'intéresse, et
cela va de soi, aux intérêts de ses adhérents, s'adressa à
son comité consultatif, qui compte dans ses membres
un jurisconsulte faisant autorité dans la matière, M.
Bozérian : le comité consultatif déclara que ces
conventions étaient valables, sans faire aucune espèce
de serve. Une autre opinion, tout à fait contraire
celle-là, se produisit, soutenant que ces traités étaient
nuls : on peut consulter dans ce sens une brochure de
M. Clunet (Du dé-faut de validité de plusieurs
conventions diplomatiques).
Nous admettons que ces conventions sont nulles,
l'inter-vention du pouvoir législatif ayant été à notre
avis absolu-ment nécessaire. Sans doute les deux actes
dont nous parlons et au sujet desquels la difficulté s'est
élevée ne portent pas la qualification de traités, mais
bien celle de conventions, et c'est de cette terminologie
que le Comité consultatif de l'Union des fabricants tire
une première rai-son de décider: l'article 8 de la loi
constitutionnelle ne
108 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
parle, en effet, que des traités, si on entend ce mot dans
son sens strict, l'intervention des Chambres ne sera pas
nécessaire pour de simples conventions, d'autant mieux,
ajoute M. Bozérian, que les conventions, en pratique,
sont moins importantes que les traités proprement dits.
Les raisons mises en avant par le Comité consultatif
ne sup-portent vraiment pas l'examen : sans doute, dans
la langue courante, les conventions pourront avoir un
objet moins important que les traités, qu'importe, est-ce
qu'en droit, il n'y a pas la plus parfaite analogie ? est-ce
que certaines constitutions, celle de l'an 8 notamment, ne
les mettaient pas sur le même pied? Enfin, — et cet
argument suffirait à lui seul, si les traités seuls et non
les conventions sont soumises au contrôle parlementaire,
ce contrôle sera peu sérieux, attendu qu'il suffira au
gouvernement d'appeler tous les actes diplomatiques
conventions. On s'étonne vraiment, comme le fait
remarquer M. Pouillet dans un excellent article auquel
nous empruntons plusieurs idées (La Propriété
industrielle, 1880, p. 113), que cette solution soit celle de
M. Bozérian que sa haute situation dans l'une des
Chambres semblerait devoir rendre plus jaloux du droit
qui appartient au pouvoir législatif.
Cette nullité des conventions nous semble évidente,
car enfin, que dit l'article 8 ? « Les traités de paix, de
com-merce, les traités qui engagent les finances de
l'État, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes et au
droit de pro-priété des Français à l'étranger ne sont
définitifs qu'après avoir é votés par les deux
Chambres. » Il semble dès lors, si on se renferme dans
ce texte, que la création d'une marque engendre au profit
de celui qui s'en sert pour dis-
DES INVENTIONS BREVETEES
109
linguer ses produits de ceux de ses concurrents un véri-
table droit de propriété. Les partisans du système
con-traire au nôtre, ceux qui soutiennent que ces
conventions sont valables, sont donc obligés de dire
que la propriété des marques de fabrique n'est pas une
propriété, et il est permis de remarquer en passant que
ce sont les partisans nés de la protection des marques
qui, pour les besoins du système, arrivent à nier qu'il y
ait une propriété véri-table ; quoi qu'il en soit, ils
arrivent à dire au moins qu'il y a un genre de
propriété, et cela nous suffit pour qu'à notre sens la
question soit résolue : genre de propriété, propriété,
c'est tout un, cela rentre dans le champ d'appli-cation
de l'art. 8 de la Constitution. D'ailleurs est-ce que le
titre premier de la loi de 1857 n'est pas conçu : Du
droit de propriété des marques, est-ce que l'article 2 ne
dit pas : Nul ne peut revendiquer la propriété exclusive
d'une marque, est-ce enfin que M. de Maillard de
Marafy, conseil de l'Union des fabricants (ceci est un
argument ad hominem), ne disait pas dans son rapport
présenté au Congrès de la Propriété industrielle en
1878 que, « la question de savoir si un signe distinctif
indiquant l'origine des produits peut constituer une
propriété n'est plus mise en doute depuis longtemps. »
Il faudrait enfin ajouter, si l'on ne craignait d'être trop
explicite sur une question qui semble à peine en être
une, que la convention conclue avec l'Espagne est inti-
tulée : Déclaration pour assurer la garantie réciproque
de la propr des marques de fabrique ou de
commerce.Enfin si à l'extrême rigueur on ne voulait
pas faire rentrer ces trai-tés dans la catégorie des traités
concernant la propriété des Français à l'étranger, encore
faudrait-il au moins les faire ren-
110 DE LA. PROTECTION INTERNATIONALE
trer dans les trais de commerce ; or, d'aps la Constitution
de 1875, les traités de commerce sont soumis à l'approba-
tion des Chambres. Le dernier argument que font valoir les
auteurs qui admettent le système auquel nous nous rallions,
c'est qu'il faut autant que possible se montrer partisan de
l'extension du pouvoir des Chambres : c'est l'application,
exacte de la théorie de la Souverainenationale ; en des
matières aussi importantes que celles auxquelles nous tou-
chons, il est bon qu'un contrôle très sérieux soit exerpar
le pays, en dernière analyse le seul intéressé.
Au surplus, il ne faudrait pas étendre outre mesure les
conséquences du sysme que nous admettons. En effet, il
ne faut pas oublier que la loi de 1873 en France a mis sur
le me pied la ciprocidiplomatique et la ciproci
gale. Il suffit aujourd'hui que les Français soient protégés
dans un pays pour que les habitants de ce pays aient droit
à la protection en France. Ce n'est plus aujourd'hui, comme
sous l'empire de la loi de 1857, le traité qui crée de toutes
pièces le droit de l'étranger : nous avons eu déjà occasion
de le dire plus haut, souvent le traité ne sera que la consta-
tation officielle et publique d'un état de choses préexistant.
M. Renault, dans un article paru dans le Droit (n° du 26
mai 1880), fait très bien remarquer qu'en ce qui concerne
les clarations intervenues entre le Gouvernement fran-
çais, d'une part, l'Espagne et le Brésil, d'autre part, l'adop-
tion de notre solution ne mènerait pas à des résultats cho-
quants. En effet, dit-il, « je ne vois pas en quoi on aurait été
plus avancé si, comme il semble, les étrangers peuvent en
Espagne invoquer le néfice de la législation en l'absence
d'un traité. Un Espagnol pourrait toujours se prévaloir de
DES INVENTIONS BREVEES 111
la réciprocité légale dans les termes de la loi de 1873.
