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Version 1.1, Aout 1999
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----------------------- FIN DE LA LICENCE ABU --------------------------------
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<IDENT ripa>
<IDENT_PREFIXE ITA>
<IDENT_AUTEURS stendhal>
<IDENT_COPISTES vautiere>
<ARCHIVE http://www.abu.org/ >
<VERSION 2>
<DROITS 0>
<TITRE San Francesco à Ripa - Chroniques italiennes (1839) >
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<GENRE prose>
<AUTEUR Stendhal (1783, 1842) >
<COPISTE Eric Vautier >
<NOTESPROD>
Eric Vautier
8 clos Nollet
91200 Athis Mons
</NOTESPROD>
----------------------- FIN DE L'EN-TETE --------------------------------
------------------------- DEBUT DU FICHIER ITA/ripa2 --------------------------------
SAN FRANCESCO A RIPA
--------------------
Ariste et Dorante ont traité ce
sujet, ce qui a donné à Eraste l'idée
de le traiter aussi.
30 septembre
Je traduis d'un chroniqueur italien le détail des amours d'une princesse romaine
avec un Français. C'était en 1726, au commencement du dernier siècle. Tous les
abus du népotisme florissaient alors à Rome. Jamais cette cour n'avait été plus
brillante. Benoît XIII (Orsini) régnait, ou plutôt son neveu, le prince Campobasso,
dirigeait sous son nom toutes les affaires grandes et petites. De toutes parts, les
étrangers affluaient à Rome; les princes italiens, les nobles d'Espagne, encore
riches de l'or du Nouveau-Monde, y accouraient en foule. Tout homme riche et
puissant s'y trouvait au-dessus des lois. La galanterie et la magnificence y
semblaient la seule occupation de tant d'étrangers et de nationaux réunis.
Les deux nièces du pape, la comtesse Orsini et la princesse Campobasso, se
partageaient la puissance de leur oncle et les hommages de la cour. Leur beauté
les aurait fait distinguer même dans les derniers rangs de la société. L'Orsini,
comme on dit familièrement à Rome, était gaie et disinvolta, la Campobasso
tendre et pieuse; mais cette âme tendre était susceptible des transports les plus
violents. Sans être ennemies déclarées, quoique se rencontrant tous les jours chez
le pape et se voyant souvent chez elles, ces dames étaient rivales en tout : beauté,
crédit, richesse.
La comtesse Orsini, moins jolie, mais brillante, légère, agissante, intrigante, avait
des amants dont elle ne s'occupait guère, et qui ne régnaient qu'un jour. Son
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bonheur était de voir deux cents personnes dans ses salons et d'y régner. Elle se
moquait fort de sa cousine, la Campobasso, qui, après s'être fait voir partout, trois
ans de suite, avec un duc espagnol, avait fini par lui ordonner de quitter Rome
dans les vingt-quatre heures, et ce, sous peine de mort. «Depuis cette grande
expédition, disait Orsini, ma sublime cousine n'a plus souri. Voici quelques mois
surtout qu'il est évident que la pauvre femme meurt d'ennui ou d'amour, et son
mari, qui n'est pas gaucher, fait passer cet ennui aux yeux du pape, notre oncle,
pour de la haute piété. Je m'attends que cette piété la conduira à entreprendre un
pèlerinage en Espagne.»
La Campobasso était bien éloignée de regretter son Espagnol, qui, pendant deux
ans au moins l'avait mortellement ennuyée. Si elle l'eût regretté, elle l'eût envoyé
chercher, car c'était un de ces caractères naturels et passionnés, comme il n'est
pas rare d'en rencontrer à Rome. D'une dévotion exaltée, quoique à peine âgée de
vingt-trois ans et dans toute la fleur de sa beauté, il lui arrivait de se jeter aux
genoux de son oncle en le suppliant de lui donner la bénédiction papale, qui,
comme on ne le sait pas assez, à l'exception de deux ou trois péchés atroces,
absout tous les autres, même sans confession. Le bon Benoît XIII pleurait de
tendresse. «Lève-toi, ma nièce, lui disait-il, tu n'as pas besoin de ma bénédiction,
tu vaux mieux que moi aux yeux de Dieu.»
En cela, bien qu'infaillible, il se trompait, ainsi que Rome entière. La Campobasso
était éperdument amoureuse, son amant partageait sa passion, et cependant elle
était fort malheureuse. Il y avait plusieurs mois qu'elle voyait presque tous les jours
le chevalier de Sénécé, neveu du duc de Saint-Aignan, alors ambassadeur de
Louis XV à Rome.
Fils d'une des maîtresses du régent Philippe d'Orléans, le jeune Sénécé jouissait
en France de la plus haute faveur : colonel depuis longtemps, quoiqu'il eût à peine
vingt-deux ans, il avait les habitudes de la fatuité, et ce qui la justifie, sans toutefois
en avoir le caractère. La gaieté, l'envie de s'amuser de tout et toujours, l'étourderie,
le courage, la bonté, formaient les traits les plus saillants de ce singulier caractère,
et l'on pouvait dire alors, à la louange de la nation, qu'il en était un échantillon
parfaitement exact. En le voyant la princesse de Campobasso l'avait distingué.
«Mais, lui avait-elle dit, je me méfie de vous, vous êtes Français; mais je vous
avertis d'une chose: le jour où l'on saura dans Rome que je vous vois quelquefois
en secret, je serai convaincue que vous l'avez dit, et je ne vous aimerai plus.»
Tout en jouant avec l'amour, la Campobasso s'était éprise d'une passion véritable.
Sénécé aussi l'avait aimée, mais il y avait déjà huit mois que leur intelligence
durait, et le temps, qui redouble la passion d'une Italienne, tue celle d'un Français.
La vanité du chevalier le consolait un peu de son ennui; il avait déjà envoyé à Paris
deux ou trois portraits de la Campobasso. Du reste comblé de tous les genres de
biens et d'avantages, pour ainsi dire, dès l'enfance, il portait l'insouciance de son
caractère jusque dans les intérêts de la vanité, qui d'ordinaire maintient si inquiets
les coeurs de sa nation.
Sénécé ne comprenait nullement le caractère de sa maîtresse, ce qui fait que
quelquefois sa bizarrerie l'amusait. Bien souvent encore, le jour de la fête de sainte
Balbine, dont elle portait le nom, il eut à vaincre les transports et les remords d'une
piété ardente et sincère. Sénécé ne lui avait pas fait oublier la religion, comme il
arrive auprès des femmes vulgaires d'Italie; il l'avait vaincue de vive force, et le
combat se renouvelait souvent.
Cet obstacle, le premier que ce jeune homme comblé par le hasard eût rencontré
dans sa vie, l'amusait et maintenait vivante l'habitude d'être tendre et attentif
auprès de la princesse; de temps à autre, il croyait de son devoir de l'aimer. Il y
avait une autre raison fort peu romanesque, Sénécé n'avait qu'un confident, c'était
son ambassadeur, le duc de Saint-Aignan, auquel il rendait quelques services par
la Campobasso, qui savait tout. Et l'importance qu'il acquérait aux yeux de
l'ambassadeur le flattait singulièrement.
La Campobasso, bien différente de Sénécé n'était nullement touchée des
avantages sociaux de son amant. Etre ou n'être pas aimée était tout pour elle. «Je
lui sacrifie mon bonheur éternel, se disait-elle; lui qui est un hérétique, un Français,
ne peut rien me sacrifier de pareil.» Mais le chevalier paraissait, et sa gaieté, si
aimable, intarissable, et cependant si spontanée, étonnait l'âme de la Campobasso
et la charmait. A son aspect, tout ce qu'elle avait formé le projet de lui dire, toutes
les idées sombres disparaissaient. Cet état, si nouveau pour cette âme altière,
durait encore longtemps après que Sénécé avait disparu. Elle finit par trouver
qu'elle ne pouvait penser, qu'elle ne pouvait vivre loin de Sénécé.
La mode à Rome, qui, pendant deux siècles, avait été pour les Espagnols,
commençait à revenir un peu aux Français. On commençait à comprendre ce
caractère qui porte le plaisir et le bonheur partout où il arrive. Ce caractère ne se
trouvait alors qu'en France et, depuis la révolution de 1789 ne se trouve nulle part.
C'est qu'une gaieté si constante a besoin d'insouciance, et il n'y a plus personne
de carrière sûre en France, pas même pour l'homme de génie, s'il en est.