La loi brésilienne exige la réciprocité diplomatique,
mais un Brésilien qui réclamerait le bénéfice de notre
loi, ne pour-rait-il tenir le langage suivant : Je dois être
protégé en France, si un Français l'est au Brésil, c'est la
seule condi-tion que vous exigiez. Elle est remplie par
cela seul que mon gouvernement s'est régulièrement
engagé à vous assu-rer cette protection. Le
gouvernement français n'a en quel-que sorte fait que
prendre acte de cet engagement. »
En un mot, pour conclure comme le fait M. Renault,
car nous admettons parfaitement son système qui nous
parait inattaquable. « Les conventions sur la propriété
industrielle rentrent dans l'énumération et doivent être
soumises aux Chambres. Si néanmoins les Espagnols
et les Brésiliens peuvent invoquer la protection de
notre loi, c'est parce que la loi du 28 novembre 1873
fait sortir, en ce qui nous con-cerne, cette matière du
domaine des conventions. La ci-procité légale suffit,
et peu importe qu'elle soit constatée par un acte
international ou d'une autre manière. »
Ainsi expliquée et résolue, la controverse, a laquelle
nous avons consacré quelques développements, ne
présente pas un grand intérêt pratique, puisque dans
tous les cas les étrangers seront protégés en France :
mais si dans les es-pèces qui se sont présentées on
peut tourner la difficulté grâce à la loi de 1873 sur la
réciprocité légale, il est certai-nement des cas où,
d'après la législation étrangère, cette ressource serait
interdite : dans ces conditions la question reprendrait
toute son importance pratique, et si des con-ventions
étaient conclues dans ces conditions, elles seraient
nulles.
112 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
Disons d'un mol que la question ne se pose pas en Bel-
gique (1). Les traités en principe devraient être soumis à
la
ratification des Chambres, soit qu'on les considère
comme
rentrant dans la catégorie des traités de commerce, soit
qu'on les considère comme pouvant lier individuellement
les Belges (art. 68 de la Constitution de la Belgique) ;
mais un article formel de la loi de 1879 a délégué le pou-
voir au gouvernement seul, disposition heureuse qui per-
met d'éviter la controverse que nous venons d'examiner
concernant la loi française. . .
Il peut être intéressant de joindre à l'élude de droit
cons-titutionnel français que nous venons de faire une
autre question qui s'est posée aux États-Unis, question
constitu-tionnelle, elle aussi, et au sujet des marques de
fabrique. —-La loi en vigueur aux Etats-Unis, est une lo-
du 3 mars 1881. — Avant cette loi fondamentale, les
textes sur la ma-tière étaient une loi du 8 juillet 1870,
complétée en 1874 et en 1876, aux termes de laquelle les
étrangers étaient proté-gés en cas de réciprocité, et la
réciprocité envers la France existait en vertu de la
convention diplomatique du 16 avril 1869. Les étrangers,
et particulièrement les Français, avaient donc,
antérieurement à laloi de 1881, opéré le dépôt de leurs
marques au Patent-Office à Washington, acquitté des
frais assez-lourds (125 fr. pour chaque marque), rempli
les formalités, etc., quand un arrêt de la Cour suprême
des
(1) Voir pour les tails une élude critique de M. Tneau, sur la
loi belge {Propriété industrielle, 1880, n°
s
7et 8. Voir une étude très-
complète de la loi par M. Alexandre Braun, avocat à Bruxelles, com-
prenant avec le commentaire, l'exposé des motifs, le rapport de
M. Demeur, l'indication des traités passés avec la Belgique.
DES INVENTIONS BREVETÉES 113
États-Unis a tout bouleversé, en déclarant
inconstitution nelles les lois de 1870, 1874, 1876,
comme excédant les droits du Congrès. La question
qui se présentait, question des plus graves, était de
savoir quelle était la portée exacte de l'arrêt. Il avait
provoqué une émotion immense, en Angle-terre surtout:
on avait cru que les marques n'étaient plus du tout
protégées aux États-Unis. C'était bien exagéré : en ce
qui concerne notamment la France: il était certain que
cet arrêt ne pouvait en rien nuire à ses nationaux,
puisque, comme le l'ait remarquer M. Champetier de
Ribes, te traise suffit à lui-même, et acquiert pour
ainsi dire, une forme nouvelle, l'arrêt faisant
remarquer que la Cour veut qu'il soit bien compris que
toute la question relative aux pou voirs du
Gouvernement général pour la conclusion des traités
sur la protection des marques et le pouvoir pour le
Congrès de faire des lois nécessaires au maintien de
ces traités, demeure tout ù fait intacte.
Sans entrer dans un examen approfondi de la
question de droit constitutionnel américain, il faut bien
comprendre cet arrêt de la cour suprême qui, après
tout, semble très juri dique, quoi qu'on en ait dit. Le
Congrès, dit la Constitution, aura le pouvoir de
règlementer le commerce avec les na tions étrangères,
entre les divers États de l'Union, et en outre avec les
tribus indiennes. Ce pour quoi la loi était in
constitutionnelle c'est qu'elle était destinée à
s'appliquer dans les rapports des citoyens des mêmes
Etats, et que le pouvoir lègislatif régulier dans ces
conditions est la législa-ture de chaque État. — Le
raisonnement parait bien déduit et il n'y avait pas
raison, comme on l'a fait dans la presse, de tourner en
ridicule la Constitution américaine, et de pré-
8
114 DES INVENTIONS BREVETÉES
tendre que les Américains ne respectaient pas les traités
(observations de M. Renault à la Société de gislation
com-parée, Bulletin, 1880, p. 112).
Quoi qu'il en soit, si l'on avait exagéré l'importance de
l'arrêt, elle n'existait pas moins : sans doute on n'était pas
absolument désarmé ; sans doute (observations de M
Rabi-net à la même séance), on pouvait invoquer devant
les tri-bunaux dê chaque État, les statuts locaux qui, en
(ait, pro-tègent les marques à peu près partout, mais que
de frais, que de formalités, que d'empêchements,
maintenant qu'on ne peut plus prouver la date de la
propriété de la marque par le certificat du Patent-Office,
et que la saisie organisée précédemment n'est plus d'une
façon générale autorisée. Cependant, afin d'être juste, il
faut ajouter que la France ne pouvait guère se plaindre de
ce que la loi de 1870, était déclarée inconstitutionnelle,
puisque son traité à elle était de 1869, et que les
inconvénients résultant de l'absence de loi générale
devaient être alors connus. (Voir sur la situation résultant
de cet arrêt la Propriété industrielle, 1880, n
0s,
l et 3; voir
aussi une brochure de M. Clunet : voir Journal du droit
international privé, 1879, p. 413, voir enfin : M. Lyon-
Caen, sur le même sujet).