La guerre est déclarée entre les hommes de la classe de Sénécé et le reste de la
nation. Rome aussi était bien différente alors de ce qu'on la voit aujourd'hui. On ne
s'y doutait guère, en 1726, de ce qui devait y arriver soixante-sept ans plus tard,
quand le peuple, payé par quelques curés, égorgeait le jacobin Basseville, qui
voulait, disait-il, civiliser la capitale du monde chrétien.
Pour la première fois, auprès de Sénécé la Campobasso avait perdu la raison,
s'était trouvée dans le ciel ou horriblement malheureuse pour des choses non
approuvées par la raison. Dans ce caractère sévère et sincère, une fois que
Sénécé eut vaincu la religion, qui pour elle était bien autre chose que la raison, cet
amour devait s'élever rapidement jusqu'à la passion la plus effrénée.
La princesse avait distingué monsignor Ferraterra, dont elle avait entrepris la
fortune. Que devint-elle quand Ferraterra lui annonça que non seulement Sénécé
allait plus souvent que de coutume chez l'Orsini, mais encore était cause que la
comtesse venait de renvoyer un castrat célèbre, son amant en titre depuis
plusieurs semaines!
Notre histoire commence le soir du jour où la Campobasso avait reçu cette
annonce fatale.
Elle était immobile dans un immense fauteuil de cuir doré. Posées auprès d'elle sur
une petite table de marbre noir, deux grandes lampes d'argent au long pied, chefs-
d'oeuvre du célèbre Benvenuto Cellini, éclairaient ou plutôt montraient les ténèbres
d'une immense salle au rez-de-chaussée de son palais ornée de tableaux noircis
par le temps; car déjà, à cette époque, le règne des grands peintres datait de loin.
Vis-à-vis de la princesse et presque à ses pieds, sur une petite chaise de bois
d'ébène garnie d'ornements d'or massif, le jeune Sénécé venait d'étaler sa
personne élégante. La princesse le regardait, et depuis qu'il était entré dans cette
salle, loin de voler à sa rencontre et de se jeter dans ses bras, elle ne lui avait pas
adressé une parole.
En 1726, déjà Paris était la cité reine des élégances de la vie et des parures.
Sénécé en faisait venir régulièrement par des courriers tout ce qui pouvait relever
les grâces d'un des plus jolis hommes de France. Malgré l'assurance si naturelle à
un homme de ce rang, qui avait fait ses premières armes auprès des beautés de la
cour du régent et sous les directions du fameux Canillac, son oncle, un des roués
de ce prince, bientôt il fut facile de lire quelque embarras dans les traits de
Sénécé. Les beaux cheveux blonds de la princesse étaient un peu en désordre;
ses grands yeux bleu foncé étaient fixés sur lui : leur expression était douteuse.
S'agissait-il d'une vengeance mortelle? était-ce seulement le sérieux profond de
l'amour passionné?
-- Ainsi vous ne m'aimez plus? dit-elle enfin d'une voix oppressée.
Un long silence suivit cette déclaration de guerre.
Il en coûtait à la princesse de se priver de la grâce charmante de Sénécé qui, si
elle ne lui faisait pas de scène, était sur le point de lui dire cent folies; mais elle
avait trop d'orgueil pour différer de s'expliquer. Une coquette est jalouse par
amour-propre; une femme galante l'est par habitude; une femme qui aime avec
sincérité et passionnément a la conscience de ses droits. Cette façon de regarder,
particulière à la passion romaine, amusait fort Sénécé : il y trouvait profondeur et
incertitude; on voyait l'âme à nu pour ainsi dire. L'Orsini n'avait pas cette grâce.
Cependant, comme cette fois le silence se prolongeait outre mesure, le jeune
Français, qui n'était pas bien habile dans l'art de pénétrer les sentiments cachés
d'un coeur italien, trouva un air de tranquillité et de raison qui le mit à son aise. Du
reste, en ce moment il avait un chagrin : en traversant les caves et les souterrains
qui, d'une maison voisine du palais Campobasso, le conduisaient dans cette salle
basse, la broderie toute fraîche d'un habit charmant et arrivé de Paris la veille
s'était chargée de plusieurs toiles d'araignée. La présence de ces toiles d'araignée
le mettait mal à son aise, et d'ailleurs il avait cet insecte en horreur.