Quoiqu'il en soit, l'émotion avait été grande, et on
deman-dait au gouvernement des Etats-Unis de rassurer
le com-merce international; une députation de
propriétaires de marques anglaises avait fait une
démarche auprès de l'am-bassadeur américain; la cour
supérieure fédérale elle-même, semblait conseiller au
gouvernement de remanier sa loi pour la rendre
constitutionnelle. La loi existe maintenant : elle est du 4
mars 1881 (voir La
DES INVENTIONS BREVETÉES 115
Propriété industrielle, 1881, n°s du 1er et 9 avril, voir le
texte original dans le Patent-Ambralt du 1e
r
avril).
Nous n'avons pas, cela va de soi, a entrer dans les
détails de cette loi qui présente avant tout un caractère
interna-tional : on peut consulter pour les détails le
règlement adop-té par l'office des États-Unis le 19 mai
1881 ; si nous som-mes entrés dans l'étude de la
difficulté juridique qui a mo-tivé le vote de la loi de
1881, c'est qu'elle a eu un grand re-tentissement en
Europe, et qu'elle nous a paru curieuse à rapprocher
des difficultés constitutionnelles, bien qu'elles soient
d'un tout autre ordre, qui se sont présentées et se
présentent encore aujourd'hui en France.
En laissant de côté ces questions de droit
constitution-nel, il nous reste à parler en terminant
cette étude des con-ventions diplomatiques d'une
particularité relative au traité avec la Suisse en 1864,
et d'une difficulté bien curieuse et bien connue qui
s'élève sur l'interprétation du traité franco-prussien de
1862.
Jusqu'à la loi de 1879, il n'y avait pas en Suisse de
loi fé-dérale protégeant les marques : on ne pouvait
donc pas sti-puler que les Français seraient traités en
Suisse comme les citoyens eux-mêmes puisqu'ils
n'étaient pas protégés. Le gouvernement cependant,
désirant faire protéger les marques françaises, exigea du
gouvernement suisse, lors de la con-clusion du traité
de commerce, cette protection des marques de
commerce françaises, et comme on ne pouvait s'en ré-
férer à la loi du pays, on fut obligé de multiplier les
pres-criptions de détail dans le traité. Aujourd'hui il y
a une loi dérale, mais les marques françaises sont
toujours protégées par la convention du 30 juin 1834,
prorogée au
116
DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
surplus, en attendant le traité de commerce, le 29 novembre
1879 (Officiel du 5 décembre). C'est une particularité curieuse
et qui valait la peine d'être citée : des étrangers mieux trais
pendant quinze ans que les nationaux dans une matière
aussi importante et d'une pratique aussi journalière.
Plusieurs difficultés se sont psenes en ce qui concerne
lo traité franco-prussien. Il est du 2 août 1864, renouve
par l'art. 11 de la convention additionnelle du 12 octobre
1871, auxquels documents il faut joindre une déclaration du
8 octobre 1873 : il importe d'ailleurs d'en avoir le texte sous
les yeux.
Art. 28 de la Convention de 1862. En ce qui concerne
les marques ou étiquettes de marchandises ou de leurs em-
ballages, les dessins et marques de fabrique ou de com-
merce, les sujets de chacun des États contractants, jouiront
respectivement chez l'autre de la même protection que les'
nationaux. Il n'y aura lieu à aucune poursuite, à raison de
l'emploi dans l'un des deux pays des marques de fabrique
de l'autre, lorsque la création de ces marques dans le pays
de provenance des produits remontera à une époque an-
rieure à l'appropriation de ces marques par pôt ou autre-
ment dans le pays d'importation.
Art. 11 de la Convention de 1871. — (Remise en vigueur
de l'art. 28 conclu entre la France et le Zollverein).
claration du 8 octobre 1873 tranchant quelques
doutes.
C'est cet article 28 qui donna lieu à des difficuls et
certainement il est fort mal rédigé. M. Pouyer-Quertier
interpella le gouvernement en 1865, pour lui en demander
l'explication et malgré les réponses successives des deux
DES INVENTIONS BREVETÉES 117
ministres, MM. Porcade de la Roquette et Rouher, il
est peut-être permis d'avouer sans honte que la
question était peu éclaircie. Tout ce qu'il résulte de ces
réponses, c'est que cet art. 28, in fine, avait été introduit
sur la demande des plénipotentiaires allemands et était
parfaitement inoffensif, voulant dire simplement « que
l'usurpateur d'une marque ne pourra pas se faire un
titre du dépôt qu'il aurait fait de la marque usurpée
pour poursuivre en contrefaçon l'impor-tateur qui
justifierait avoir possédé cette marque antérieu-rement
au dépôt. » C'était bien évident surtout pour le cas de
mauvaise foi. Il est absolument impossible d'entrer
dans l'examen approfondi de cet art. 28, sans citer les
faits qui s'y rattachent ce qui nous entraînerait trop loin
(Voir Pataille, 1868, page 176; —voir l'interpellation de
M. Pouyer-Quertier et la réponse. La Propriété
industrielle, 1880, nº 5).
Indiquons d'un mot deux autres difficultés qui se
sont produites au sujet de la loi allemande, avant de
quitter ce sujet. Aux termes de cette loi la protection
allemande est accordée aux étrangers si les Allemands
sont protégés dans leur pays. La loi semble exiger une
condition de plus, c'est que cette protection soit
constatée par un avis publié dans le Bulletin des lois de
l'Empire. On admet généralement que le droit n'est pas
perdu pour l'étranger de faire protéger sa marque,
même quand cette publication n'a pas eu lieu. Un
certain nombre d'ailleurs ont été faites depuis la
promul-gation de la loi.
Mentionnons enfin, afin d'être complet sur ce point,
une difficulté qui s'est élevée au sujet de
l'interprétation de l'art. 9 sur lequel il est inutile
d'insister d'autant plus que cet article est purement
transitoire.
118 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
En laissant de côté, au surplus, les différentes questions
qui se posent relativement à l'interprétation des lois natio-
nales ou des conventions diplomatiques, une difficulté géné-
rale se pose : en cas de cession d'une marque d'un fabri-
cant d'un pays à un fabricant d'un autre pays, quel traité
faut-il examiner dans les rapports du cessionnaire avec un
tiers pays? Est-ce le traité du pays du cessionnaire ou
celui du pays du cédant. Jugé (Cassation crim., 18 no-
vembre 1876. The Howe Company machine c. Onfray, etc.),
qu'une compagnie anglaise oessionnaire des droits de
marques d'un Américain et ayant sa fabrique en Angleterre,
a le droit en vertu des traités internationaux conclus entre
la France et l'Angleterre, de poursuivre en France l'usurpa-
tion du nom de son auteur sans qu'il y ait lieu d'examiner
si la législation américaine et les traités conclus avec les
États-Unis d'Amérique autorisent cette action (Journal du
droit international privé, 1876, 458). — La question se pose-
rait de môme et devrait être solue de la me façon si on
supposait, en dehors de toute cession, le citoyen d'un État
tiers ayant un établissement dans un pays avec lequel la
France a conclu un traité.
La conclusion qu'on peut tirer de cette étude rapide des
conventions diplomatiques, c'est que si de grands progrès
ont été accomplis, il reste encore beaucoup à faire, surtout
afin de rendre plus pratiques les dispositions dont il s'agit ;
ainsi, à peu près toutes ces conventions se contentent de
poser le principe néral, et n'entrent pas plus avant dans
des questions de forme qui, quelquefois emportent le fond.
Ainsi pour n'en prendre en ce moment qu'un exemple, pour-
quoi exiger que le dépôt des marques de fabrique doive
DES INVENTIONS BREVETÉES 119
être fait dans tous les pays. Le Congrès de la Propriété
in-duttrielle en 1878 émit le u, que nous approuvons
pleine-ment, « que la formalité du dépôt des marques
de fabrique soit soumise à une glementation
internationale en vertu de laquelle il suffirait au
possesseur d'une marque d'effec-tuer un seul dépôt
dans un État, pour assurer la protection de cette
marque dans tous les autres Étals concordataires. »
On voit sans qu'il soit besoin d'y insister l'immense
uti-lité pratique de cette disposition dont il faut
souhaiter le passage le plus tôt possible dans le
domaine de la pratique.
Une autre observation capitale, après celle-là, et
qu'on s'étonne d'avoir à faire est celle-ci : pourquoi, en
fait, le sort des stipulations de garantie réciproque de la
propriété indus-trielle, est-il lié au sort des traités de
commerce. Voici en effet ce qui's, passe, ainsi que le
faisait remarquer M. Lyon-Caen au Congrès. « Il y a
des traités de commerce passés entre la France et les
pays étrangers, qui contiennent les stipulations
relatives à la propriété dus marques ; parfois aussi il a
été conclu des conventions distinctes des traités de
commerce et ayant pour but la protection des
fabricants et commerçants quant à leurs marques.
Quand ces stipula-tions sont dans des traités de
commerce, leur sort dépend naturellement du traité de
commerce. En général, lors-qu'elles sont l'objet de
conventions distinctes, ces conven-tions étant
discutées et conclues à peu près en môme temps que le
traité de commerce, il y est stipulé dans un dernier
article que le sort de la convention sera lié a celui du
traité de commerce et que la convention tombera avec
ce traité. »
On est choqué, et à bon droit, de voir ainsi reléguer
au deuxième ou au troisième plan la protection de la
propriété
120 DE LA. PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
industrielle. Pourquoi ces conventions ne seraient-elles pas
l'objet de conventions spéciales. Comme faisait remarquer
un autre membre du Congrès, et sa parole a trouvé depuis
ors, et surtout en ce moment, une éclatante confirmation, le
renouvellement des traités de commerce n'est pas chose bien
facile, des difficultés d'un ordre quelconque se présentent :
c'est impossible à éviter, répond-on, soit ; mais qu'on ré-
duise au moins l'inconvénient à ses plus faibles proportions.
Pourquoi ne pas conclure des conventions spéciales, les-
quelles seraient conclues jusqunonciation, qu'on n'ac-
corde si l'on veut cette protection que pour un temps res-
treint si l'on ne peut faire autrement, mais qn'on cesse de
lier le sort de la protection des marques à des traités dont
le sort est extrêmement problématiques. Le Congrès émit:
le voeu que :
« Les stipulations de garantie réciproque de la propriété
industrielle doivent faire l'objet de conventions spéoiales et
indépendantes des traités de commerce, ainsi que des con-
ventions de garantie réciproque de la propriété littéraire et
artistique. »
DU NOM COMMERCIAL
La loi en vigueur sur ce point est une loi des 28
juillet, 4 août 1824, relative aux altérations ou
suppositions de noms dans les produits fabriqués.
ART. 1er. Quiconque aura, soit apposé, soit fait
appa-raître par addition, retranchement, ou altération
quelconque sur des objets fabriqués, le nom d'un
fabricant autre que
celui qui en est l'auteur ou la raison commerciale
d'une fabrique autre que celle les dits objets auront
été fabri-qués, ou enfin le nom d'un lieu autre que celui
de la fabrica-tion, sera puni des peines portées en
l'article 423 du Code pénal, sans préjudice des
dommages-intérêts s'il y a lieu.
Tout marchand, cbmmissionnaire ou débitant
quelconque sera passible des effets de la poursuite,
lorsqu'il aura sciemment expo en vente ou mis en
circulation des objets marqués de noms supposés ou
altérés.
Nous allons résumer les questions d'ordre purement
inté-rieur auxquelles a donné lieu cette loi de 1824, et
nous pas -serons ensuite à l'étude plus approfondie de
la question internationale.
Le but et l'utilité de la loi se Comprennent : sans
faire ici un historique, rappelons seulement que cette
loi réalisa
122 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
en son temps un progs très rieux dans la protection des
noms. Elle s'occupe uniquement du nom commercial
apposé sur les produits fabriqués et punit correctionnelle-
ment celui qui l'usurpe. D'ailleurs, c'est une remarque im-
portante à faire, le fabricant qui aura apposé sur ses pro-
duits son nom sous une forme emblématique ou figurative,
sera protégé deux fois, d'abord en vertu de la loi de 1857,
sur les marques de fabrique, en vertu de la loi de 1824 en-
suite, et cette double protection pourra lui être utile dans
certains cas, puisque le nom commercial est pro comme
tel en l'absence de tout dépôt.
Cette loi trop laconique a donlieu à un assez grand
nombre de controverses qu'il convient de résumer briè-
vement :
Le nom qui est pro n'est pas forcément le nom patro-
nymique, c'est celui sous lequel le fabricant est connu, celui
sous lequel il exerce son industrie, d'où cette conséquence
que les pseudonymes sont protégés comme les noms véri-
tables. Des difficultés assez nombreuses se sont présentées
dans la pratique au cas où le nom du fabricant est devenu
nomination nécessaire : la gle à poser est que c'est
seulement dans certains cas rares et exceptionnels, par
exemple quand l'inventeur a don son nom au produit,
qu'on peut considérer ce nom comme tombé dans le domaine
public. Admettre le contraire, fait remarquer M. Blanc, ce
serait reconnaître qu'il est licite de tromper l'acheteur sur
la provenance de la chose vendue. Une autre question s'est
présentée, c'est celle de savoir ce qui arriverait au cas
l'imitateur porte ellement le môme nom ? Il est difficile de
poser ici une règle générale. Bans doute il est fort dur
DES INVENTIONS BREVETÉES
423
d'empêcher quelqu'un de se servir de son nom, et les
res-trictions qu'on peut être forcé d'apporter doivent
être aussi peu nombreuses que possible. Cependant, il
est bien certain que s'il était prouvé en fait, que c'est
par fraude et dans un but de concurrence déloyale
qu'on agit ainsi, des poursuites seraient possibles. La
jurisprudence est formelle dans ce sens : c'est une
simple question d'appréciation de l'inten-tion.