Sénécé, croyant voir du calme dans l'oeil de la princesse, songeait à éviter la
scène, à tourner le reproche au lieu de lui répondre; mais, porté au sérieux par la
contrariété qu'il éprouvait : «Ne serait-ce point ici une occasion favorable, se disait-
il, pour lui faire entrevoir la vérité? Elle vient de poser la question elle-même; voilà
déjà la moitié de l'ennui évité. Certainement il faut que je ne sois pas fait pour
l'amour. Je n'ai jamais rien vu de si beau que cette femme avec ses yeux
singuliers. Elle a de si mauvaises manières, elle me fait passer par des souterrains
dégoûtants; mais c'est la nièce du souverain auprès duquel le roi m'a envoyé. De
plus, elle est blonde dans un pays où toutes les femmes sont brunes : c'est une
grande distinction. Tous les jours j'entends porter sa beauté aux nues par des gens
dont le témoignage n'est pas suspect, et qui sont à mille lieues de penser qu'ils
parlent à l'heureux possesseur de tant de charme. Quand au pouvoir qu'un homme
doit avoir sur sa maîtresse, je n'ai point d'inquiétude à cet égard. Si je veux
prendre la peine de lui dire un mot, je l'enlève à son palais, à ses meubles d'or, à
son oncle-roi, et tout cela pour l'emmener en France, au fond de la province,
vivoter tristement dans une de mes terres... Ma foi, la perspective de ce
dévouement ne m'inspire que la résolution la plus vive de ne jamais le lui
demander. L'Orsini est bien moins jolie : elle m'aime, si elle m'aime, tout juste un
peu plus que le castrat Butofaco que je lui ai fait renvoyer hier; mais elle a de
l'usage, elle sait vivre, on peut arriver chez elle en carrosse. Et je suis bien assuré
qu'elle ne fera jamais de scène; elle ne m'aime pas assez pour cela.»
Pendant ce long silence, le regard fixe de la jeune princesse n'avait pas quitté le
joli front du jeune Français.
«Je ne le verrai plus», se dit-elle. Et tout à coup elle se jeta dans ses bras et
couvrit de baisers ce front et ces yeux qui ne rougissaient plus de bonheur en la
revoyant. Le chevalier se fût mésestimé, s'il n'eût pas oublié à l'instant tous ses
projets de rupture; mais sa maîtresse était trop profondément émue pour oublier sa
jalousie. Peu d'instants après, Sénécé la regardait avec étonnement; des larmes
de rage tombaient rapidement sur ses joues. «Quoi! disait-elle à demi-voix, je
m'avilis jusqu'à lui parler de son changement; je le lui reproche, moi, qui m'étais
juré de ne jamais m'en apercevoir! Et ce n'est pas assez de bassesse, il faut
encore que je cède à la passion que m'inspire cette charmante figure! Ah! vile, vile,
vile princesse!... Il faut en finir.»
Elle essuya ses larmes et parut reprendre quelque tranquillité.
-- Chevalier, il faut en finir, lui dit-elle assez tranquillement. Vous paraissez souvent
chez la comtesse... Ici elle pâlit extrêmement. Si tu l'aimes, vas-y tous les jours,
soit; mais ne reviens plus ici...» Elle s'arrêta comme malgré elle. Elle attendait un
mot du chevalier; ce mot ne fut point prononcé. Elle continua avec un petit
mouvement convulsif et comme en serrant les dents : «Ce sera l'arrêt de ma mort
et de la vôtre.»
Cette menace décida l'âme incertaine du chevalier, qui jusque-là n'était qu'étonné
de cette bourrasque imprévue après tant d'abandon. Il se mit à rire.
Une rougeur subite couvrit les joues de la princesse, qui devinrent écarlates. «La
colère va la suffoquer, pensa le chevalier; elle va avoir un coup de sang.» Il
s'avança pour délacer sa robe; elle le repoussa avec une résolution et une force
auxquelles il n'était pas accoutumé. Sénécé se rappela plus tard que, tandis qu'il
essayait de la prendre dans ses bras, il l'avait entendue se parler à elle-même. Il
se retira un peu : discrétion inutile, car elle semblait ne plus le voir. D'une voix
basse et concentrée, comme si elle eût parlé à son confesseur, elle se disait : «Il
m'insulte, il me brave. Sans doute, à son âge et avec l'indiscrétion naturelle à son
pays, il va raconter à l'Orsini toutes les indignités auxquelles je m'abaisse... Je ne
suis pas sûre de moi; je ne puis me répondre même de rester insensible devant
cette tête charmante...» Ici il y eut un nouveau silence, qui sembla fort ennuyeux
au chevalier. La princesse se leva enfin en répétant d'un ton plus sombre : Il faut
en finir.