Les noms de localités sont protégés absolument
comme les noms des personnes. On comprend, en effet
très bien, comme le fait remarquer M. Gastambide, que
la provenance des marchandises n'est pas chose
indifférente dans le com-merce. Telle ville est
renommée pour ses draps, telle autre pour sa
coutellerie : cette bonne putation est la propriété de
la ville ou de la contrée qui a su l'acquérir, de plus, le
public est intéressé à ce qu'on ne lui donne pas comme
venant de telle localité des produits fabriqués ailleurs.
Par nom de lieu, il faut entendre non seulement les
noms désignant une localité connue, mais aussi ceux
qui dé-signent une maison, un domaine, un
établissement reli-gieux. On se rappelle les nombreux
procès intentés à diverses reprises par les propriétaires
de la grande Char-treuse contre ceux qui se servaient
de ce mot pour désigner une liqueur plus ou moins
semblable à celle qui est connue sous ce nom et qui
faisait l'objet de leur commerce. Il va de soi, bien
que cela ait été contesté, et cela étonne, que ce sont non
seulement les habitants même de la ville ou loca-lité
quelconque qui peuvent se servir de son nom, mais
aussi ceux qui, fixés dans les environs, bien qu'étant
sur le territoire d'une autre commune, ai livrent à la
même fabri-
124 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
cation. Au surplus, il faut s'entendre sur le sens du mot:
Lieu de fabrication : nous avons dit plus haut quels étaient
les motifs qui avaient fait respecter le nom commercial, soit
nom de fabricant, soit nom de localité; on veut que l'ache-
teur puisse connaître l'origine des produits et que le ven-
deur conserve en même temps sa réputation acquise, mais
il est certains produits qui pourraient tromper l'acheteur si
on apposait sur eux le nom de l'endroit de fabrication, des
vins, des eaux-de-vie, par exemple. Le bon sens indique
qu'en ce qui concerne ces marchandises, ce qu'on entend
par nom, ce n'est pas le nom du lieu où le proprtaire pos-
sède des magasins et des bâtiments d'exploitation, mais
bien le nom du lieu le raisin a été colté. D'autres
questions assez délicates se présentent encore pour l'examen
desquelles nous sommes obligés de renvoyer aux traités
sur la matière.
Quand il y a usurpation du nom, il y a délit correctionnel,
et il va de soi qu'il n'est pas nécessaire pour être suscep-
tible d'être poursuivi d'avoir reproduit le mot exactement :
pourvu qu'il y ait imitation évidemment frauduleuse, imita-
tion tendant à tromper le public, les poursuites sont pos-
sibles, et c'est justice ; tout ce qu'on peut dire, c'est que la
jurisprudence a peut-être éun peu loin dans cette voie.
La tentative est-elle punissable ? La question est dou-
teuse, parce que, le lit n'étant pas consommé on ne peut
pas dire qu'il y a eu apposition du nom sur l'objet fabriqué.
Il semble bien qu'il y ait là une raison suffisante pour ci-
der que la tentative n'est pas punissable : d'ailleurs est
le danger, l'inconvénient sérieux ; que le proprtaire de la
marque que nous supposons prévenu laisse commettre une
DES INVENTIONS BREVETÉES
125
seule usurpation de son nom, et alors poursuive ; nous
écartons donc la tentative. — D'autres questions se
sont posées. La loi parlant d'objets fabriqués, faut-il
étendre cela aux objets débités par un commerçant qui
ne les a pas fabriqués. L'affirmative ne semble faire
aucune difficulté. Une question plus grave se
présente en ce qui concerne les produits agricoles ? Le
nom apposé sur eux est-il pro-tégé? 11 faut
malheureusement résoudre la question gati-vement;
il n'y a pas la de produits fabriqués, et dès lors nous ne
sommes plus dans les termes de la loi : mais une
restriction est nécessaire, si ces produits ont subi une
trans-formation quelconque, alors la loi de 1824
s'applique sans difficulté.
Les règles générales de la complicité s'appliquent,
bien que quelques auteurs aient pensé que l'art,
premier créait une complicispéciale : les complices
d'ailleurs, peuvent seuls invoquer leur bonne foi,
l'auteur principal étant, dans tous les cas, considéré
comme coupable.
Pour qu'il y ait poursuite, il n'est pas nécessaire que
le dépôt ait é fait. L'action appartient à toute
personne lésée par le délit, le propriétaire du nom, tous
les fabricants d'une ville s'il s'agit d'un nom de localité,
les consommateurs en-fin intéressés eux aussi à ne pas
être trompés sur la pro-venance de la marchandise. Il
est certain également que le minisière public peut
poursuivre d'office, sans attendre au-cune plainte de la
partie lésée. C'est le tribunal correction-nel qui est
compétent. La loi de 1824, en ce qui concerne la peine,
renvoie à l'art. 423 du Code pénal (emprisonnement de
trois mois au moins et d'un an au plus, amende qui ne
pourra excéder le quart des restitutions et dommages-
in-
126 DE LA PROT. INTERN. DES INVENTIONS BREVETÉES
térêts, ni être au-dessous de 50 francs). L'art. 463 du Code
pénal est applicable sans difficulté. Les objets revêtus d'un
nom usurpé sont confisqs (art. 423), on doit admettre que
ces objets peuvent être remis au plaignant, à titre d'indem-
nité, sans préjudice de plus amples dommages-intérêts s'il
y a lieu.
Telle est brvement résue cette loi de 1824, que nous
nous abstenons d'examiner au point de vue critique pour le
moment, sauf à y revenir quand nous aurons terminé notre
étude sur le droit international.
DROIT INTERNATIONAL
La loi de 1824 protège-t-elle en France les noms des
étrangers ? Sur ce point, elle est muette, et il fallait
pour résoudre la question posée, appliquer les principes
généraux sur les droits des étrangers en France (art. 11
du Code civil). La jurisprudence avait décidé
notamment sur ce
point que, de droit commun, les noms n'étaient point
proté-•
gés. On peut citer en ce sens un arrêt de la Cour de
cassa-tion du 11 juillet 1848 (Journal du Palais 1848,
page 36).
Attendu, dit l'arrèt, qu'aux termes combinés des
articles 11 et 13, Code civil, les étrangers ne jouissent
en France que des droits civils respectivement
accordés aux Français par les traités de la nation à
laquelle ils appartiennent, et qu'il n'y a exception à
cette règle que dans les cas détermi-nés par une loi
expresse ;
Attendu que la loi précitée du 28 Juillet 1824, en
punissant l'emploi frauduleux du nom commercial, a
eu essentielle-ment en vue de protéger l'industrie
nationale, etc.
Les conclusions du procureur général Dupin avaient
été dans ce sens. C'était cependant bien contestable ;
rien en effet ne semble plus conforme aux principes du
droit natu-rel. Comme on le faisait très bien
remarquer dans les plai-
128 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
doiries qui précédèrent l'arrêt de 1848, ôter à un commer-
çant le nom sous lequel il est connu c'est le ruiner en cer-
taines circonstances, Quand un étranger vient en France
apporter son industrie, ou les produits qu'il a fabriqués, il
apporte avec lui son nom, si sa réputation grandit avec le
temps, s'il arrive à se faire connaître avantageusement de
la clientèle, et qu'à ce moment précis Son nom puisse être
usur par un concurrent peu scrupuleux, voiune indus-
trie qui recevra un coup funeste, voilà un étranger absolu-
ment désar, absolument sans déferise aucune. M. le con-
seiller Rocher soutenait avec une grande énergie cette thèse
devant la Cour de cassation. Au surplus quelle que soit la
solution qui eût dû être donnée alors, la question ne fait plus
doute aujourd'hui; la jurisprudence de la Cour suprême est
confirmée par un texte législatif formel : aux termes de la
loi de 1873, pour qu'il ait protection en France, il faut qu'il
y ait réciprocité diplomatique ou réciprocité légale.
D'ailleurs, cet article 9 de la loi de 1873, jeté au milieu
de cette loi sans doute par surprise, a fait une situation dif-
férente aux propriétaires de marques et aux fabricants qui
invoquent la loi de 1824: on se rappelle en effet que, d'après
la distinction établie par la loi de 1857, les étrangers qui
ont leurs établissements en France sont protégés sans au-
cune condition de ciprocité, qu'en revanche les Fraais
dont les établissements sont situés à l'étranger ne sont pro-
gés que si cette réciprocité existe: au contraire ici, comme
il est évidemment impossible d'établir une pareille distinc-
tion par interprétation, les étrangers, même établis sur le
sol français, ne seront pas protégés, à l'exception bien en-
tendu de ceux qui sont autorisés à avoir leur domicile en
DES INVENTIONS BREVETÉES 129
France, mais alors nous rentrons dans la règle générale.
Cette loi de 1873 ayant" confirmé d'une manière
formelle la jurisprudence de la Cour de cassation, nous
n'avons plus à entrer dans l'examen d'assez nombreuses
questions contro-versées, qui se présentaient à ce sujet.
Dans les cas où la réciprocité n'existe pas, est-on
absolu -ment désarmé contre l'industriel qui usurpe
ainsi le nom d'un commerçant étranger. Certaines
personnes, M. Gas-tambide notamment, ne l'ont pas
pensé : suivant eux, il y a dans ce fait, un délit
punissable dans l'intérêt des acheteurs trompés sur
l'origine de la marchandise : dans ces condi-tions donc
le ministère public pourra poursuivre d'office, le
tribunal correctionnel condamnera, mais ne prononcera
pas de dommages-intérêts, puisque l'étranger n'est pas
et ne Deut pas être partie au débat, puisque à vrai, dire
la pour-suite ne tend pas a faire respecter le nom du
fabricant étranger, mais bien à défendre les intérêts du
public fran-çais.
Quand la réciprocité existe, l'étranger est proté
comme le Français lui-même, et peut invoquer toutes
les disposi-tions de la loi de 1824 qui peuvent lui être
favorables.
Quand elle n'existe pas, il ne peut poursuivre en
France. On peut se demander cependant si le
représentant français d'un étranger ne pourrait pas, en
dehors de toute récipro-cité, invoquant lui sa qualité
de Français, réclamer la pro-tection de la loi française
(Voir la même question pour les marques). La négative
est généralement admise.. On fait en en effet
remarquer qu'ils ne sont pas pour ainsi dire eux-
mêmes en eause, et que le droit, s'il existe, n'a pu que
prendre naissance en la personne de la personne qu'il
repré-
9
130
DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
sente. Il a été jugé dans ce sens qu'un Français, chargé en
France d'un dépôt de produits de fabricant étranger et
opé-rant dans son intérêt personnel la vente de ces
produits, n'a pas davantage qualité pour se plaindre de
l'emploi du nom du fabricant étranger, celui-ci n'ayant pu
lui trans-mettre devant les tribunaux français, un droit
d'action, dont lui-même n'était pas investi. Ce sont les
termes mêmes de l'arrêt (Journal du Palais, 1848, 2, 39).
En raisonnant de la même manière, on arrive à un
résultat contraire, en ce qui concerne le cessionnaire
français ; en effet bien que cela ait été contesté, il semble
juste que le cessionnaire ait un droit purement personnel
et puisse dès lors arguer de-vant les tribunaux de sa
qualité de Français.
Nous n'avons pas à entrer dans l'examen des différents
pays la réciprocité existe et dont conséquemment les
na-tionaux sont protégés en France; la jurisprudence, se
mon-trant très favorable à ces noms, leur étend sans
contesta-tion les conventions diplomatiques concernant
les marques de fabrique ou de commerce, de telle
manière que dans les cas les marques sont protégées,
les noms le sont égale-ment. On peut citer dans ce sens
un arrêt du 27 mai 1870 : Journal du Palais, 1870.
« Attendu, dit l'arrêt, que les dispositions (des
conventions diplomatiques) étendent virtuellement leurs
effets, par ana-logie, à l'usurpation du nom d'un fabricant
ou de la raison commerciale d'une fabrique, réprimée par
la loi du 28 juillet 1824. »
Comme il fut dit au congrès de 1878 :
« Le nom est moins bien protégé que la marque par la
plupart des lois intérieures. Il en est de même en matière
di-
DES INVENTIONS BREVETÉES
131
plomatique, aucune garantie ne figure, en effet, à cet
égard dans les traités, si l'on n'en considère que la
lettre.
« Les cours suprêmes en France et en Angleterre ont
dé-cidé il est vrai que la protection du nom est
virtuellement comprise dans la protection assurée aux
marques, puis-que le nom servant à marquer des
marchandises fait office de marque. Toutefois ce n'est
qu'une jurispru-dence qui pourrait ne pas être
exempte de fluctuations. Les traités devraient donc être
modifiés autant que possible en vue de combler une
lacune faite pour inquiéter les inté-ressés. »
Nous n'avons donc pas, en nous associant d'ailleurs
par-faitement à ce vœu, à insister longuement sur les
conven-tions diplomatiques concernant les noms : il
nous suffit de renvoyer à ce que nous avons dit
concernant les marques.