Sénécé, à qui la réconciliation avait fait perdre l'idée d'une explication sérieuse, lui
adressa deux ou trois mots plaisants sur une aventure dont on parlait beaucoup à
Rome...
-- Laissez-moi, chevalier, lui dit la princesse en l'interrompant; je ne me sens pas
bien...
«Cette femme s'ennuie, se dit Sénécé en se hâtant d'obéir, et rien de contagieux
comme l'ennui.» La princesse l'avait suivi des yeux jusqu'au bout de la salle... «Et
j'allais décider à l'étourdie du sort de ma vie! dit-elle avec un sourire amer.
Heureusement, ses plaisanteries déplacées m'ont réveillée. Quelle sottise chez cet
homme! Comment puis-je aimer un être qui me comprend si peu? Il veut m'amuser
par un mot plaisant, quand il s'agit de ma vie et de la sienne!... Ah! je reconnais
bien là cette disposition sinistre et sombre qui fait mon malheur!» Et elle se leva de
son fauteuil avec fureur. «Comme ces yeux étaient jolis quand il m'a dit ce mot!...
et il faut l'avouer, l'intention du pauvre chevalier était aimable. Il a connu le malheur
de mon caractère; il voulait me faire oublier le sombre chagrin qui m'agitait, au lieu
de m'en demander la cause. Aimable Français! Au fait, ai-je connu le bonheur
avant de l'aimer?»
Elle se mit à penser et avec délices aux perfections de son amant. Peu à peu elle
fut conduite à la contemplation des grâces de la comtesse Orsini. Son âme
commença à voir tout en noir. Les tourments de la plus affreuse jalousie
s'emparèrent de son coeur. Réellement un pressentiment funeste l'agitait depuis
deux mois; elle n'avait de moments passables que ceux qu'elle passait auprès du
chevalier, et cependant presque toujours, quand elle n'était pas dans ses bras, elle
lui parlait avec aigreur.
Sa soirée fut affreuse. Epuisée et comme un peu calmée par la douleur, elle eut
l'idée de parler au chevalier : «Car enfin il m'a vue irritée, mais il ignore le sujet de
mes plaintes. Peut-être il n'aime pas la comtesse. Peut-être il ne se rend chez elle
que parce qu'un voyageur doit voir la société du pays où il se trouve, et surtout la
famille du souverain. Peut-être si je me fais présenter Sénécé, s'il peut venir
ouvertement chez moi, il y passera des heures entières comme chez l'Orsini.»
«Non, s'écria-t-elle avec rage, je m'avilirais en parlant; il me méprisera, et voilà tout
ce que j'aurai gagné. Le caractère évaporé de l'Orsini que j'ai si souvent méprisé,
folle que j'étais, est dans le fait plus agréable que le mien, et surtout aux yeux d'un
Français. Moi, je suis faite pour m'ennuyer avec un Espagnol. Quoi de plus
absurde que d'être toujours sérieux, comme si les événements de la vie ne
l'étaient pas assez eux-mêmes!... Que deviendrai-je quand je n'aurai plus mon
chevalier pour me donner la vie, pour jeter dans mon coeur ce feu qui me
manque?»
Elle avait fait fermer sa porte; mais cet ordre n'était point pour monsignor
Ferraterra, qui vint lui rendre compte de ce qu'on avait fait chez l'Orsini jusqu'à une
heure du matin. Jusqu'ici ce prélat avait servi de bonne foi les amours de la
princesse; mais il ne doutait plus, depuis cette soirée, que bientôt Sénécé ne fût au
mieux avec la comtesse Orsini, si ce n'était déjà fait.
«La princesse dévote, pensa-t-il, me serait plus utile que femme de la société.