Enfin, sans insister davantage sur les difficultés, que
présente cette loi de 1824 au point de vue
international, rappelons qu'avant la loi de 1857, dont
l'article 19 tranche formellement la question, on
discutait longuement si l'intro-duction en transit de
marchandises portant des noms usurpés était un lit,
rentrait dans les termes de la loi qui faisait un délit de
la mise en circulation. Nous ne pou-vons ici, comme
plus haut, que renvoyer à ce qui a été dit dans la
deuxième partie de notre étude.
A plusieurs reprises, on a fait remarquer combien
cette loi de 1824 était imparfaite, soit qu'on la
considère en ce qui concerne les nationaux seuls, soit
qu'on la considère au point de vue des étrangers. 11 est
incontestable qu'on ne saurait donner un motif
rationnel quelconque, expliquant que pour le nom
commercial on s'attache à la nationalité
132
DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
du propriétaire du nom, tandis que pour les marques em-
blématiques, on prend en considération la situation de
l'éta-blissement commercial ou industriel. A défaut de
récipro-cité diplomatique ou légale, l'étranger ayant un
établisse-ment en France pourra voir usurper
impunément son nom commercial ; un étranger du
même pays, aussi établi en France, y sera au contraire
protégé, s'il a eu le soin de n'apposer son nom sur ses
produits que sous une forme distinctive môme la plus
simple.
« Il faudrait absolument que le législateur français optât
entre l'un et l'autre système. Celui qui est appliqué aux
marques emblématiques est de beaucoup préférable.
L'étranger qui a en France un établissement commercial
ou industriel contribue au développement de la richesse
natio-nale : en le protégeant, c'est à l'industrie française
que la loi accorde, en réalité, sa protection. Au contraire,
l'intérêt de l'industrie nationale n'exige nullement
l'application des lois françaises protectrices des marques
aux Français qui, par le pays ils ont créé leurs
établissements, sont deve-nus, en effet, étrangers à la
France. »
Nous avons cité en entier ce passage de M. Lyon-
Caen (Revue critique de Législation et de
Jurisprudence, et compte rendu du Congrès, page 595),
parce qu'il résume fidèlement la situation. Certainement
une réforme législa-tive est à désirer, qui remaniera
cette vieille loi de 1824 si imparfaite et si incohérente.
Au surplus une loi a été présentée au Sénat en 1839,
par l'honorable M. Bozérian, laquelle remédie en
beaucoup de points aux défauts incontestables de cette
loi. Le vote défi-nitif ne saurait s'en faire attendre
longtemps, ce serait un
DES INVENTIONS BREVEES 133
progrès certain et attendu depuis longtemps, les noms
seront protégés d'une manière sufQsante, ce qui est de toute
justice ; nous n'entrerons pas, au surplus, dans les tails
de ce projet de loi, et nous bornons ici les explications que
nous devions donner sur la protection du nom dans la légis-
lation actuelle.
APPENDICE
Après avoir termice qui (faisait plus particulièrement
l'objet de notre étude, il peut être utile de dire un mot dans
un dernier chapitre, d'ailleurs court, du droit des étrangers
dans les cas non prévus par la loi de 1857 et la loi de 1824.
On sait, en effet, que cette dernre loi de 1824 notamment
est très limitative : elle punit seulement l'apposition du nom
d'autrui sur des objets fabriqués ; il y a bien d'autres ma-
nières d'usurper le nom d'un commerçant, il y a bien
d'autres manières de faire une concurrence loyale à un
fabricant, un à marchand d'objets semblables à ceux qu'on
vend soi-même. Tous ces faits innombrables, non prévus
par les lois spéciales tombent sous l'application de l'article
1382 du Gode civil, et une responsabilité civile seule est
encourue. On peut critiquer sérieusement cet état de
choses, et souhaiter que des lois un peu plus larges fassent
rentrer dans la catégorie des délits la plupart des faits de
concurrence loyale. Nous avons vu au surplus plus haut
que le projet de loi de M. Bozérian élargit le champ d'appli-
cation de la loi de 1824. Mais que de formes de la concur-
rence déloyale ne sont pas protées par des lois spéciales,
que de délits réellement correctionnels au point de vue moral,
ne sont que des délits civils, en l'absence du texte. Nous ne
DE LA PROT. INTEFIN. DES INVENTIONS BREVETEES 135
pouvons, cela se compreod, entrer da l'examen qui serait
très long des diverses tonnes de la concurrence déloyale
: l'invention des contrefacteurs, comme il fallait s'y
attendre, a été sur ce point très fertile. Quoi qu'il en soit,
une ques-tionrale se pose, la seule que nous voulions
traiter ici parce qu'elle rentre dans le droit international?
Quel est le droit des étrangers, les étrangers ont-ils l'action
en concur-rence déloyale ? Nous avons examiné une
partis de cette question en ce qui concerne las marques de
fabrique, mais il peut être bon de l'examiner d'une manière
générale. Dans an premier système on soutient que,me
en l'absence de conventions diplomatiques, les étrangers
ont l'action en concurrence loyale. Dans es système
parfaitement équi-table et juste on fait remarquer que dans
la concorrence dé-
yale, il y a au moins perptation d'un quasi-lit pure-
ment commercial qui, par cela me qu'il est commis en
France, donne ouverture à une action devant le tribunal
français. S'il en était autrement, dil M. Psiaills (Annales,
1857, 363 , il faudrait décider d'une manière générale et
absolue qu'un étranger, me commeant et résidant en
France, n'aura d' action devant les tribunaux français qu'au-
tant qu'il se sera fait admettre par cret à y établir son
domicile.
Plus généralement les auteurs admettent l'opinion con-
traire, et soutiennent qu faut de conventions diploma-
tiques établissant laciprocité, les étrangers ne peuvent
pas invoquer en France l'article 1382 du Code civil. En
effet, disent-ils, et dit particulièrement M. Huard, es
système est inconciliable avec l'esprit de la loi de 1857 :
que deviendrait le système de la ciprocité, les
espérances de traités inter-
136 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
nationaux, si, par un biais ingénieux, on arrive à protéger
l'étranger qui n'offre pas aux Français la me protection.