Toujours il y aura un être qu'elle me préfèrera : ce sera son amant; et si un jour cet
amant est romain, il peut avoir un oncle à faire cardinal. Si je la convertis, c'est au
directeur de sa conscience qu'elle pensera avant tout, et avec tout le feu de son
caractère... Que ne puis-je pas espérer d'elle auprès de son oncle!» Et l'ambitieux
prélat se perdait dans un avenir délicieux; il voyait la princesse se jetant aux
genoux de son oncle pour lui faire donner le chapeau. Le pape serait très
reconnaissant de ce qu'il allait entreprendre... Aussitôt la princesse convertie, il
ferait parvenir sous les yeux du pape des preuves irréfutables de son intrigue avec
le jeune Français. Pieux, sincère et abhorrant les Français, comme est Sa
Sainteté, elle aura une reconnaissance éternelle pour l'agent qui aura fait finir une
intrigue aussi contrariante pour lui. Ferraterra appartenait à la haute noblesse de
Ferrare; il était riche, il avait plus de cinquante ans... Animé par la perspective si
voisine de chapeau, il fit des merveilles; il osa changer brusquement de rôle
auprès de la princesse. Depuis deux mois que Sénécé la négligeait évidemment, il
eût pu être dangereux de l'attaquer, car à son tour le prélat, comprenant mal
Sénécé, le croyait ambitieux.
Le lecteur trouverait bien long le dialogue de la jeune princesse, folle d'amour et de
jalousie, et du prélat ambitieux. Ferraterra avait débuté par l'aveu le plus ample de
la triste vérité. Après un début aussi saisissant, il ne lui fut pas difficile de réveiller
tous les sentiments de religion et de la piété passionnée qui n'étaient qu'assoupis
au fond du coeur de la jeune Romaine; elle avait une foi sincère. -- Toute passion
impie doit finir par le malheur et par le déshonneur, lui disait le prélat. -- Il était
grand jour quand il sortit de Campobasso. Il avait exigé de la nouvelle convertie la
promesse de ne pas recevoir Sénécé ce jour-là. Cette promesse avait peu coûté à
la princesse; elle se croyait pieuse, et, dans le fait, avait peur de se rendre
méprisable par sa faiblesse aux yeux du chevalier.
Cette résolution tint ferme jusqu'à quatre heures : c'était le moment de la visite
probable du chevalier. Il passa dans la rue, derrière le jardin du palais
Campobasso, vit le signal qui annonçait l'impossibilité de l'entrevue, et, tout
content, s'en alla chez la comtesse Orsini.
Peu à peu la Campobasso se sentit comme devenir folle. Les idées et les
résolutions les plus étranges se succédaient rapidement. Tout à coup elle
descendit le grand escalier de son palais comme en démence, et monta en voiture
en criant au cocher : «Palais Orsini»
L'excès de son malheur la poussait comme malgré elle à voir sa cousine. Elle la
trouva au milieu de cinquante personnes. Tous les gens d'esprit, tous les ambitieux
de Rome, ne pouvant aborder au palais Campobasso, affluaient au palais Orsini.
L'arrivée de la princesse fit événement; tout le monde s'éloigna par respect; elle ne
daigna pas s'en apercevoir : elle regardait sa rivale, elle l'admirait. Chacun des
agréments de sa cousine était un coup de poignard pour son coeur. Après les
premiers compliments, l'Orsini la voyant silencieuse et préoccupée, reprit une
conversation brillante et disinvolta.
«Comme sa gaieté convient mieux au chevalier que ma folle et ennuyeuse
passion!» se disait la Campobasso.
Dans un inexplicable transport d'admiration et de haine, elle se jeta au cou de la
comtesse. Elle ne voyait que les charmes de sa cousine; de près comme de loin ils
lui semblaient également adorables. Elle comparait ses cheveux aux siens, ses
yeux, sa peau. A la suite de cet étrange examen, elle se prenait elle-même en
horreur et en dégoût. Tout lui semblait adorable, supérieur chez sa rivale.
Immobile et sombre, la Campobasso était comme une statue de basalte au milieu
de cette foule gesticulante et bruyante. On entrait, on sortait; tout ce bruit
importunait, offensait la Campobasso. Mais que devint-elle quand tout à coup elle
entendit annoncer M. de Sénécé! Il avait été convenu, au commencement de leurs
relations, qu'il ne lui parlerait fort peu dans le monde, et comme il sied à un
diplomate étranger qui ne rencontre que deux ou trois fois par mois la nièce du
souverain auprès duquel il est accrédité.
Sénécé la salua avec le respect et le sérieux accoutumés; puis, revenant à la
comtesse Orsini, il reprit le ton de gaieté presque intime que l'on a avec une
femme d'esprit qui vous reçoit bien et que l'on voit tous les jours. La Campobasso
en était atterrée. «La comtesse me montre ce que j'aurais dû être, se disait-elle.
Voilà ce qu'il faut être, et que pourtant je ne serai jamais!» Elle sortit dans le
dernier degré de malheur où puisse être jetée une créature humaine, presque
résolue à prendre du poison. Tous les plaisirs que l'amour de Sénécé lui avait
donnés n'auraient pu égaler l'excès de douleur où elle fut plongée pendant toute
une longue nuit. On dirait que ces âmes romaines ont pour souffrir des trésors
d'énergie inconnus aux autres femmes.
Le lendemain, Sénécé repassa et vit le signe négatif. Il s'en allait gaiement;
cependant il fut piqué. «C'est donc mon congé qu'elle m'a donné l'autre jour? Il faut
que je la voie dans les larmes», dit sa vanité. Il éprouvait une légère nuance
d'amour en perdant à tout jamais une aussi belle femme, nièce du pape. Il quitta sa
voiture et s'engagea dans les souterrains peu propres qui lui déplaisaient si fort, et
vint forcer la porte de la grande salle au rez-de-chaussée où la princesse le
recevait.
-- Comment! vous osez paraître ici! dit la princesse étonnée.
«Cet étonnement manque de sincérité, pensa le jeune Français; elle ne se tient
dans cette pièce que quand elle m'attend.»
Le chevalier lui prit la main; elle frémit. Ses yeux se remplirent de larmes; elle
sembla si jolie au chevalier, qu'il eut un instant d'amour. Elle, de son côté, oublia
tous les serments que pendant deux jours elle avait faits à la religion; elle se jeta
dans ses bras, parfaitement heureuse : «Et voilà le bonheur dont désormais
l'Orsini jouira!...» Sénécé, comprenant mal, comme à l'ordinaire, une âme romaine,
crut qu'elle voulait se séparer de lui avec bonne amitié, rompre avec des formes.
«Il ne me convient pas, attaché que je suis à l'ambassade du roi, d'avoir pour
ennemie mortelle (car telle elle serait) la nièce du souverain auprès duquel je suis
employé.» Tout fier de l'heureux résultat auquel il croyait arriver, Sénécé se mit à
parler raison. Ils vivraient dans l'union la plus agréable; pourquoi ne seraient-ils
pas très heureux? Qu'avait-on, dans le fait, à lui reprocher? L'amour ferait place à
une bonne et tendre amitié. Il réclamait instamment le privilège de revenir de
temps à autre dans le lieu où ils se trouvaient; leurs rapports auraient toujours de
la douceur...
D'abord la princesse ne le comprit pas. Quand, avec horreur, elle l'eut compris, elle
resta debout, immobile, les yeux fixes. Enfin, à ce dernier trait de la douceur de
leurs rapports, elle l'interrompit d'une voix qui semblait sortir du fond de sa poitrine,
et en prononçant lentement :
-- C'est-à-dire que vous me trouvez, après tout, assez jolie pour être une fille
employée à votre service!
-- Mais, chère et bonne amie, l'amour-propre n'est-il pas sauf? répliqua Sénécé, à
son tour vraiment étonné. Comment pourrait-il vous passer par la tête de vous
plaindre? Heureusement jamais notre intelligence n'a été soupçonnée de
personne. Je suis homme d'honneur; je vous donne de nouveau ma parole que
jamais être vivant ne se doutera du bonheur dont j'ai joui.
-- Pas même l'Orsini? ajouta-t-elle d'un ton froid qui fit encore illusion au chevalier.
-- Vous ai-je jamais nommé, dit naïvement le chevalier les personnes que j'ai pu
aimer avant d'être votre esclave?
-- Malgré tout mon respect pour votre parole d'honneur, c'est cependant une
chance que je ne courrai pas, dit la princesse d'un air résolu, et qui enfin
commença à étonner un peu le jeune Français. «Adieu! chevalier...» Et, comme il
s'en allait un peu indécis : «Viens m'embrasser», lui dit-elle.
Elle s'attendrit évidemment; puis elle dit d'un ton ferme : «Adieu, chevalier...»
La princesse envoya chercher Ferraterra. «C'est pour me venger», lui dit-elle. Le
prélat fut ravi. «Elle va se compromettre; elle est à moi à jamais.»