Nous admettrons également cette solution quelque regret-
table qu'elle puisse être en pratique : sans doute, il pourra
être choquant de voir un étranger, volé en France et, en
finitive, ne pouvant se plaindre, mais nous nous rendons
aux raisons indiquées par les auteurs ; il faut un stimulant
pour les gouvernements étrangers, dans tous les cas, telle
est bien certainement l'intention du législateur qui exige
toujours la réciprocité et qui a confirmé en 1873 la
doctrine de la Cour de cassation en ce qui concerne les
noms. Cependant à notre avis il faudrait faire une réserve :
l'étranger qui ne réside pas en France, qui n'y a pas d'éta-
blissement ne peut se plaindre même en invoquant l'art.
1382, l'étranger autorisé à établir son domicile en France
peut, lui, se plaindre certainement, nous n'insistons pas sur
ces faits qui sont l'application du droit commun. Mais entre
ces deux extrêmes peut se placer une troisième situation ; on
peut supposer un étranger ayant un établissement en
France et pouvant dans ces conditions invoquer fart. 5 de
la loi de 1857 s'il remplit les formalités exigées par la loi
fraaise, c'est-à-dire, notamment, s'il fait le dépôt de sa
marque. Si le dépôt n'a pas été fait, ne pourra-t-il pas agir
en concurrence loyale ? Il semble bien qu'il faille l'ad-
mettre (voir plus haut). Sans doute on peut dire qu'il a droit
à la protection de la loi, protection exceptionnelle, à condi-
tion de remplir telle ou telle formalité, et que dès lors la
formalité n'étant pas accomplie, il n'a plus droit à la protec-
tion du tout. A notre avis, c'est exagéré : la loi de 1857
(voir plus haut) met l'étranger ayant un établissement en
DES INVENTIONS BREVETÉES 137
France, absolument sur le même pied que les
nationaux, or les Français qui ne font pas le dépôt de
leurs marques peu-vent toujours agir en concurrence
déloyale, donc l'étranger doit avoir lui aussi ce droit.
Sans entrer, comme nous l'avons dit, dans le tail
des mille et une combinaisons aux moyens desquelles
s'exerce la concurrence déloyale, il convient de dire un
mot des médailles d'exposition, puisqu'à propos des
brevets d'inven-tion et des marques de fabrique nous
avons consacré un assez long chapitre aux expositions
elles-mêmes. On admet sans difficulté que le fait de se
déclarer médaillé quand en réalité on ne l'a point été,
ou de se dire seul médaillé, seul récompensé, quand en
fait il y en a d'autres constitue un délit civil : quelques
auteurs, M. Calmels notamment, allant trop loin à notre
avis, voient là un délit correctionnel, une escroquerie.
« Et cela se comprend, une exposition internationale
est un concours entre les fabricants des divers pays
exposants, et les jurés choisis dans chacune des nations
rivales sont censés examiner avec soin les divers
objets exposés, et prononcer quels sont les meilleurs.
A ceux qu'ils trouvent les meilleurs, ils décernent les
médailles, et le fait qu'un fabricant a obtenu une
médaille d'exposition signifie qu'entre tous les
fabricants qui avaient exposé, sa fabrique à lui était des
meilleures » (Les Médailles d'Exposition, par J. W.
Willis Bund). Assurément aucun droit n'est plus res-
pectable que celui-là, et cependant il est violé tous les
jours, aucune loi ne régit la matière en France, et la
même chose existe en Angleterre, sauf une loi de 1863
concernant les expositions de 1851 et 1852. Étant
admis, dès lors, que
10
138 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE
nous sommes en face d'un cas de concurrence déloyale
ordinaire, que nous avons uniquement à appliquer l'article
1382, nous sommes obligés d'appliquer notre théorie : de
droit commun, les étrangers ne peuvent se plaindre si,
ayant été médails ellement à une exposition, ils appren-
nent qu'un concurrent usurpe ce titre. C'est un résultat
scandaleux. C'est pour ces faits-lá, et pour beaucoup
d'autres analogues qu'on voudrait et qu'on clame instam-
ment une législation complète, précise, qui se mette au
courant des produits journaliers et des besoins nouveaux.
Le projet de loi de M. Bozérian dons nous avons parlé plus
haut contient des dispositions spéciales relativement aux
compenses accordées dans les expositions.
Nous sommes ainsi arrivés au terme de notre étude sur
les diverses branches de la propriété industrielle, dessins
et modèles de fabrique exceptés. Nous ne pouvons mieux
finir qu'en réitérant des vœux bien souvent formulés, à
savoir que ces questions éminemment pratiques doivent
recevoir également une solution pratique. La propriété,
nous voulons dire, la propriété ordinaire, celle du Code
civil est aujourd'hui respectée partout, il n'est pas de
peuple civilisé qui fasse une différence à ce sujet entre les
nationaux et les étrangers : nous demandons qu'on traite
de la même manière cette propr nouvelle, représentant
souvent un capital aussi considérable, et dans tous les cas
aussi digne de protection. En ce qui concerne le commerce,
les limites des États ne doivent pour ainsi dire pas exister,
il faut que la concurrence soit libre, mais la concurrence
honnête, non pas celle qui a recours à des moyens fraudu-
leux. C'est comme pour la propriété littéraire qui à l'heure
DES INVENTIONS BREVETÉES
139
actuelle n'est pas respectée partout, même dans les
pays qui se prétendent au courant de la civilisation
moderne. Il n'est pas, et ne peut y avoir d'intérêt local,
d'intérêt particu-lier qui puisse aller contre cette grande
règle très simple mais aussi très vraie : Cuique suum.
Et dans ce siècle les différentes nations, au point de
vue du commerce au moins, tendent à se rapprocher,
où les expositions internationales ont lieu fréquemment
tant dans l'ancien que dans le nouveau monde, il serait
exorbitant qu'on n'arrivât pas à trouver des mesures
admises par tout le monde et protégeant les droits de
tout le monde. Les Congrès, les Conférences dont nous
parlions dans notre introduction sont d'un excel-lent
augure ; comme ailleurs le progrès avancera empor-
tant avec lui les vieilles lois restrictives et prohibitives
et on respectera partout, comme chose parfaitement
juste et naturelle, sous quelque forme qu'elles, se
présentent, les différentes manifestations de la pensée
et de l'activité humaine.
01. —Tours, imp. Rouillé-Ladevèze.
ERRATA
il semble inutile d'indiquer ici quelques erreurs typogra-
phiques ne changeant en rien le sens de la phrase; nous nous
contentons de relever celles qui présentent une importance
relative.
Page 90.ligne 6, au lieu de: de, lire: daqns.
— 113 — 11 forme, lire: force
—114— 6 — Babinet, lire: Babinet
—115 — 2 — 2 — Patent-Ambralt, lire: Patent-Anwalt
—115,dernière ligne — 1834, lire : 1864
—124 marque, lire: nom
—134, ligne 20 —protégéos, livre: visées.
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