Deux jours après, comme la chaleur était accablante, Sénécé alla prendre l'air au
Cours sur le minuit. Il y trouva toute la société de Rome. Quand il voulut reprendre
sa voiture, son laquais put à peine lui répondre : il était ivre; le cocher avait
disparu; le laquais lui dit, en pouvant à peine parler, que le cocher avait pris
dispute avec un ennemi.
-- Ah! mon cocher a des ennemis! dit Sénécé en riant. En revenant chez lui, il était
à peine à deux ou trois rues du Corso, qu'il s'aperçut qu'il était suivi. Des hommes,
au nombre de quatre ou cinq, s'arrêtaient quand il s'arrêtait, recommençaient à
marcher quand il marchait. «Je pourrais faire le crochet et regagner le Corso par
une autre rue, pensa Sénécé. Bah! ces malotrus n'en valent pas la peine; je suis
bien armé.» Il avait son poignard nu à la main.
Il parcourut, en pensant ainsi, deux ou trois rues écartées et de plus en plus
solitaires. Il entendait ces hommes, qui doublaient le pas. A ce moment, en levant
les yeux, il remarqua droit devant lui une petite église desservie par des moines de
l'ordre de Saint-François, dont les vitraux jetaient un éclat singulier. Il se précipita
vers la porte, et frappa très fort avec le manche de son poignard. Les hommes qui
semblaient le poursuivre étaient à cinquante pas de lui. Ils se mirent à courir sur
lui. Un moine ouvrit la porte; Sénécé se jeta dans l'église; le moine referma la barre
de fer de la porte. Au même moment, les assassins donnèrent des coups de pied à
la porte. « Les impies!» dit le moine. Sénécé lui donna un séquin. «Décidément ils
m'en voulaient», dit-il.
Cette église était éclairée par un millier de cierges au moins.
-- Comment! un service à cette heure! dit-il au moine.
-- Excellence, il y a une dispense de l'éminentissime cardinal-vicaire.
Tout le parvis étroit de la petite église de San Francesco a Ripa était occupée par
un mausolée magnifique; on chantait l'office des morts.
-- Qu'est-ce qui est mort? quelque prince? dit Sénécé.
-- Sans doute, répondit le prêtre, car rien n'est épargné; mais tout ceci, c'est argent
et cire perdus; monsieur le doyen nous a dit que le défunt est mort dans
l'impénitence finale.
Sénécé s'approchait; il vit des écussons d'une forme française; sa curiosité
redoubla; il s'approcha tout à fait et reconnut ses armes! Il y avait une inscription
latine : Nobilis homo Johannes Norbertus Senece eques decessit Romae. «Haut et
puissant seigneur Jean Norbert de Sénécé, chevalier, mort à Rome»
«Je suis le premier homme, pensa Sénécé, qui ait eu l'honneur d'assister à ses
propres obsèques... Je ne vois que l'empereur Charles-Quint qui se soit donné ce
plaisir... Mais il ne fait pas bon pour moi dans cette église.»
Il donna un second séquin au sacristain. -- Mon père, lui dit-il, faites-moi sortir par
une porte de derrière de votre couvent.
-- Bien volontiers, dit le moine.
A peine dans la rue, Sénécé, qui avait un pistolet à chaque main, se mit à courir
avec une extrême rapidité. Bientôt il entendit derrière lui des gens qui le
poursuivaient. En arrivant près de son hôtel, il vit la porte fermée et un homme
devant. «Voici le moment de l'assaut», pensa le jeune Français; il se préparait à
tuer l'homme d'un coup de pistolet, lorsqu'il reconnut son valet de chambre. --
Ouvrez la porte, lui cria-t-il.
Elle était ouverte; ils entrèrent rapidement et la refermèrent.
-- Ah! monsieur, je vous ai cherché partout; voici de bien tristes nouvelles : le
pauvre Jean, votre cocher, a été tué à coups de couteau. Les gens qui l'ont tué
vomissaient des imprécations contre vous. Monsieur, on en veut à votre vie...
Comme le valet parlait, huit coups de tromblon partant à la fois d'une fenêtre qui
donnait sur le jardin, étendirent Sénécé mort à côté de son valet de chambre; ils
étaient percés de plus de vingt balles chacun.
Deux ans après, la princesse Campobasso était vénérée à Rome comme le
modèle de la plus haute piété, et depuis longtemps monsignor Ferraterra était
cardinal.
Excusez les fautes de l'auteur.
------------------------- FIN DU FICHIER ITA/ripa2 --------------------------------
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